On ne comprend pas très bien la formation des planètes géantes, en particulier celles glacées comme Uranus et Neptune, même si un scénario possible est souvent présenté. Une alternative à ce scénario vient de recevoir pour la première fois un début de confirmation grâce à des observations menées avec le Very Large Telescope (VLT) et l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma) de l'ESO.


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    Comment est né le Système solaire ? Au tout début du XXe siècle, bien des théories cosmogoniques à ce sujet avaient déjà été proposées par la communauté scientifique, des théories magistralement exposées dans le traité de Poincaré. Mais il faudra attendre les années 1960 à 1970, dans le cadre des théories développées initialement et principalement par le Russe Viktor Safronov et l'Américain George Wetherill pour que des progrès significatifs soient accomplis pour répondre à cette question.

    Il a en a résulté un scénario de la formation des planètes, basé sur la physique et la chimie du Système solaire, qui dans ses grandes lignes est accepté aujourd'hui, étant en plus soutenu par les observations concernant de jeunes systèmes exoplanétaires en formation. Une bonne présentation en est donnée dans une série de vidéos avec les explications d'Alessandro Morbidelli, astronomeastronome et planétologue italien de l'observatoire de la Côte d'Azur, particulièrement connu pour ses travaux sur la dynamique du Système solaire, et Sean Raymond, chercheur au Laboratoire d'astrophysique de Bordeaux, également bien connu pour ses travaux dans le même domaine.

    Selon le scénario standard, considéré tout de même comme encore imparfait, la formation des planètes géantes du Système solaire, JupiterJupiter et Saturne, les gazeuses, et UranusUranus et NeptuneNeptune, les glacées, débuterait comme dans le cas des planètes rocheusesplanètes rocheuses. Il y a d'abord des processus d'accrétion par effet boule de neige et en raison de l'attraction gravitationnelle entre des corps rocheux, que l'on appelle des planétésimaux, qui vont donner des embryonsembryons de planètes, puis des planètes.


    Le Système solaire est un laboratoire pour étudier la formation des planètes géantes et l'origine de la Vie que l'on peut utiliser conjointement avec le reste de l'Univers, observable dans le même but. Mojo : Modeling the Origin of JOvian planets, c'est-à-dire modélisation de l'origine des planètes joviennes, est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire et en particulier des géantes gazeuses par deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat

    Un effondrement gravitationnel direct d'un nuage en planète ?

    Il se formerait en fait un noyau de roches et de glaces qui finit par atteindre environ 10 fois la masse de la Terre, ce qui conduit à un début de capture important du gazgaz présent dans un disque protoplanétairedisque protoplanétaire entourant une jeune étoileétoile. Les observations montrent que cela doit se produire en moins de 10 millions d'années, car au-delà on n'observe plus de disques contenant du gaz. Quand environ 10 fois la masse terrestre de gaz a été capturée, on entre dans une phase très instable dans le disque qui conduit à un effondrementeffondrement gravitationnel massif et très rapide donnant une géante gazeusegéante gazeuse en quelques milliers d'années, alors qu'il a fallu des centaines de milliers d'années pour former le noyau de roches, de glace et de gaz précédant cet effondrement massif d'un nuagenuage de gaz entourant ce noyau.

    Toutefois, si l'on arrive tout de même - bien qu'avec quelques difficultés - à former dans les temps de cette façon Jupiter et SaturneSaturne, il est beaucoup plus difficile de faire naître Uranus et Neptune. De fait, un scénario alternatif a été proposé faisant apparaître ces géantes essentiellement composées de glace d'un effondrement gravitationnel direct et rapide dans la partie externe du disque protoplanétaire, où le matériaumatériau de base est constitué de poussières silicatées entourées d'une importante gangue de glace.

    Le scénario par instabilité sans cœur solidesolide initial a ses propres problèmes, mais il a obtenu un fort gain d'intérêt avec la découverte récente d'exoplanètesexoplanètes géantes orbitant très loin, parfois à plus de 100 UAUA, de leur étoile hôte. De telles planètes sont en effet a priori strictement impossibles à former avec le scénario de « cœur solide », alors que le modèle par instabilité devient, lui, plus efficace dans ces régions externes.


