Les nouvelles images de Pluton, transmises par la sonde New Horizons, qui l'a survolé le 14 juillet, sont un véritable choc esthétique et géologique pour tous ceux qui les parcourent du regard. Plus que jamais, la lointaine planète naine se présente comme un monde extraordinairement complexe et passionnant.
Pluton, planète naine qui se promène dans la ceinture de Kuiper, à près de 5 milliards de kilomètres de la Terre, n'a pas fini de nous étonner et de nous émerveiller. Plus de 70 jours après la visite historique de New Horizons (le 14 juillet dernier) et les premières images transmises de l'hémisphère survolé par la sonde -- le grand cœur en particulier, baptisé région Tombaugh --, d'autres photos en haute résolution, envoyées progressivement au cours de ces dernières semaines (le vaisseau poursuit sa route à travers cette région du Système solaire externe), arrivent sur les écrans de l'équipe de la mission. Après avoir été l'objet de traitements et après des esquisses d'interprétations en attendant les études plus approfondies de sa géomorphologie, les images sont partagées avec le grand public qui, lui aussi, ne reste pas insensible à toute la beauté et la diversité des paysages de cet astre de 2.372 km de diamètre.
Cette fois encore, quelques jours après avoir découvert les jeux d’ombres et de lumière sur la surface de la planète naine, à l'orée du jour et de la nuit, on a envie de se frotter les yeux en découvrant cette vue globale de Pluton. Aussi, afin d'apprécier au maximum toutes les nuances et la complexité des terrains qui la composent, nous vous recommandons de télécharger la version de 8.000 pixels (70,8 Mo) pour vous y promener à votre gré, de long en large, zoomant et dézoomant, autant de temps qu'il vous plaira...
Entre esthétique et science
Sur l'image principale (en haut), en regardant du côté du terminateur, à la limite du jour et de la nuit, sur la droite, on peut observer en gros plan des formations qui ondulent et ressemblent à des dunes. « C'est un paysage unique et curieux qui s'étend sur des centaines de kilomètres, commente William McKinnon, de l'équipe scientifique de la mission. Cela ressemble plus à de l'écorce ou des écailles de dragon qu'à de la géologie. Le géophysicien ne cache pas son étonnement, cela va vraiment prendre du temps de comprendre, ajoutant que peut-être cela combine des forces tectoniques internes et la sublimation des glaces entraînée par le faible ensoleillement de Pluton ».
En survolant la plaine de Spoutnik, on devine par endroits la présence de rides à la surface de ces cellules aux tons clairs. Loin d'être opaques, elles laissent transparaître des teintes rouge bordeaux. Plus au sud, la sombre formation Cthulhu Regio arbore quelques grands cratères d'impact dont certains sont emplis (ou partiellement emplis) de matériaux plus clairs, et traversés par de longues crevasses, elles-mêmes remplies de matériaux clairs, et ailleurs, rouge.
De magnifiques rehauts bleu pastel, jaune clair, dorés ou « coquille d'œuf » parsèment les régions au nord de Tombaugh. À l'ouest de celle-ci, on distingue des reliefs bariolés de rouille et recouverts çà et là d'un vernis crème... On pense au fameux sfumato de Léonard de Vinci. L'ensemble fait aussi songer à la palette d'un peintre partiellement séchée ou encore dégoulinante...
L’abondance du méthane à la surface de Pluton
Comme l'a expliqué Alex Parker, de l'équipe de New Horizons, à Emily Lakdawalla qui l'a interrogé sur la réalisation de ce portrait en couleurs, l'image en combine trois acquises à travers une filtre bleu, un autre rouge et un autre dans le proche infrarouge de la caméra MVIC (Multispectral Visual Imaging Camera). Ces images ont été élargies a posteriori par un facteur 2, par déconvolution. Le chercheur raconte que, après avoir passé des heures à retravailler l'image dans ses moindres détails, il avait « les yeux rougis », ajoutant : « Il me semble que le résultat paie »... Nous n'avons aucun doute là-dessus ; cela saute aux yeux !
Enfin, signalons que le spectromètre infrarouge Leisa a renseigné l'équipe scientifique de la mission sur la distribution du méthane sur une frange de la surface de Pluton. Mais, là aussi, rien de simple. Il y en a partout dans la plaine Spoutnik et presque pas sur les massifs montagneux qui la bordent ou dans la région de Cthulhu (masse rouge sombre).
