L’Agence spatiale européenne prépare la nouvelle génération de fusées. Avec le nouveau lanceur prévu pour 2025, l’Europe abandonne le lancement double qui a permis à Arianespace de s’accaparer plus de 50 % du marché des lancements de satellites ouvert à la concurrence.


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    L'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (Esa) travaille sur son programme préparatoire des lanceurs futurs. Les successeurs des Ariane V, qui pourraient voler vers 2025, visent les missions institutionnelles couvrant une plage de performance à partir d'un équivalent à 3 tonnes en orbite géostationnaire (incluant ainsi le segment 4 tonnes en orbite héliosynchronehéliosynchrone), jusqu'à un équivalent de près de 8 tonnes en orbite de transfert géostationnaire. Autrement dit, l'Europe abandonne le lancement double, qui a permis à Arianespace de s'approprier plus de la moitié du marché des lancements de satellites ouvert à la concurrence.

    Cet été, l'Esa a confié à Astrium le contrat d'avant-projet du lanceur européen de nouvelle génération (Next Generation of LauncherLauncher) qui succédera à la famille Ariane 5Ariane 5. À charge pour l'industriel européen d'étudier les « concepts les plus prometteurs pour ce lanceur européen de nouvelle génération en y associant 9 pays industriels européens déjà impliqués dans le projet Ariane », déclare Alain Charmeau, CEO (président directeur général) d'Astrium Space Transportation. Pour l'instant, il n'est pas question pour autant de déterminer l'architecture finale. L'objectif principal de cette étude est de fournir l'ensemble des éléments techniques et programmatiques afin « d'obtenir un lanceur qui répond aux besoins identifiés par l'Esa et ArianespaceArianespace » et de permettre à l'Esa de proposer une feuille de route lors du prochain conseil ministériel.

    Comme l'explique Guy Pilchen, responsable du programme préparatoire des lanceurs futurs (FLPP) à l'Esa, « pour ce nouveau lanceur l'objectif est certes de passer à une nouvelle génération de technologies, car sans une forte dose d'innovation il sera très difficile d'assurer des avancées majeures en termes de coût récurrent, de flexibilité et de disponibilité, mais également de s'appuyer sur des technologies existantes et déjà éprouvées ».

    Concrètement, pour certains aspects, l'Esa peut décider d'utiliser des technologies en service s'il s'avère qu'elles sont « capables de minimiser les coûts d'exploitation de ce futur lanceur ». Des études comparatives sont donc prévues entre toutes ces technologies pour lesquelles les « critères de coûts d'exploitation et de performances seront des éléments de comparaison importants ».

    4 concepts de lanceurs à l'étude

    Sur la trentaine de concepts de lanceurs à l'étude, l'Esa en a retenu 4 et travaille à préciser la sélection. Parmi les lanceurs retenus, trois sont des concepts de lanceurs bi-étage, un est à trois étages. Ce dernier, dénommé PPH (propulsion solide pour l'étage principal et le 2e étage) utilisera pour l'étage supérieur un moteur cryogénique dérivé du moteur Vinci, développé dans le cadre du programme Ariane 5 MEAriane 5 ME.

    Comme le souligne le Cnes, la garantie de l’accès à l’espace, dans des conditions de compétitivité et de fiabilité<br />optimales, reste un enjeu d’avenir primordial pour la France et l’Europe. Avec, à la clé, de nouvelles technologies pour les lanceurs de nouvelle génération. © Esa/ Cnes / Arianespace / Photo Optique vidéo du CSG

    Comme le souligne le Cnes, la garantie de l’accès à l’espace, dans des conditions de compétitivité et de fiabilité
    optimales, reste un enjeu d’avenir primordial pour la France et l’Europe. Avec, à la clé, de nouvelles technologies pour les lanceurs de nouvelle génération. © Esa/ Cnes / Arianespace / Photo Optique vidéo du CSG

    Quant aux concepts bi-étage, deux s'appuient sur une propulsion cryogénique d'oxygène liquide/ hydrogènehydrogène liquide pour l'étage principal et l'étage supérieur. La différence se fait au niveau de la motorisation principale qui utilise un moteur de très forte poussée (HTE, High Thrust Engine) basé soit sur la technologie de générateurgénérateur de gazgaz identique à Vulcain II, soit sur la technologie de combustioncombustion étagée, plus performante mais non encore opérationnelle en Europe.

    L'autre concept bi-étage, dénommé CH, utilise une propulsion méthane-oxygène liquide pour l'étage principal et une propulsion cryogénique pour l'étage supérieur. Dans tous les cas, « la modularité sera assurée par des boostersboosters solides d'appoint ». Autrement dit, il ne s'agit pas de faire « évoluer un lanceur ou l'autre de la gamme européenne » mais bien d'en préparer un nouveau qui cumulera des technologies existantes et nouvelles qui « devront être appréhendées sous l'angle de leurs performances intrinsèques mais plus encore sous l'angle du coût de possession et leur robustesse au cycle de vie », explique Astrium.

    Des besoins d’ores et déjà identifiés

    Chez Arianespace comme au sein de l'Agence spatiale européenne, on remarque que la massemasse moyenne des satellites tend à se stabiliser autour des 5 tonnes. En définissant une plage de performance de 3 à 8 tonnes, ce lanceur à la configuration modulaire devra avoir une « certaine flexibilité dans cette plage de performance ». En fonction de la masse du satellite, la configuration du lanceur devra être suffisamment modulable pour s'adapter à la mission.

    Cette flexibilité sera apportée par des propulseurspropulseurs d'appoint solides, de sorte qu'en fonction de la masse à lancer « on utilisera plus ou moins de propulseurs ». Enfin, l'architecture de ce lanceur sera adaptable, avec une capacité d'évolution facile à mettre en œuvre et qui peut concerner, par exemple, l'augmentation de la poussée d'un moteur ou la taille d'un réservoir. Pour l'industriel comme l'opérateur, il s'agit de ne pas se faire surprendre par une évolution de la masse des satellites après la mise en service du NGL.

    L'Esa, Astrium et Arianespace planchent sur le lanceur qui succèdera à la famille Ariane 5, à l'horizon 2025. © Esa/ Cnes / Arianespace / Photo Optique vidéo du CSG

    L'Esa, Astrium et Arianespace planchent sur le lanceur qui succèdera à la famille Ariane 5, à l'horizon 2025. © Esa/ Cnes / Arianespace / Photo Optique vidéo du CSG

    Cette stratégie impose d'abandonner le lancement double, précisent Astrium et l'Esa, qui ne veulent plus d'un lanceur compétitif sur un seul segment du marché. Selon Mario De Lépine, porteporte-parole d'Arianespace, le lancement simple correspond « mieux aux besoins du marché pour les charges utiles institutionnelles », et de préciser qu'il s'agit d'un choix en ligne avec les attentes d'Arianespace dont les études de prospective montrent « une stabilisation de l'augmentation de la masse moyenne des satellites dans les années à venir ». Le porte-parole conclut enfin en indiquant que « s'agissant d'un lanceur visant surtout des charges utiles institutionnelles sur des orbites non GTO, le lancement double n'est pas une exigence forte ».

    La capacité d’Arianespace à répondre aux besoins du marché n'est pas pour autant menacée. Elle est même préservée, souligne Astrium, avec « Ariane 5ME, un lanceur en cours de préparation qui utilisera un nouvel étage supérieur (moteur Vinci) et dont la capacité d'emport sera de 12 tonnes de charge utile en GTO ». Cette fuséefusée pourra lancer 2 satellites de 5,5 à 6 tonnes. Un premier vol est prévu en 2016 et restera en service au-delà de 2025.