Voici quelques semaines, les chercheurs de la mission New Horizons partageaient leur étonnement quant à la véritable forme d'Ultima Thulé, l’objet de la ceinture de Kuiper survolé par la sonde le jour de l’an. Les premiers résultats scientifiques de cette expédition historique lointaine sont publiés dans la revue Science.


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    Déniché par Hubble en 2014 dans les confins du Système solaire, (486958) 2014 MU69(486958) 2014 MU69 est l'objet le plus lointain jamais exploré par une sonde spatiale. Habitant de la ceinture de Kuiper, ce corps bilobé long de 36 kilomètres surnommé Ultima Thulé est considéré par les scientifiques comme un fossilefossile de la formation des planètes, une relique bien conservée, loin, très loin à l'abri du Soleil.

    Après le survol de Pluton en 2015, New HorizonsNew Horizons l'a frôlé le premier janvier 2019, prenant au passage le maximum de mesures et d'images. Toutefois, bien que les données arrivent au compte-gouttes jusqu'à la Terre (l'équipe ne sera en possession de la totalité qu'à la fin de l'été 2020), les chercheurs peuvent déjà tirer un premier portrait de ce « Frankenstein » de l'espace avec tout ce qu'ils ont reçu ces derniers mois.

    L’étonnante morphologie d’Ultima Thulé

    En découvrant les premières images, Alan Stern et son équipe choisirent de le surnommer le « bonhomme de neige ». Mais quelques semaines plus tard (voir article plus bas), et ce fut une vraie surprise, il leur fallut abandonner cette idée car l'un des deux lobes qui le composent n'a en réalité rien de sphérique : il est aussi plat qu'un pain de hamburger. Il s'agit de la partie appelée Ultima (22 × 20 km et 6,8 km d'épaisseur). L'autre morceau, Thulé (14 x 14 x 10 km), ressemble quant à lui plus à une noixnoix. Comment expliquer cette bizarrerie vue nulle part ailleurs (à part des petites lunes de SaturneSaturne comme Atlas et Pan) ? Cela pourrait venir de leur formation dans le nuagenuage protoplanétaire il y a près de 4,6 milliards d'années ou peut-être d'une collision, pensent les 200 chercheurs qui ont signé la somme qui vient de paraître dans Science.

     L’objet de la ceinture de Kuiper Ultima Thulé fait la Une du numéro du 17 mai de la revue <em>Science</em>. À la demande du directeur de la mission New Horizons Alan Stern, plus de 200 scientifiques, techniciens et collaborateurs de la mission ont signé la première somme publiée sur ce lointain corps céleste. © AAAS, Science
     L’objet de la ceinture de Kuiper Ultima Thulé fait la Une du numéro du 17 mai de la revue Science. À la demande du directeur de la mission New Horizons Alan Stern, plus de 200 scientifiques, techniciens et collaborateurs de la mission ont signé la première somme publiée sur ce lointain corps céleste. © AAAS, Science

    Soudés ensemble - la jonction est surnommée « le cou » - depuis longtemps, Ultima et Thulé étaient probablement à l'origine deux corps séparés qui, après une période de « flirt », se sont unis avec une grande délicatesse par une « fusion douce ». Mais auparavant, ils se tournaient autour, pratiquement les yeuxyeux dans les yeux, puisque les chercheurs estiment qu'ils étaient synchronisés - leurs deux axes sont alignés -, montrant donc toujours la même face à l'autre (comme la Lune) lorsqu'ils se sont unis pour toujours. Étaient-ils seuls à ce moment-là ? Difficile de répondre pour l'instant. Il est possible que le gazgaz environnant ou des planétésimaux aient influencé leur association.

    Ultima Thulé est un astéroïde très rouge

    Il y a peu de cratères sur MU69 hormis la grande dépression de huit kilomètres de diamètre et profonde d'environ deux kilomètres sur Thulé qui a été baptisée Maryland, en l'honneur de l'État américain qui accueille le centre de contrôle de la sonde New Horizons. Ce cratère d'impact est de loin le plus grand visible à sa surface.

    Comme évoqué dans les épisodes précédents, Ultima Thulé exhibe des fosses à divers endroits. Certaines, les plus circulaires, ont sans doute été créées par des impacts. Pour les autres, les chercheurs pensent qu'elles sont le produit de processus internes comme des dégazagesdégazages, la sublimationsublimation des glaces et aussi des effondrementseffondrements.