Il y a tant de choses à regarder sur ces images récemment envoyées (rappelons que le téléchargement de toutes les images et mesures collectées le 14 juillet prendra 18 mois au total). L'étonnement revient à toutes les échelles. On n'ose imaginer ce qui nous attend pour les prochaines semaines et les mois à venir.
Le cœur de Pluton ou la région Tombaugh Le « cœur de Pluton » est une région glacée en forme de cœur et d'environ 2.000 km de large. Elle a été baptisée « région Tombaugh », du nom de Clyde Tombaugh, découvreur de Pluton en 1930 (et décédé en 1997). Le lobe ouest (à gauche de l'image) est formé de glace de monoxyde de carbone (CO) et comprend la plaine Spoutnik. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
La plaine Spoutnik, une des plus jeunes du Système solaire La plaine Spoutnik (du nom du premier satellite artificiel de la Terre, Spoutnik 1, lancé en 1957 par l'URSS), dépourvue de cratères, est une des plus jeunes du Système solaire : elle ne peut avoir plus de cent millions d'années. Des structures de 20 km environ sont entourées par des sortes de sillons, comportant par endroits de la matière sombre. On ne sait pas comment elles ont été formées. Peut-être par sublimation de glace, comme un sol de boue se craquelle après l'évaporation de l'eau. L'image a été acquise le 14 juillet par le télescope Lorri à 77.000 km de distance. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Le vent de Pluton Sur la plaine Spoutnik, le télescope Lorri a repéré des formes noires sur la glace blanche, flanquées de sortes d'ombres allongées. Il s'agirait en fait de poussières emportées par le vent de l'atmosphère ténue de Pluton (un millionième de la pression terrestre). De ces taches (wind streaks sur l'image), on peut déduire la possible direction du vent (Inferred wind direction). La barre d'échelle représente 20 miles, soit 32 km. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Les deux lobes du cœur de Pluton Les deux lobes de la plaine Spoutnik vus à 450.000 km. La partie ouest (à gauche) est recouverte par une couche de glace plus épaisse qu'à l'est. Il est vraisemblable que le lobe ouest soit une sorte de réservoir et que la glace se déplace vers l'est (par l'action du vent, peut-être). Résolution : 2,2 km/pixel. © Nasa/JHUAPL/SwRI
Des glaces en mouvement Au nord de la plaine Spoutnik, la glace d'azote (Nitrogen ice flow) glisse vers la région rocailleuse et cratérisée (Rugged cratered terrain). En amont, la couverture de glace est craquelée, formant des structures polygonales (Polygonal cells). La barre d'échelle indique 32 km. © Nasa/JHUAPL/SwRI
Les montagnes de glace de Pluton À 77.000 km de distance, le télescope Lorri a observé d'étonnantes montagnes d'environ 3.500 m de hauteur. Elles sont faites... d'eau glacée. Les glaces d'azote et de méthane, communes sur Pluton, sont trop fragiles pour former de telles structures. Les planétologues s'interrogent sur la source d'énergie qui peut maintenir une telle activité géologique. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Les montagnes de la plaine Spoutnik Au sud de la plaine glacée Spoutnik, avec ses structures polygonales (Polygons), et au nord de la région Cthulhu, se dressent de hautes montagnes, nommées en l'honneur des deux vainqueurs de l'Everest : les monts Norgay et les monts Hillary. La couche de glace y est plus fine (thin ice sheet) et emplit un cratère (infilled crater). La barre d'échelle indique 64 km. © Nasa/JHUAPL/SwRI
De curieuses montagnes au bord d'une plaine de glace Des montagnes de glaces vues par Lorri à 77.000 km de distance, en bordure ouest de la plaine Spoutnik, de formes très variées et d'une hauteur de 1 à 1,5 km. Sans doute sont-elles faites de glace d'eau, tandis que la neige blanche est de la glace de monoxyde de carbone. Les surfaces sombres sont peut-être des dépôts de tholines. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Le ciel bleu de Pluton L'atmosphère de Pluton vue en contre-jour par la caméra multispectrale MVIC de l'instrument Ralph. Les couleurs ont été reconstituées pour donner à peu près ce qu'aurait vu un œil humain. La couleur bleue viendrait de poussières faites de tholines, molécules très réactives contenant du carbone et de l'azote. © Nasa/JHUAPL/SwRI
