Il y a bien des secrets dans le sous-sol de la Planète rouge. Pendant que Curiosity et Perseverance scrutent la surface de Mars, Zhurong s’est intéressé à ce qu’il y a dessous, et découvre des cratères enfouis. Ses données, exploitées dans une étude publiée le 9 février, nous renseignent sur la bonne conservation du sol de Mars, tandis que le rover continue de dormir.


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    Le rover chinoisrover chinois s’est posé sur Mars le 15 mai 2021, sur le terrain dégagé d'Utopia Planitia. Pendant près d'un an, Zhurong a roulé à la surface et parcouru près de deux kilomètres avant de se mettre en veille pour survivre à la rudesse de l'hiverhiver martien dans ces contrées. Aujourd'hui, le rover ne s’est pas encore réveillé et la Chine reste silencieuse sur son sort mais des études commencent à publier des données qu'il avait recueillies jusque-là.

    Le site d'Utopia Planitia se trouve au nord de la planète. C'est un plat pays où s'était déjà posée l'ancienne sonde américaine Viking 2. Ici sur l'image, c'est le site de droite, l'autre site avait été présélectionné pour le posé de Zhurong. © Li, C., Zhang, R., Yu, D. et <em>al.</em>
    Le site d'Utopia Planitia se trouve au nord de la planète. C'est un plat pays où s'était déjà posée l'ancienne sonde américaine Viking 2. Ici sur l'image, c'est le site de droite, l'autre site avait été présélectionné pour le posé de Zhurong. © Li, C., Zhang, R., Yu, D. et al.

    Utopia Planitia, un ancien littoral ?

    Zhurong ne s'est pas posé là par hasard. Tout d'abord, le terrain est plat, ce qui est un avantage pour la Chine qui n'avait encore jamais tenté de se poser sur Mars. Mais l'attrait du terrain est surtout scientifique. Le site d'atterrissage de Zhurong pourrait bien être anciennement le littoral d'un ancien océan.

    Selfie du rover Zhurong avec sa plateforme d'atterrissage. © CNSA
    Selfie du rover Zhurong avec sa plateforme d'atterrissage. © CNSA

    Le rover chinois y a roulé en quête de traces d'eau et de glace. En 2016, le radar de la sonde de la Nasa Mars Reconnaissance OrbiterMars Reconnaissance Orbiter a révélé une grande nappe de glace dans le sous-sol d'un terrain voisin d'Utopia Planitia. Depuis plusieurs années, on sait que Mars était une planète habitable dans son lointain passé. Aujourd'hui, pendant que PerseverancePerseverance cherche d'éventuelles traces de vie, la caractérisation du sous-sol aide à mieux comprendre l'histoire géologique de Mars et les conditions de cette période où la vie aurait pu apparaître.

    Les différents instruments scientifiques de Zhurong. Le radar GPR est à l'avant du rover et porte le nom de RoPeR. Chaque boîtier envoie des pulsations dans une gamme de fréquences différentes. © Li, C., Zhang, R., Yu, D. et <em>al.</em>
    Les différents instruments scientifiques de Zhurong. Le radar GPR est à l'avant du rover et porte le nom de RoPeR. Chaque boîtier envoie des pulsations dans une gamme de fréquences différentes. © Li, C., Zhang, R., Yu, D. et al.

    Les données radar de Zhurong

    Le rover porteporte sur lui un radar GPR - Ground Penetrating Radar. Le système envoie des pulsations électromagnétiques (des ondes radios) et les différents éléments du sous-sol font écho. Ce système permet de déterminer les sous-structures composant le sol. Le GPR de Zhurong peut émettre dans deux gammes de fréquence. L'une permet de caractériser le sous-sol jusqu'à 4,5 mètres de profondeur, l'autre permet de sonde jusqu'à 80 mètres sous les roues du rover.

    À partir des données de Zhurong, une étude révèle la présence de structures courbes et plongeantes que les scientifiques ont identifiées comme étant des cratères enfouis, ainsi que d'autres signatures dont l'origine de leur formation n'est pas certaine. Plus profondément, ils ont détecté des couches sédimentaires qui ont été déposées lors d'inondationsinondations ! Toutefois, pas de traces d'eau dans le sous-sol, ou alors c'est au-delà des 80 mètres de profondeur.

    Cartes, photos et images radar prises par le rover chinois Zhurong. © CNSA, Chen et <em>al., </em>GSA
    Cartes, photos et images radar prises par le rover chinois Zhurong. © CNSA, Chen et al., GSA

    Le travail des météorites

    Les scientifiques ont comparé les données du GPR de Zhurong avec celles du GPR du rover Yutu-2, qui roule à la surface de la face cachée de la Lune depuis 2018. Les sous-surfaces sont radicalement différentes. Sur la Lune, le sous-sol proche est constitué de fines couches les unes sur les autres, mais pas de cratère enfoui.

    C'est l'atmosphèreatmosphère martienne qui fait la différence. Même si elle est bien plus fine que celle de la Terre, l'atmosphère sur Mars joue son rôle protecteur contre les impacts de micrométéorites. En comparaison, la Lune n'a quasiment pas d'atmosphère, et les impacts de micrométéorites retravaillent la surface, détruisant les cratères les plus modestes, et soulevant un petit éjecta qui se redépose à la surface, ce qui est à l'origine des petites couches. Le sol martien est donc, quant à lui, mieux conservé. Les micrométéorites brûlent lorsqu'elles pénètrent l'atmosphère et les ventsvents transportent le sablesable qui vient recouvrir les cratères.

    Le trajet de Zhurong vu du ciel. En tout, 1 921 mètres depuis le site d'atterrissage (au nord). Les sites encadrés en jaune sont reconnus comme ayant un certain intérêt scientifique. © CNSA, Chen et <em>al., </em>GSA
    Le trajet de Zhurong vu du ciel. En tout, 1 921 mètres depuis le site d'atterrissage (au nord). Les sites encadrés en jaune sont reconnus comme ayant un certain intérêt scientifique. © CNSA, Chen et al., GSA

    La conservation du sous-sol martien nous permettra de mieux restituer l'histoire de la planète. Zhurong n'est d'ailleurs pas le seul à l'étudier. Perseverance dispose lui aussi d'un GPR tandis que le rover européen Rosalind Franklin (ExomarsExomars) sera équipé d'une foreuse pouvant plonger jusqu'à deux mètres de profondeur.