Lorsque les scientifiques recherchent de la vie ailleurs que dans notre Système solaire, ils se cantonnent généralement à des exoplanètes situées dans la zone habitable de leur étoile, sur lesquelles l’eau liquide, ingrédient essentiel à la vie, peut être présente en surface. Mais selon une nouvelle étude réalisée par des chercheurs de la Nasa, certaines exoplanètes  situées loin de leur étoile pourraient abriter des océans d’eau liquide sous leur surface glacée. Si les chercheurs ont identifié 17 exoplanètes candidates, ils estiment que deux d’entre elles pourraient même présenter des geysers, dont l’activité pourrait être observable par nos télescopes !


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    L'eau à l'état liquideétat liquide, ingrédient essentiel à la vie telle que nous la connaissons, semble rare dans l'Univers. La Terre est d'ailleurs la seule planète de notre Système solaire à avoir de l'eau liquide à sa surface, et la seule planète sur laquelle nous savons que la vie s'est développée. Mars en a contenu par le passé, comme en témoignent les nombreux chenaux de cours d'eau à sa surface, et le rover Perseverance y recherche actuellement d'éventuelles traces de vie ancienne. Pour rechercher des environnements potentiellement habitables dans notre Système solaire, les scientifiques se tournent vers les lunes glacées des planètes externes (JupiterJupiter, SaturneSaturne, UranusUranus et NeptuneNeptune) : certaines d'entre elles, à l'image d'Europe et d'Encelade, sont suspectées d'abriter des océans d'eau liquide sous leur surface gelée, et intéressent particulièrement les exobiologistes (sur Terre, des écosystèmesécosystèmes entiers se sont développés dans l'obscurité des profondeurs océaniques grâce à l'énergie des processus hydrothermaux).

    Rechercher de la vie en dehors de la zone habitable des étoiles ?

    Les exobiologistes qui recherchent de la vie en dehors du Système solaire se tournent généralement vers les exoplanètesexoplanètes situées dans la zone habitable de leur étoileétoile. Cette zone délimite une gamme de distances à l'étoile dans laquelle l'exoplanète reçoit suffisamment de chaleurchaleur pour présenter de l'eau liquide à sa surface - et donc potentiellement de la vie. Pourtant, l'existence d'océans internes sous la surface des lunes glacées, situées loin du SoleilSoleil, montre que de l'eau liquide peut subsister sur des corps orbitant au-delà de la zone habitable de leur étoile. En se basant sur cette idée, une équipe de scientifiques propose d'étendre la recherche de la vie en dehors de notre Système solaire à des exoplanètes glacées, situées trop loin de leur étoile pour que l'eau liquide ne subsiste en surface mais susceptibles de contenir des océans sous leur surface gelée. Ils présentent leurs travaux dans la revue The Astrophysical Journal, où ils identifient 17 exoplanètes déjà connues présentant des caractéristiques favorables à l'existence d'un océan interne.

    Toutes ces exoplanètes candidates ont des tailles relativement similaires à celle de la Terre, mais sont en revanche moins denses, ce qui suggère qu'elles pourraient contenir de grandes quantités de glace et d'eau, au lieu de matériaux rocheux plus denses. De plus, les estimations de leurs températures de surface indiquent qu'elles sont toutes plus froides que la Terre, et que leurs surfaces pourraient donc être totalement gelées. En revanche, si ces exoplanètes produisent elles-mêmes de la chaleur, de l'eau pourrait subsister à l'état liquide sous leur surface, et pourraient même présenter une activité cryovolcanique, comme les lunes glacées de notre Système solaire Europe ou EnceladeEncelade.

    À gauche, éruptions cryovolcaniques au pôle Sud d'Encelade, lune de Saturne (© Nasa, JPL-Caltech, SSI). À droite, observation des éruptions cryovolcaniques au pôle Sud d'Europe, lune de Jupiter, par le télescope spatial Hubble (© Nasa, L. Roth). En facilitant le transport d’eau liquide et d’énergie entre leur intérieur et leur surface, une activité similaire pourrait créer des environnements habitables sur les exoplanètes océaniques glacées. © Quick et al, 2023
    À gauche, éruptions cryovolcaniques au pôle Sud d'Encelade, lune de Saturne (© Nasa, JPL-Caltech, SSI). À droite, observation des éruptions cryovolcaniques au pôle Sud d'Europe, lune de Jupiter, par le télescope spatial Hubble (© Nasa, L. Roth). En facilitant le transport d’eau liquide et d’énergie entre leur intérieur et leur surface, une activité similaire pourrait créer des environnements habitables sur les exoplanètes océaniques glacées. © Quick et al, 2023

    Des activités cryovolcaniques observables par nos télescopes ?

