On sait que les supernovae de type SN Ia utilisées pour étudier l'énergie noire sont des explosions de naines blanches. Mais le processus exact derrière ces explosions n'est pas encore clair. Toutefois, en découvrant pour la première fois une naine blanche brûlant de l'hélium à sa surface, une confirmation d'une prédiction faite il y a environ 30 ans, les astrophysiciens viennent de progresser vers la résolution de cette énigme.

Une équipe d’astrophysiciens menée par le Max Planck Institute for Extraterrestrial Physics, en Allemagne, a récemment publié dans le célèbre journal Nature un article faisant état d’une possible percée dans la résolution d’une énigme qui dure depuis des décennies, l’origine exacte des supernovae de type SN Ia.

Ce qui est certain à ce sujet en tout cas, c’est qu’il s’agit d’explosion de naines blanches. Leur étude est importante au moins sous deux aspects. Le premier, le plus ancien et qui n’est pas le plus important, c’est que l’on pense que les réactions thermonucléaires et avec des flux de protons et de neutrons qui accompagnent ces explosions seraient largement responsables de la formation des noyaux de fer dans les galaxies.

La seconde est que l’on pense que les explosions de SN Ia se font à une puissance relativement peu variable lorsqu’une naine blanche atteint la masse de Chandrasekhar en accrétant de la matière d’une étoile compagne dans un système binaire ou à l’occasion de collisions entre deux naines blanches de masses aussi inférieures à la limite de Chandrasekhar.

On peut donc quasiment les utiliser comme des sortes de chandelles standards, selon le jargon des physiciens, qui peuvent alors servir à déterminer des distances dans les galaxies où ces explosions se produisent, celles-ci étant d’autant plus loin que les SN Ia apparaissent comme moins brillantes.

Or, jointes à des mesures de décalages spectraux, ce sont ces mesures photométriques de luminosité qui ont conduit à la découverte et à l’étude de l’expansion accélérée du cosmos observable, probablement générée par une énergie noire.

La détermination précise de cette accélération peut se faire en ayant une vue plus claire de ce qui se passe avec les explosions de naines blanches, ce qui pourrait aider à résoudre la tension actuelle autour de la fameuse constante de Hubble. Mais de quoi parle-t-on vraiment avec la masse limite de Chandrasekhar et son importance pour comprendre les naines blanches, et finalement les SN Ia ?


Extrait du documentaire Du Big Bang au Vivant (ECP Productions, 2010), Jean-Pierre Luminet parle de l'évolution des étoiles de type solaire, leur transformation en géantes rouges, puis en naines blanches. © Jean-Pierre Luminet

Les naines blanches et la limite de Chandrasekhar

On peut dire que tout a commencé quand les astronomes ont fait la découverte des naines blanches au XVIIIe siècle, malgré leur faible luminosité. Ils ignoraient alors à quel point ces astres étaient exotiques mais, au tout début du XXe siècle, à la stupéfaction des astrophysiciens de l'époque, une valeur de l'ordre de la tonne par centimètre cube fut dérivée de l'observation d'étoiles comme Sirius B.

Rapidement cependant, le physicien britannique Ralph Fowler comprit que la toute nouvelle mécanique statistique quantique découverte par son collègue Paul Dirac à la fin des années 1920 (qui a prédit théoriquement l’existence de l’antimatière à la même époque), décrivant un gaz d'électrons dégénéré, dans le jargon des physiciens, pouvait expliquer l'existence de ces étoiles. Ce gaz pouvait exercer une pression suffisamment importante pour résister à celle causée par la gravitation d'une étoile aussi dense que les naines blanches.

Reprenant les travaux de Fowler, le tout jeune astrophysicien Subrahmanyan Chandrasekhar (âgé alors de 20 ans) eut l'idée d'introduire les effets de la théorie de la relativité restreinte et il posa les fondations de la structure stellaire de ces étranges objets. Il arriva ainsi à une conclusion devenue célèbre, il ne peut pas exister d'étoile de masse supérieure à environ 1,4 masse solaire, une fois celle-ci devenue une naine blanche après avoir épuisé son carburant nucléaire. C'est la fameuse limite de Chandrasekhar.

Le scénario standard pour une SN Ia est, on l’a dit, une accrétion de matière sur une naine blanche (le Soleil en deviendra une) jusqu’au moment où la nouvelle masse de la naine atteint 1,4 masse solaire, ce qui la déstabilise, provoque son effondrement et par compression de matière, des réactions thermonucléaires de fusion explosive. Depuis des décennies, on pensait que l’accrétion se faisait essentiellement à partir des couches d’hélium d’une étoile compagne et qu’une partie de cet hélium pouvait brûler en donnant parfois des explosions « modestes » en surface créant des novae et pas des supernovae.


Une présentation de SALT. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Deutsche Welle News

La signature claire de la combustion de l'hélium grâce à Salt

Toutefois, quand on a commencé à observer ce processus doux de combustion de la matière à la surface d’une naine blanche du fait des émissions de rayons X très « mous », c’est-à-dire à basses énergies, grâce au satellite Rosat, ce n’est pas la combustion de l’hélium que l’on a détecté mais bel et bien de l’hydrogène. En fait, historiquement, on a d’abord supposé qu’on allait précisément voir ce phénomène, mais les astrophysiciens ont eu la surprise de déterminer par la suite que les explosions des SN Ia ne montraient aucune signature spectrale de l’hydrogène.

On avait donc déduit que c’était plutôt lorsqu’il y avait accrétion d’hélium que des SN Ia pouvaient se produire, restait à découvrir des naines blanches brûlant calmement de l’hélium en surface.

Les chercheurs connaissaient une source X associée à une naine blanche accrétant de la matière sous le nom de [HP99] 159, là aussi depuis les observations faites avec Rosat. Le successeur de ce satellite allemand est aujourd’hui eRosita et la précision de ses mesures a permis finalement de trouver sa contrepartie dans le visible, c’est-à-dire une étoile binaire dans le Grand nuage de Magellan, en utilisant les instruments du Southern African Large Telescope (Salt).

Cette fois-ci, la signature spectrale de l’hélium était bien présente et ce, pour la première fois, avec une naine blanche accrétant de la matière.

Ce n’est paradoxalement pas la fin de l’énigme de la nature exacte des supernovae de type SN Ia car les modèles d’explosion avec de l’hélium que l’on connaît prédisent aussi que 2 à 5 % de l’hélium des couches de l’étoile compagne doivent être soufflés par l’explosion des supernovae. Or, ce n’est pas la quantité mesurée dans l’environnement entourant l’explosion.

Mais les astrophysiciens du Max Planck Institute for Extraterrestrial Physics espèrent maintenant trouver des dizaines de sources similaires à [HP99] 159 dans les deux Nuages ​​de Magellan avec eRosita. Cela devrait leur permettre de contraindre davantage les conditions pour les progéniteurs de SN Ia.