Les images et les données capturées par New Horizons lors du survol historique de Pluton et de Charon arrivent au compte-gouttes. L’équipe scientifique a dévoilé mercredi 15 juillet les contours de la petite lune Hydre puis s’est attardée sur les paysages de Charon et de Pluton. Ce système binaire qui appartient à la ceinture de Kuiper n’a pas fini de nous surprendre : leurs surfaces apparaissent bien plus jeunes que prévu. Parmi les plus jeunes du Système solaire ! Leur géologie est donc active. Mais d'où vient l'énergie ?

au sommaire


    Quelques heures après les équipes de la mission New Horizons, nous découvrons -- avec autant de bonheur et de ravissement qu'elles -- les premières images (et d'autres données collectées) de Pluton et de CharonCharon acquises le 14 juillet lors de ce premier survolsurvol de l'histoire de ce tandem des confins du Système solaire. Transmises au compte-gouttes jusqu'à la Terre, elles lèvent enfin le voile sur la diversité des paysages à leurs surfaces, lesquels sont l'objet de spéculations depuis des décennies en ce qui concerne leurs distributions spatiales et leurs compositions variées.

    Aussi, ce mercredi 15 juillet, en ouverture de la conférence de presse qui dévoilait les premières images adressées par la sonde spatiale depuis le survol de la veille, le directeur adjoint de la Nasa, John Grunsfeld, a rappelé : « New HorizonsNew Horizons est une vraie mission d'exploration qui nous montre pourquoi la recherche scientifique fondamentale est si importante. Aujourd'hui, a-t-il continué, nous avons le premier échantillon d'un trésor scientifique collecté durant ce moment critique [le rendez-vous historique du 14 juillet, NDLRNDLR] et je peux vous dire que cela dépasse de façon spectaculaire toutes nos attentes ».

    Cette image prise par New Horizons, le 14 juillet, à environ 640.000 km de distance nous dévoile enfin la silhouette patatoïde du petit satellite naturel Hydre (43 km x 33 km). © Nasa, JHUAPL, SwRI

    Cette image prise par New Horizons, le 14 juillet, à environ 640.000 km de distance nous dévoile enfin la silhouette patatoïde du petit satellite naturel Hydre (43 km x 33 km). © Nasa, JHUAPL, SwRI

    Le satellite Hydre plus lumineux que prévu

    Pour ce faire, Alan Stern et son équipe ont fait le choix de garder le meilleur pour la fin. « New Horizons nous a déjà envoyé des résultats incroyables, a déclaré le directeur scientifique de la mission au Southwest Research Institute (SwRI). Les données ont l'air absolument magnifiques et PlutonPluton et Charon sont tout simplement hallucinants ».

    C'est Hydre qui a ouvert le bal. Découvert il y a seulement dix ans, en même temps que NixNix, grâce au télescope spatialtélescope spatial Hubble, qui avait été alors sollicité pour préparer l'aventure de New Horizons, ce (pseudo-)satellite naturel n'était connu jusqu'ici que comme un petit point flou. En approchant du système Pluton-Charon, la sonde et son télescope Lorri (Long Range Reconnaissance Imager) ont obtenu une première image avec une résolutionrésolution de 3 km/pixelpixel qui a permis d'affiner ses dimensions. De forme irrégulière, plutôt patatoïde, il s'étend donc sur quelque 43 km en longueur et 33 km en largeur. Les chercheurs ont aussi pu constaté que cet objet figurant dans la ceinture de Kuiper n'est pas aussi sombre qu'ils le supposaient. La lune HydreHydre est en effet plus lumineuse que prévu, sa réflectivité se situant entre Pluton et Charon. Une abondance de glace d'eau pourrait en être à l'origine.

    Voici Charon (1.208 km), photographié le 14 juillet 2015 par New Horizons lorsqu’elle était à 466.000 km de sa surface. Le compagnon de Pluton présente une longue bande centrale de falaises et de crevasses. Près du bord supérieur droit, on peut distinguer un canyon profond de 7 à 9 km. Les chercheurs sont très intrigués par la rareté des cratères d’impact. © Nasa, JHUAPL, SwRI

    Voici Charon (1.208 km), photographié le 14 juillet 2015 par New Horizons lorsqu’elle était à 466.000 km de sa surface. Le compagnon de Pluton présente une longue bande centrale de falaises et de crevasses. Près du bord supérieur droit, on peut distinguer un canyon profond de 7 à 9 km. Les chercheurs sont très intrigués par la rareté des cratères d’impact. © Nasa, JHUAPL, SwRI

    Charon et sa calotte polaire Mordor

    Vint ensuite Charon. Et plusieurs surprises nous attendaient concernant ce fidèle compagnon de Pluton. Voici quelques jours, les images réalisées à plusieurs millions de kilomètres du système suggéraient l'existence de crevasses et aussi de gouffresgouffres « aussi profonds que le Grand Canyon » sur Terre. En réalité, le nôtre est largement dépassé car celui de Charon affiche une profondeur de 7 à 9 km... Des fissures bordées de falaises sont déroulées sur environ 1.000 km au milieu du globe. Pour l'équipe, cela a pu être provoqué par une activité interne qui s'étend à l'ensemble de cet astreastre de 1.208 km de diamètre. Mais ce qui les a peut-être le plus étonnés est la relative absence de cratères d'impact (ils sont assez peu nombreux). Charon montre une surface plutôt jeune, récemment refaçonnée, et complexe.

    Quant à sa ténébreuse calotte polairecalotte polaire, surnommée Mordor par l'équipe, ses bords diffusdiffus supposent que cela pourrait être un maigre dépôt de ce matériaumatériau sombre. Des images en plus haute résolution sont attendues pour les prochains jours.

    Des montagnes de glace sur Pluton

    Pour ce qui est de Pluton, les planétologues ont eu le plaisir de recueillir un gros plan d'une région équatoriale située au sud du fameux grand cœur de couleurcouleur crème qu'arbore la planète naineplanète naine. Cette première pièce du puzzle du survol de New Horizons -- qui ne représente qu'un pourcent de toute la surface -- dévoile un paysage montagneux dont certains sommets s'élèvent à 3.500 m. Ils se sont probablement érigés il y a plus de 100 millions d'années -- ce qui n'est vraiment pas très ancien au regarde de l'âge de Pluton (4,5 milliards d'années) -- et cela continue peut-être toujours d'évoluer.

    « C'est une des surfaces les plus jeunes jamais vues dans le Système solaire », a déclaré Jeff Moore, de l'équipe de géologiegéologie et géophysique de la mission. Le chercheur fait allusion à des mondes comme Europe, GanymèdeGanymède, IoIo, TritonTriton dont l'activité interne et les remodelages en surface s'expliquent par les forces de maréesforces de marées exercées par les planètes géantesplanètes géantes autour desquelles elles gravitent (JupiterJupiter, SaturneSaturne, NeptuneNeptune...). Or, dans le cas de Pluton, qui navigue seul avec Charon dans la ceinture de Kuiper à plus de 5,9 milliards de kilomètres du SoleilSoleil en moyenne, quelle pourrait être la cause de ces processus géologiques, réguliers, depuis si longtemps ?

    « Cela peut nous amener à repenser les pouvoirs de l'activité géologique sur de nombreux autres mondes glacés », estime John Spencer du SwRI. Nous ne sommes donc pas au bout de nos surprises. Petit à petit, nous essayons de recoller les morceaux de son histoire géologique et, par conséquent, aussi celle des origines du Système solaire et de la naissance des planètes dont Pluton serait un embryonembryon.