    Pour estimer la production de chaleur de ces exoplanètes, les scientifiques se tournent vers deux processus principaux : le réchauffement par effet de maréemarée, et le réchauffement par désintégration d'éléments radioactifs. Le premier est généré par l'attraction gravitationnelle de leur étoile hôte, qui produit des mouvementsmouvements dans l'intérieur des exoplanètes et génère de l'énergie ; ce sont d'ailleurs ces mêmes effets de marée qui produisent de la chaleur sur les lunes glacées de notre Système solaire, générés cette fois-ci par l'attraction gravitationnelle des planètes autour desquelles elles orbitent (respectivement Jupiter et Saturne). Dans les exoplanètes contenant suffisamment d'éléments rocheux et donc plus lourds, le processus de désintégration d'éléments radioactifs, qui produit de l'énergie, peut être pris en compte dans la production de chaleur interne de l'exoplanète (à condition qu'elle soit assez jeune pour que ses éléments radioactifs ne soient pas tous désintégrés). L'ensemble de ces processus pourrait même générer une activité cryovolcanique en surface, avec des éjections d'eau et d'autres composés volatils sous la forme de geysersgeysers.

    Selon l'étude, les 17 exoplanètes considérées produisent chacune plus de chaleur qu'Europe, la lune glacée de Jupiter qui contient un océan d'eau liquide sous sa surface. Elles sont donc fortement susceptibles d'abriter des océans d'eau liquide souterrains. Et grâce à leurs estimations de production de chaleur, les scientifiques sont même parvenus à évaluer l'épaisseur des croûtescroûtes de glace qui couvriraient les océans internes de ces exoplanètes, et à calculer l'intensité de leur activité cryovolcanique. D'après leurs résultats, les auteurs estiment que l'activité cryovolcanique de deux de ces exoplanètes pourrait être observée par nos télescopestélescopes : Proxima CentauriProxima Centauri b et LHS 1140 b. La première, qui orbiteorbite autour d'Alpha du Centaure, l'étoile la plus proche de nous, présenterait une couche de glace d'une soixantaine de mètres d'épaisseur seulement ; la deuxième abriterait quant à elle son océan interne sous une couverture de glace d'une quarantaine de kilomètres d'épaisseur (à titre de comparaison, l'épaisseur de la couverture de glace d'Europe est estimée à environ 28 kilomètres). Les scientifiques estiment de plus que l'activité cryovolcanique de ces deux exoplanètes pourrait être plusieurs milliers de fois plus intense que sur Europe.

    Chauffages internes totaux pour les exoplanètes considérées dans l'étude, comparés aux chauffages internes totaux pour Europe, la Terre et Io. Chaque planète considérée reçoit plus de chaleur des forces de marée et des sources radioactives qu’Europe, qui est cryovolcanique et active géologiquement, et qui maintient un océan sous sa croûte glacée. Certaines de ces exoplanètes présentent des taux de chauffage interne plus élevés que Io, le corps le plus actif géologiquement du Système solaire. Cela suggère que toutes les planètes étudiées reçoivent suffisamment de chaleur interne pour maintenir des océans internes et une activité cryovolcanique en surface. © Quick et al, 2023
    Chauffages internes totaux pour les exoplanètes considérées dans l'étude, comparés aux chauffages internes totaux pour Europe, la Terre et Io. Chaque planète considérée reçoit plus de chaleur des forces de marée et des sources radioactives qu’Europe, qui est cryovolcanique et active géologiquement, et qui maintient un océan sous sa croûte glacée. Certaines de ces exoplanètes présentent des taux de chauffage interne plus élevés que Io, le corps le plus actif géologiquement du Système solaire. Cela suggère que toutes les planètes étudiées reçoivent suffisamment de chaleur interne pour maintenir des océans internes et une activité cryovolcanique en surface. © Quick et al, 2023

    Si ces exoplanètes présentent des océans aussi proches de leur surface et que l'activité de leurs geysers est aussi intense, les auteurs suggèrent que les télescopes actuels pourraient bel et bien détecter leur activité géologique. Une telle activité pourrait être observée lorsque l'exoplanète passe devant son étoile : certaines couleurscouleurs de la lumièrelumière des étoiles pourraient être atténuées ou bloquées par la vapeur d'eau éjectée par les geysers. Cette eau pourrait même contenir d'autres éléments et composés qui pourraient déterminer leur potentielle habitabilité, voire une éventuelle présence de vie.