    Les différentes unités de surface d’Ultima Thulé identifiées par les chercheurs. © Nasa, SwRI, JHUAPL, Stern et al., Science
    Les différentes unités de surface d’Ultima Thulé identifiées par les chercheurs. © Nasa, SwRI, JHUAPL, Stern et al., Science

    L'une des caractéristiques frappantes de cet objet de Kuiper est sa couleurcouleur : rouge. Non pas que ce soit inhabituel - c'est courant dans cette région - mais MU69 l'est plus que PlutonPluton et il est même l'astreastre le plus rouge jamais étudié. Pas écarlate non plus mais rouge brique. Cela provient sans doute de la matièrematière organique, de type tholinetholine, qui tapisse sa surface. À l'exception, d'endroits comme le cou ou des zones du cratère Maryland, plus claires.

    Les auteurs de l'étude ont identifié huit principales unités de surface dont les origines n'ont pas encore été bien déterminées. De subtiles nuances les distinguent et des bandes plus brillantes les délimitent.

    New Horizons n’a pas fini d’explorer la ceinture de Kuiper

    Tous les mystères sur cet astre lointain, témoin du Système solaire primitif, sont loin d'être résolus. Les chercheurs voudraient notamment comprendre dans les détails la formation des deux corps, leur union et pourquoi leur morphologiemorphologie est différente. La saga est encore loin d'être terminée.

    Maintenant à plus de 170 millions de kilomètres d'Ultima Thulé (déjà !) et quelque 6,5 milliards de kilomètres de la Terre (43,7 fois la distance entre la Terre et le Soleil), New Horizons, qui a ouvert la voie à l'exploration de la ceinture de Kuiper, file tout droit à 53.000 km/h en moyenne. À l'affût, l'équipe de la mission est à la recherche de sa prochaine cible dans cette région lointaine. L'aventure continue.


    L'astéroïde Ultima Thulé a une forme encore plus étrange qu'on ne pensait

    Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman publié le 11 février 2019

    Énorme surprise pour les astronomesastronomes de la mission New Horizons, la sonde qui a survolé 2014 MU69, alias Ultima Thulé, le premier janvier dernier : l'astéroïdeastéroïde le plus lointain jamais exploré ne ressemble pas à un bonhomme de neige comme le suggéraient les premières images publiées.

    C'est à ce jour l'image la plus précise d'Ultima Thulé. Vu sous cet angle, l'astéroïde bilobé ressemble à un bonhomme de neige. Ce qu'il n'est pas finalement. © Nasa, SwRI, JHUAPL
    C'est à ce jour l'image la plus précise d'Ultima Thulé. Vu sous cet angle, l'astéroïde bilobé ressemble à un bonhomme de neige. Ce qu'il n'est pas finalement. © Nasa, SwRI, JHUAPL

    Envoyée de la Terre pour réaliser la première visite de l'histoire de l'humanité de la planète naineplanète naine Pluton, la sonde New Horizons s'est dirigée ensuite vers l'astéroïde 2014 MU69 (découvert par HubbleHubble en 2014) qu'elle a atteint le premier janvier 2019, après un voyage de trois ans et demi - sa vitessevitesse de croisière est de 50.000 km/h. Surnommé Ultima Thulé, l'objet de la ceinture de Kuiper est l'astre le plus lointain jamais visité.

    Un nouveau mystère pour les astronomes

    Actuellement, la sonde qui poursuit sa route vers les confins du Système solaire continue de nous transmettre les données collectées durant sa visite éclairéclair. Sur les premières images publiées, nous avions découvert que ce corps de 31 kilomètres de long ressemble à un bonhomme de neige qui se compose d'un gros lobe, Ultima, collé à un plus petit, Thulé. Eh bien, plus maintenant ! Les photos prises 10 minutes environ après que la sonde l'a dépassé, et reçues il y a quelques jours, montrent au contraire un corps assez plat. Le point de vue a changé et on peut dire que vu côté nuit, MU69 apparaît sous son vrai jour ! Alan Stern et son équipe ont indiqué que ces images qu'ils ont traitées dessinent les contours d'un astre qui ressemble « remarquablement » au modèle que les chercheurs avaient mis au point.

    Les images traitées de cette animation montrent la relative platitude d’Ultima Thulé. La sonde New Horizons était alors à 8.862 kilomètres de l’objet de Kuiper. © Nasa, SwRI, JHUAPL
    Les images traitées de cette animation montrent la relative platitude d’Ultima Thulé. La sonde New Horizons était alors à 8.862 kilomètres de l’objet de Kuiper. © Nasa, SwRI, JHUAPL

    Inévitablement, cette forme inhabituelle, qui ne ressemble à rien de ce que les astronomes ont vu dans le Système solaire jusqu'à présent, interroge. C'est une découverte majeure qui « va sans aucun doute motiver de nouvelles théories sur la formation des planétésimaux dans la prime jeunesse du Système solaire », a déclaré un membre de la mission. Nous ne sommes sans doute pas au bout de nos surprises, d'autres données arrivent.

    Voir aussi

    New Horizons : nouvelles images détaillées d'Ultima Thulé