L'Atacama Cosmology Telescope (ACT) a repoussé les limites de la connaissance du rayonnement fossile léguées par la mission Planck. L'analyse des données qu'il a fournies permet de tester l'existence de la matière noire et la pertinence de la théorie de la gravitation d'Einstein. Le modèle cosmologique standard en sort plus renforcé que jamais même si on espère le dépasser un jour prochain.
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La perplexité des astrophysiciensastrophysiciens et des cosmologistes ne fait que croître depuis quelques années en ce qui concerne deux mesures de plus en plus clairement divergentes et en tension de la vitesse d’expansion du cosmos observable via la détermination de la fameuse constante de Hubble-Lemaître.
L'analyse rigoureuse et poussée des données concernant le rayonnement fossile, la plus vieille lumière de l'Univers, collectées avec le satellite Planck donne en effet une estimation de cette constante qui ne cadre pas vraiment avec celle obtenue en étudiant les supernovaesupernovae SNSN Ia depuis quelques milliards d'années.
Que faut-il en déduire ? Y a-t-il une erreur encore invisible dans l'une des procédures d'estimations ou faut-il changer le modèle cosmologique standard ? Mais que changer dans ce modèle ? Nos théories sur l'énergie noireénergie noire, la matière noirematière noire ou carrément la théorie de la gravitationgravitation en utilisant une autre théorie que celle d'EinsteinEinstein ? De fait, les découvertes de galaxiesgalaxies massives tôt dans l'histoire du cosmoscosmos observable par le James-Webb laissent penser que la théorie Mondthéorie Mond pourrait remplacer la théorie d'Einstein et l'existence de particules de matière noire.
Depuis 13,8 milliards d’années, l’Univers n’a cessé d’évoluer. Contrairement à ce que nous disent nos yeux lorsque l’on contemple le ciel, ce qui le compose est loin d’être statique. Les physiciens disposent des observations à différents âges de l’Univers et réalisent des simulations dans lesquelles ils rejouent sa formation et son évolution. Il semblerait que la matière noire ait joué un grand rôle depuis le début de l’Univers jusqu’à la formation des grandes structures observées aujourd’hui. © CEA Recherche
Une carte du rayonnement fossile dressée dans le désert de l'Atacama
Une nouvelle pièce à tous ces débats vient d'être apportée par les membres de la collaboration Atacama Cosmology Telescope (ACT) qui ont mesuré sur Terre, d'une autre façon qu'avec Planck dans l'espace, les caractéristiques du rayonnement fossile depuis le désertdésert de l'Atacama au Chili. L'ACT ne fonctionne plus depuis septembre 2022 après 15 ans passés a collecté des photonsphotons du Big BangBig Bang, mais les analyses des données sont toujours en cours et plusieurs articles viennent juste d'être publiés dans The Astrophysical Journal, dont un en particulier retient l'attention et que l'on peut consulter sur arXiv.
Son résumé se conclut par « Nous combinons nos mesures de lentillelentille CMB avec les anisotropiesanisotropies CMB aux contraintes d'extension de ΛCDM, limitant la somme des masses de neutrinos à ∑mν<0,12 eV (95% c.l.), par exemple. Nos résultats fournissent une confirmation indépendante que l'Univers est spatialement plat, conforme à la relativité généralerelativité générale, et est remarquablement bien décrit par le modèle ΛCDM, tout en ouvrant une voie prometteuse pour la physiquephysique des neutrinosneutrinos avec lentille gravitationnellelentille gravitationnelle à partir des prochains levés CMB au sol ».
Le communiqué de la Fondation Simons qui accompagne ces publications est plus prosaïque avec plusieurs commentaires des astrophysiciens engagés dans l'aventure de l'ACT, qui vient donc de fournir des mesures parfois plus précises de certains ingrédients de la cosmologiecosmologie moderne que ne l'avait fait la collaboration Planck. Il y a ainsi une déclaration d'Adriaan Duivenvoorden, chercheur au sein du groupe d'analyse et de simulation du rayonnement fossile de la Fondation Simons : « Ce résultat est une nouvelle victoire pour la théorie de la gravitégravité d'Einstein. La distribution mesurée de la matière dans l'Univers des temps tardifs correspond à ce que nous attendons de notre compréhension de l'univers primitif. Le fait que nous soyons capables de prédire correctement comment la matière se déplace et évolue sur une si longue période de temps témoigne de notre compréhension de la cosmologie »
Mathew Madhavacheril, professeur adjoint au département de physique et d'astronomie de l'Université de Pennsylvanie et auteur principal de l'un des articles, ajoute que « nous avons créé une nouvelle carte des massesmasses en utilisant les distorsions de la lumière laissées par le Big Bang. Remarquablement, elle fournit des mesures qui montrent que la "granularité" de l'Univers et la vitessevitesse à laquelle il se développe après presque 14 milliards d'années d'évolution sont exactement ce que vous attendez de notre modèle standardmodèle standard cosmologique basé sur la théorie d'Einstein ».
C'est ce que confirme David Spergel, président de la Fondation Simons et chef du groupe d'analyse et de simulation du rayonnement fossile, autrefois responsable de la mission WMap avant Planck, « la nouvelle carte valide notre image désormais standard de la matière noire et de la matière ordinaire traçant la même structure à grande échelle ».
Décryptons un peu de quoi il en retourne.
Des lentilles gravitationnelles pour tracer la distribution de la matière noire
Selon le modèle cosmologique standard présenté dans la vidéo du CEA ci-dessus, dès les premières secondes du Big Bang il existait des fluctuations de densité dans la matière noire destinées à s'effondrer gravitationnellement rapidement et à faire ensuite s'effondrer la matière normale pour donner finalement des étoilesétoiles, des galaxies et des amas de galaxiesamas de galaxies se rassemblant au cours du temps en de grandes structures filamentaires.
On a fait des simulations numériquessimulations numériques de ces processus d'effondrementeffondrement au cours du temps, simulation dépendant de plusieurs paramètres concernant par exemple la masse de la matière noire et des neutrinos.
La théorie nous dit que lors de l'émissionémission du rayonnement fossile environ 380 000 ans après le Big Bang, les densités de matière noire et de matière baryonique sont reflétées par les fluctuations de température et de polarisation de cette lumière. On peut donc se servir de l'estimation de ces densités pour amorcer les calculs des simulations numériques.
Mais au fil du temps, les galaxies et les amas de galaxies en cours de formation vont produire des effets de lentilles gravitationnelles en déviant les rayons lumineux décrivant le rayonnement fossile et causant des sortes d'effet de flou sur l'image la plus ancienne de ce rayonnement. On peut inverser les calculs et déduire de la mesure de ces effets de lentille les distributions de masses de matière noire, et comment elles évoluent dans le temps.
Il se trouve qu'avec des mesures comme celles que permet l'ACT, on peut non seulement tester les prédictions des modèles de formations de grandes structures basés sur l'existence de la matière noire, mais aussi jusqu'à un certain point quelle théorie de la gravitation produit ces structures et leurs évolutions dans le temps. Les mesures de l'ACT permettent aussi de tester des paramètres cosmologiques, comme la platitude de l'espace de l'Univers observable.
La nouvelle carte et l'analyse des fluctuations mesurées qu'elle permet viennent donc, à nouveau, d'éliminer des théories concurrentes de la théorie relativiste de la gravitation d’Einstein et de conforter également l’existence de la matière noire... pour le moment en tout cas.