    Cette vidéo nous emmène en voyage vers l'étoile V960 Mon, située à quelque 5 000 années-lumière de la Terre. © ESO, N. Risinger (skysurvey.org), DSS, ESO/ALMA (ESO/NAOJ/NRAO)/Weber et al. Music: Astral Electronic

    Une cible prochaine pour l'ELT de l'ESO

    On peut imaginer toutefois que de même que des processus de migration ont fait migrer vers l'intérieur des disques protoplanétaires des géantes, des processus analogues auraient pu en faire migrer vers l'extérieur. Là encore, des observations peuvent aider à trancher entre les différentes hypothèses et c'est pour cela que de nouvelles images spectaculaires publiées aujourd'hui par l'Observatoire européen austral (ESOESO), prises à l'aide du Very Large TelescopeVery Large Telescope (VLT) de l'ESO et du Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma), retiennent l'attention des planétologues spécialisés en cosmogonie.

    Comme l'explique un communiqué de l'ESO accompagnant un article publié aujourd'hui dans The Astrophysical Journal Letters, des astronomes ont en effet pour la première fois détecté, à proximité d'une jeune étoile, de grands amas de poussière qui pourraient s'effondrer et donner naissance à des planètes géantes.

    « Personne n'avait jamais observé une instabilité gravitationnelle à l'échelle d'une planète, jusqu'à présent », déclare ainsi Philipp Weber, chercheur à l'université de Santiago du Chili, qui a dirigé l'étude. « Notre groupe recherche depuis plus de dix ans des signes de la formation des planètes et nous ne pourrions être plus heureux de cette incroyable découverte », ajoute son collègue Sebastián Pérez, également de l'université de Santiago du Chili.

    Cette image de la jeune étoile V960 Mon et de la matière qui l'entoure a été prise avec l'instrument Sphere. La matière en orbite autour de la jeune étoile s'assemble en une série de bras spiraux complexes qui s'étendent à des distances supérieures à celles de l'ensemble du Système solaire. © ESO/Weber et al.
    Cette image de la jeune étoile V960 Mon et de la matière qui l'entoure a été prise avec l'instrument Sphere. La matière en orbite autour de la jeune étoile s'assemble en une série de bras spiraux complexes qui s'étendent à des distances supérieures à celles de l'ensemble du Système solaire. © ESO/Weber et al.

    L'étoile qui a permis cette découverte se nomme V960 Mon et elle est située à plus de 5 000 années-lumièreannées-lumière dans la constellation de la Licorneconstellation de la Licorne. Intrigués par une augmentation de luminositéluminosité d'un facteur 20 concernant cette étoile en 2014, les astronomes n'ont pas tardé à tourner vers elle le regard de l'instrument Spectro-Polarimetric High-contrast Exoplanet REsearch (Sphere) sur le VLT. Il a révélé une série de bras spiraux complexes qui s'étendaient sur des distances plus grandes que le Système solaire. En utilisant ensuite Alma, « il est devenu évident que les bras spiraux subissaient une fragmentation qui entraînait la formation d'amas dont la masse est proche de celle des planètes », explique Alice Zurlo, astronome à l'université Diego Portales, au Chili, et qui a participé aux observations.

    Elles ne sont qu'un prélude à celles que permettra bientôt l'Extremely Large Telescope (ELTELT) de l'ESO, toujours en constructionconstruction dans le désertdésert chilien d'Atacama. « L'ELT permettra d'explorer la complexité chimique entourant ces amas, ce qui nous aidera à en savoir plus sur la composition de la matièrematière à partir de laquelle les planètes potentielles se forment », conclut Philipp Weber dans le communiqué de l'ESO.

    Cette image de la jeune étoile V960 Mon et de la poussière qui l'entoure a été obtenue avec Alma (<em>Atacama Large Millimeter/submillimeter Array</em>), dont l'ESO est partenaire. De grands nuages de poussière d'une masse similaire à celle des planètes sont visibles ici sous la forme de taches bleues. Ces nuages pourraient se contracter et s'effondrer par un processus connu sous le nom d'« instabilité gravitationnelle » pour former des planètes géantes de la taille de Jupiter. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO)/Weber et al.
    Cette image de la jeune étoile V960 Mon et de la poussière qui l'entoure a été obtenue avec Alma (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array), dont l'ESO est partenaire. De grands nuages de poussière d'une masse similaire à celle des planètes sont visibles ici sous la forme de taches bleues. Ces nuages pourraient se contracter et s'effondrer par un processus connu sous le nom d'« instabilité gravitationnelle » pour former des planètes géantes de la taille de Jupiter. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO)/Weber et al.