La drôle d'atmosphère de Pluton Le vent solaire (Solar wind) heurte l'atmosphère de Pluton, qui s'étend loin du sol, produisant une onde de choc (Shock). Ce vent solaire est ralenti et dévié (Slowed and deflected solar wind). Derrière, une partie de l'atmosphère, essentiellement faite d'azote, s'échappe dans l'espace (Pluto's escaping nitrogen atmosphere). Ce schéma a été réalisé grâce aux données recueillies par l'instrument Swap (Solar Wind Around Pluto). © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Le Soleil révèle l'atmosphère de Pluton L'atmosphère de Pluton paraît structurée en deux couches, visualisées ici par la coloration (fausse) : la première au-dessus de la surface (en rouge-orange) jusqu'à 50 km et la seconde à 83 km (en vert), avec une zone de transition entre les deux. © Nasa/JHUAPL/SwRI
Le pôle noir du satellite Charon Vu le 13 juillet 2015 à 466.000 km, le satellite Charon (1.207 km de diamètre) montre un visage diversifié... et jeune. Sur cette image (compressée), on voit en effet peu de cratères. Des reliefs importants apparaissent, comme cet immense canyon d'environ un millier de kilomètres, visible en haut à droite de l'image, et profond, sans doute, de 7 à 9 km. Au pôle nord, une région sombre, aux bords flous (provisoirement baptisée Mordor par l'équipe de New Horizons, du nom d'une région fictive décrite dans le Seigneur des anneaux), est probablement un dépôt de matière carbonée. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Le couple Pluton-Charon Deux images montrant Charon (à gauche) et Pluton (à droite) observés le 11 juillet à 4 millions de kilomètres. La sonde New Horizons ayant survolé, le 14 juillet, la partie claire de Pluton, ici à gauche sur la planète, cette face ne sera jamais vue en meilleure résolution. De même pour Charon. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Pluton et Charon en – fausses – couleurs Des couleurs artificielles ajoutées en fonction des informations de spectrométrie montrent les compositions des surfaces de Pluton (à gauche) et de Charon (à droite) sur deux images du 13 juillet (la distance entre les deux est en réalité bien plus grande). Le cœur de Pluton apparaît en deux lobes de teintes différentes. Sur Charon, la région sombre apparaît ici rougeâtre. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Charon n'a pas d'atmosphère Quand New Horizons est passée dans l'ombre de Charon, l'instrument Alice a analysé l'occultation de la lumière solaire. La chute et la réapparition de cette lumière (courbe rouge) sont brutales. Première conclusion : Charon n'a pas d'atmosphère détectable. © Nasa/JHUAPL/SwRI
Hydre, le plus grand des petits satellites de Pluton Hydre (Hydra en anglais), repéré par le télescope spatial Hubble en 2005, n'est pas sphérique. Cette image prise par l'instrument Lorri de New Horizons à 640.000 km a permis de préciser ses dimensions : 43 x 33 km. Un pixel de l'image représente 6 km. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Nix, troisième satellite de Pluton Le télescope Lorri, à 590.000 km de distance, a pris le 13 juillet cette image de Nix, le troisième satellite de Pluton en taille, après Charon (1.200 km de diamètre) et Hydre (43 x 33 km), découvert en 2005 par le télescope spatial Hubble. Chaque pixel représente 6 km. © Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
Les images de Pluton avant New Horizons... Des images du passé. À gauche, une cartographie réalisée en 2000 à partir de nombreuses données, dont celles de Hubble et celles venues des occultations de Pluton par Charon dans les années 1980. À droite, la meilleure représentation existant avant le survol, une cartographie réalisée grâce à l'instrument ACS installé par des astronautes sur Hubble 2002. La petite image en haut et au milieu est la photographie brute que Hubble donne de Pluton. New Horizons a complètement changé notre image de Pluton et de son monde ! © Nasa / Eliot Young, Richard Binzel, Keenan Crane, 2000 / SwRi / Montage Futura-Sciences
Pluton et le méthane gazeux En 2008, soit avant le passage de la sonde New Horizons en 2015, le spectre de Pluton avait été réalisé grâce au VLT (Very Large Telescope). Il a révélé 17 raies individuelles du méthane gazeux, permettant d'évaluer son abondance (de 0,5 % par rapport à l'azote) et sa température, environ 90 K. Cette vue d'artiste représente l'atmosphère de Pluton. À gauche se trouve Charon, principal satellite de la planète naine. © L. Calçada, ESO
Vue de la surface de Pluton avant New Horizons Les deux grandes images principales donnent un premier aperçu de la surface de Pluton. Elles ont été obtenues après traitement informatique des deux petites images du haut, réalisées en 1996 par le télescope Hubble. © Alan Stern (Southwest Research Institute), Marc Buie (Lowell Observatory), Nasa, ESA