Vénus, notre plus proche voisine, présente un climat extrêmement chaud et inhospitalier, alors que les scientifiques supposent qu’elle présentait peu après sa formation des caractéristiques très proches de celles de la Terre. Ces différences climatiques seraient dûes à un emballement de l’effet de serre sur Vénus. D'après une équipe d’astronomes, cet emballement peut avoir lieu sur d’autres planètes hors de notre Système solaire, et doit être pris en compte pour la recherche de vie ailleurs.


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    Si l’effet de serre est actuellement au cœur des problématiques liées au réchauffement climatiqueréchauffement climatique - le dioxyde de carbonedioxyde de carbone émis par les activités anthropiques augmente l'effet de serreeffet de serre dans l'atmosphèreatmosphère terrestre et la réchauffe -, c'est cependant un processus naturel, sans lequel la vie sur Terre aurait eu beaucoup de mal à se développer. Et pour cause, si l'atmosphère terrestre ne présentait pas d'effet de serre, les scientifiques estiment que la température à la surface de notre Planète ne serait en moyenne que de -18 °C (contre environ +15 °C actuellement). Ce phénomène est causé par la présence de certains gaz dans l'atmosphère (que l'on appelle gaz à effet de serre, comme la vapeur d'eau, le méthane ou encore le dioxyde de carbone) capables d'absorber une partie de la chaleur émise de la Terre vers l'espace. Ils fonctionnent un peu comme les vitresvitres d'une serre, qui laissent passer les rayons du Soleil mais retiennent une partie de la chaleur à l'intérieur. Il est important de noter que si l'effet de serre est un processus naturel, l'augmentation actuelle de son intensité sur Terre, responsable du réchauffement climatique, est quant à elle causée par les importantes émissions de dioxyde de carbone et d'autres gaz à effet de serregaz à effet de serre issues des activités anthropiques (qui ne sont, elles, pas naturelles).

    L’emballement de l’effet de serre, un processus connu dans notre Système solaire

    Alors que la Terre présente des conditions climatiques idylliques, c'est loin d'être le cas de Vénus, notre plus proche voisine : son atmosphère est tellement écrasante que la pression à sa surface est presque cent fois supérieure à celle de la Terre, et les températures peuvent y atteindre +467 °C - encore plus élevées que les températures moyennes de Mercure, la planète la plus proche du Soleil. Rappelons qu'à titre indicatif, VénusVénus ne reçoit que 25 % de l'énergieénergie solaire reçue par MercureMercure ! Si Vénus est globalement plus chaude que Mercure alors qu'elle est située plus loin du Soleil, c'est à cause des grandes quantités de dioxyde de carbone dans son atmosphère qui, combinées à la vapeur d'eau et au dioxyde de soufresoufre, génèrent un puissant effet de serre. Les scientifiques estiment pourtant qu'il y a environ quatre milliards d'années, l'atmosphère de Vénus était très semblable à celle de la Terre, et que la planète aurait même pu présenter de l'eau liquideliquide à sa surface. Mais alors comment une planète si semblable à la Terre a par la suite évolué si différemment ?

    L'effet de serre est un processus naturel par lequel certains gaz de l'atmosphère absorbent la chaleur émise de la Terre vers l'espace, et qui influence la température à la surface de notre Planète. Les émissions de gaz à effet de serre d'origine anthropique intensifient l'effet de serre de la Terre, produisant un réchauffement global de cette dernière. © CEA, Aquaportail
    L'effet de serre est un processus naturel par lequel certains gaz de l'atmosphère absorbent la chaleur émise de la Terre vers l'espace, et qui influence la température à la surface de notre Planète. Les émissions de gaz à effet de serre d'origine anthropique intensifient l'effet de serre de la Terre, produisant un réchauffement global de cette dernière. © CEA, Aquaportail

