Pour fonctionner au mieux de ses capacités, le sismomètre français, que la Nasa doit amener sur Mars, doit être protégé de l’influence de la température, du vent martien et des vibrations de l’atterrisseur. Afin d'identifier la zone où l'installer, les scientifiques utiliseront des cartes inédites des bruits martiens réalisées par l'ISAE-Supaéro à Toulouse. David Mimoun, enseignant-chercheur responsable de l’équipe Systèmes spatiaux à l'ISAE-Supaéro et scientifique du projet Seis, nous explique ces cartes.

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    Le sismomètresismomètre francais Seis, qui sera lancé ce 5 mai à bord de l'atterrisseur InSight de la Nasa, a pour objectif d'étudier la structure interne de Mars en écoutant les séismesséismes qui secouent la planète. Pour écouter battre le cœur de Mars, comme le dit si bien le Cnes, l'instrument sera placé à même le sol martien.

    Seis ne sera évidemment pas posé n'importe où. L'atterrisseur sera doté d'un bras et d'une caméra, ce qui va permettre de choisir avec précision l'emplacement de l'instrument. Plusieurs mètres carrés seront disponibles autour d'InSight, jusqu'à une distance de deux mètres cinquante environ. Dès que cet emplacement aura été choisi, le bras saisira le sismomètre et le positionnera là où les scientifiques le souhaitent.

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    Dit comme cela, on pourrait penser que c'est facile. Détrompez-vous, dans la pratique, le choix de cet emplacement sera difficile à déterminer. En effet, comme nous l'explique David Mimoun, enseignant-chercheur responsable de l'équipe Systèmes spatiaux à l'ISAE-Supaéro et scientifique de projet Seis, pour écouter au mieux les vibrations de la planète, il faut bien sûr niveler et stabiliser l'instrument au mieux sur le sol (en évitant les aspérités), mais « il st également important d'avoir les meilleures performances possibles pour l'instrument qui doit être protégé de l'influence de la température, du ventvent martien et des vibrations de l'atterrisseur, qui vibre sous l'effet du vent martien ». En effet, l'instrument est si sensible, « un dixième de nano g » que la plus « petite perturbation environnante sera détectée et enregistrée ».

    Le vent, la pression du champ magnétique ou bien les variations de température « sont autant de phénomènes naturels susceptibles de créer du bruit susceptible de cacher à l'instrument les séismes lointains que nous devons détecter ». Seis doit donc être déployé « loin des vibrations de l'atterrisseur » et protégé grâce à un bouclier thermique de « l'influence de la température, du vent martien, pour écouter au mieux les vibrations de la planète ».

    Exemple de carte de bruit sismique. En rouge, les zones où suivant le vent dominant l’instrument est le plus perturbé par les pieds de l'atterrisseur (représenté ici de manière schématique). En bleu, la zone possible de déploiement du sismomètre. Les cartes d’accessibilité par le bras robotique sont superposées à une vue simulée de la zone d’atterrissage. © ISAE-SUPAERO, JPL, Caltech

    Exemple de carte de bruit sismique. En rouge, les zones où suivant le vent dominant l’instrument est le plus perturbé par les pieds de l'atterrisseur (représenté ici de manière schématique). En bleu, la zone possible de déploiement du sismomètre. Les cartes d’accessibilité par le bras robotique sont superposées à une vue simulée de la zone d’atterrissage. © ISAE-SUPAERO, JPL, Caltech

    D'où la nécessité de trouver le meilleur emplacement qui sera forcément un compromis entre la « distance à l'atterrisseur et la qualité du sol sur lequel l'instrument sera déployé (sol trop meuble, présence de cailloux empêchant l'installation...) ». Pour aider la Nasa à choisir le meilleur emplacement possible pour l'instrument, l'ISAE-Supaéro, en charge du modèle de l'instrument, a réalisé « des cartes de performances et de bruit de chaque point autour du landerlander. Elles recensent tous les bruits susceptibles de perturber les mesures de l'instrument et prennent en compte toutes les caractéristiques connues de l'environnement martien ». Elles seront mises à jour si la configuration d'InSight après son atterrissage le nécessite, en fonction de la pente et de la géométrie particulière du site d'atterrissage. « Dans l'idéal, on souhaiterait un site d'atterrissage plat et morne, sans cailloux ! »

    Pour Raphaël Garcia, professeur à l'ISAE-Supaéro, sismologuesismologue et co-investigateur de la mission, « il sera ainsi plus facile de discerner et détecter des séismes martiens, dont la magnitudemagnitude attendue est de l'ordre de 3,5 à 4,5 du bruit du fond ». Notez qu'on estime qu'un ou deux tremblements se produisent chaque année sur Mars avec une magnitude de plus de 5,5 mais plus de quarante avec une magnitude supérieure à 4.