    Pour expliquer ces disparités d'évolution entre le climatclimat de ces deux planètes, les scientifiques pointent du doigt ce qu'ils appellent l’emballement de l’effet de serre (runaway greenhouse, en anglais). Sur l'ancienne Vénus, de faibles augmentations de température auraient augmenté l'évaporation des océans, libérant de la vapeur d'eau dans l'atmosphère, l'un des gaz à effet de serre les plus puissants. Plus de vapeur d'eau dans l'atmosphère signifie plus d'effet de serre, donc une augmentation des températures et des concentrations en vapeur d'eau, et ainsi de suite : l'effet de serre s'emballe. Il existe un seuil critique pour cette quantité de vapeur d'eau, au-delà duquel la planète ne peut plus se refroidir. Les océans finissent par s'évaporer complètement et les températures augmentent de plusieurs centaines de degrés, sans possibilité de retour en arrière. Si jusqu'à présent, les études en climatologieclimatologie se concentraient principalement sur les états avant ou après ledit emballement, une équipe d'astronomesastronomes de l'université de Genève, soutenue par le CNRS, a pour la première fois étudié la transition entre ces deux états à l'aide d'un modèle climatiquemodèle climatique global en trois dimensions. Ces travaux, publiés dans la revue Astronomy & Astrophysics, leur permettent d'avoir une idée de l'évolution du climat et de l'atmosphère d'une planète lors de cette transition.

    Une importance cruciale de l’emballement de l’effet de serre pour la recherche de vie ailleurs

    L'une des découvertes clés de l'équipe d'astronomes est la mise en évidence de la formation d'une épaisse couverture nuageuse dans les atmosphères simulées lors de l'emballement de leur effet de serre. Dès le début du processus, les scientifiques observent en effet des nuagesnuages très denses se développer dans la haute atmosphère, inversant même les profils de variation de la température atmosphérique avec l'altitude : la structure entière de l'atmosphère se retrouve altérée. Les scientifiques identifient deux grandes phases de transition : une première phase d'évaporation, dans laquelle les concentrations en vapeur d'eau atmosphérique augmentent et la couverture nuageuse s'épaissit, et une deuxième phase « sèche » au cours de laquelle les températures augmentent rapidement jusqu'à converger vers un nouvel état stable « post-emballement ».

    Carte latitude-longitude de la distribution des nuages (liquide + glace) pendant la phase d’évaporation. © Chaverot et al, 2023
    Carte latitude-longitude de la distribution des nuages (liquide + glace) pendant la phase d’évaporation. © Chaverot et al, 2023

    La mise en évidence de tels processus comporte des intérêts précieux pour l'étude du climat sur d'autres planètes, et en particulier sur les exoplanètesexoplanètes - des planètes qui orbitent autour d'une autre étoileétoile que le Soleil. La question de l'existence d'eau liquide à la surface d'exoplanètes semble alors intimement liée à l'effet de serre, et l'emballement de ce dernier semble marquer une réelle séparationséparation entre des planètes tempérées présentant des océans d'eau liquide et des planètes très chaudes caractérisées par de fortes concentrations en vapeur d'eau. L'eau liquide est un ingrédient nécessaire au développement de la vie telle que nous la connaissons, et sa présence sur une exoplanète constitue un premier indice sur son potentiel d'habitabilité ; des exoplanètes sur lesquelles l'effet de serre s'est emballé, à l'image de Vénus, ne présentent donc plus d'eau liquide et sont extrêmement inhospitalières. Les auteurs de l'étude estiment que l'épaisse couverture nuageuse identifiée dans leurs modèles pourrait être détectable par les prochaines générations de télescopestélescopes, constituant un indice supplémentaire pour caractériser l'habitabilité d'autres mondes.

    Et l'avenir de notre Planète ?

    Mais ces travaux portent également des informations intéressantes sur l'avenir de notre Planète. L'équipe a ainsi calculé qu'une très faible augmentation de l'irradiationirradiation solaire, conduisant à une augmentation de la température globale de la Terre de seulement quelques dizaines de degrés, serait suffisante pour déclencher ce processus d'emballement irréversible sur Terre et rendre notre Planète aussi inhospitalière que Vénus. Selon les scientifiques, si ce scénario devait se produire sur Terre, l'évaporation de seulement 10 mètres de la surface des océans serait suffisante pour doubler la pression atmosphériquepression atmosphérique : d'après leurs modèles, quelques centaines d'années suffiraient alors pour que les températures terrestres augmentent d'environ 500 °C, lesquelles atteindraient 1 500 °C lorsque les océans seraient totalement évaporés. Reste à savoir si l'augmentation de l'effet de serre due aux émissions anthropiques serait capable d'engendrer un tel emballement...