    Quant au choix du site d’atterrissage d'InSight, pour Naomi Murdoch, chercheur à l'ISAE-Supaéro, « il n'a pas été simple et nous avons dû tenir compte de nombreux paramètres » qui expliquent le choix de la plaine d'Elysium, un endroit très peu risqué pour atterrir.

    Première contrainte, l'utilisation de panneaux solaires impose « d'atterrir dans une bande de latitudelatitude réduite autour de l'équateuréquateur pour avoir suffisamment de lumièrelumière du SoleilSoleil ». À cela, s'ajoute que la faible densité de l'atmosphère martienne impose à toutes les missions martiennesmissions martiennes d'atterrir à très faibles altitudes pour avoir suffisamment de temps pour freiner leur descente. InSight n'échappe pas à cette règle. Enfin, troisième contrainte, la Nasa veut poser InSight sur un « terrain avec au moins cinq mètres de régolitherégolithe » pour utiliser un capteurcapteur de flux de chaleurchaleur HP3, fourni par le DLR (l'agence spatiale allemandeagence spatiale allemande) dont le but est de s'enfoncer jusqu'à cinq mètres de profondeur de façon à acquérir des profils de température à différentes hauteurs, afin de « mesurer le flux de chaleur qui monte de l'intérieur de la planète, une contrainte importante pour déterminer la structure interne de la planète ».

    Quant au déploiement du bras pour poser l'instrument, ce ne sera pas une partie de plaisir. « C'est la première fois qu'un instrument est déployé par un bras robotiquerobotique sur une autre planète. » La manœuvre est « prévue pour durer plusieurs semaines », souligne David Mimoun. Les ingénieurs, qui piloteront ce bras, le feront de façon très progressive. À chaque étape du processus, les mouvementsmouvements du bras seront suivis de l'acquisition de plusieurs clichés de façon à comprendre la situation, et à mettre à jour le modèle numériquemodèle numérique de l'environnement, utilisé pour simuler en temps réel tous les aspects du déploiement. Tous les paramètres physiquesphysiques (température, courants électriquescourants électriques, premières mesures de l'instrument...) seront analysés par l'équipe instrument avant d'autoriser l'étape suivante. Quant à la calibration du sismomètre, elle « prendra également du temps ». Cette calibration va consister à « générer des signaux d'amplitude connue afin de corriger les éventuelles modifications de caractéristiques intervenues durant le voyage depuis la Terre ».

    Quand la Nasa finance l’envoi d’instruments sous maîtrise d’œuvre Cnes

    Étonnamment, InSight n'a pas jusqu'à présent le retentissement qu'elle mérite. C'est en effet une mission exceptionnelle pour le retour scientifique : la mission InSight va radiographier, pour la première fois, la structure interne de Mars afin de mieux comprendre son évolution, et plus généralement celle des planètes de type terrestre.

    À cela s'ajoute, et peu de personnes en ont conscience, que la Nasa finance une mission martienne pour faire voler un instrument sous maîtrise d'œuvre du Cnes, inspiré et voulu par Philippe Lognonné, de l'Institut de physique du globe de Paris. Les 850 millions que coûte cette mission du programme DiscoveryDiscovery sont donc principalement justifiés par le retour scientifique du sismomètre Seissismomètre Seis !

    Ce schéma ne s'est jamais produit auparavant et il très vraisemblable que cela n'arrivera plus. Malgré les difficultés rencontrées, le défaut d’étanchéité qui a fait rater la fenêtrefenêtre de tir de 2016 et fait craindre une annulation, la Nasa fait toujours confiance à ses partenaires français. Le prochain instrument français à partir à bord d'une mission américaine (Mars 2020) sera SuperCam, réalisé par l'Irap à Toulouse, avec à bord le premier microphone martien, conçu en partie par des étudiants de l'ISAE-Supaéro. Mais cela est une autre histoire que nous ne manquerons pas de vous conter...