Le programme de vols habités de l'Agence spatiale indienne (Isro) se poursuit. Après un léger coup d’arrêt à la suite de la crise du Covid-19, il repart de plus belle avec un essai statique d’un moteur qu’utilisera le lanceur des vols habités indiens. Le vol inaugural un temps envisagé pour fêter le 75e anniversaire de l’indépendance indienne en 2022, est aujourd’hui prévu en 2024.


au sommaire


    Alors que les responsables politiques européens tergiversent sur l'intérêt de financer un programme de vol habité autonome, l'Inde devrait devenir la quatrième puissance spatiale capable d'envoyer des humains dans l'espace. Une jolie performance technologique pour un État qui n'a pas la même puissance financière que l'Europe, accusant un retard qui tend à se résorber dans quelques domaines technologiques clés.

    Voir aussi

    Vols habités : l'ESA met la pression sur les décideurs politiques

    Initialement, l'Agence spatiale indienne prévoyait d'envoyer un ou deux astronautes indiens à l'occasion du 75e anniversaire de l'indépendance indienne en 2022. Mais, la crise du Covid-19 a contraint le pays à reporter ce vol inaugural à 2024. Celui-ci sera précédé de deux vols inhabités prévus au premier et quatrième trimestre 2023 qui emporteront chacun un robot humanoïderobot humanoïde équipé de capteurscapteurs. La capsule rejoindra une orbite de 400 km pour un vol de 7 jours, avant d'amerrir dans la mer d'Arabiemer d'Arabie au large de Ahmedabad.

    Bien moins médiatisée que la Nasa, l'ESA ou les agences spatiales de la Russie et de la Chine, l'Agence spatiale indienne poursuit son programme de vols habitésvols habités initié il y a déjà plusieurs années. Gaganyaan, c'est le nom de ce programme, a déjà réalisé plusieurs essais dont le vol suborbitalsuborbital, avec rentrée atmosphérique, d'une capsule prototype (sans astronaute) de 3,7 tonnes (Care en 2014) suivi quatre ans plus tard de l'essai d'une tour de sauvetage avec une maquette d'une capsule de 12,6 tonnes. On notera aussi le vol de la capsule expérimentale SRE-1 en 2007 qui a duré 12 jours en orbite.

    Une version du lanceur des missions d'exploration robotique qualifiée pour les vols habités

    Il y a quelques jours, l'Isro a réalisé avec succès un essai statique d'un propulseur d'appoint à propergolpropergol solidesolide pour le programme Gaganyaan. Ce boosterbooster testé est la version à usage vol habité du propulseur S200 qui équipe le lanceurlanceur GSLV Mk III. Dans cette configuration, il est nommé HS200. L'essai a duré 135 secondes qui est la duréedurée de fonctionnement du premier des trois étages du GSLV Mk III.

    Plutôt que de développer un lanceur entièrement nouveau et spécifiquement dédié aux vols habités, l'Inde a préféré développer une version du GSLV Mk III qualifiée pour les habités. Ce lanceur, mis en service en 2017, est capable de lancer 10 tonnes en orbite basse et 4 tonnes sur une orbite de transfertorbite de transfert géostationnaire. Il a notamment lancé les missions lunaires ChandrayaanChandrayaan 2 et 3 et devrait lancer une sonde à destination de VénusVénus (Shukrayaan-1) et Mangalyaan 2, deuxième mission à destination de Mars.


    L'Inde veut envoyer des Hommes dans l'espace d'ici 2022

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 16/08/2018

    Quelle sera la quatrième nation à envoyer ses astronautes dans l'espace par ses propres moyens ? Certainement pas l'Europe qui préfère coopérer à des programmes internationaux, ni le Japon technologiquement à la traîne dans ce domaine. Ce devrait être l'Inde qui a la volonté politique de le faire et acquiert progressivement les technologies nécessaires à cela. Son premier ministre vient de fixer un objectif. Ce sera 2022 !

    Après l'URSS, les États-Unis et la Chine, l'Inde sera-t-elle la quatrième nation à envoyer par ses propres moyens des hommes dans l'espace ? Oui, si l'on se fie au discours à la Nation que le premier ministre indien, Narendra Modi, vient de tenir l'occasion du Jour de l'indépendance. Au-delà de la volonté politique, ce qui manque à d'autres pays cloués au sol, l'Inde a aussi les capacités financières et technologiques pour réaliser cet exploit.

    Au vu des dernières avancées technologiques de l'Isro (l'agence spatiale indienne), et si l'on compare son programme à celui de la Chine mis en œuvre pour envoyer son premier taïkonaute dans l'espace (ShenzhouShenzhou 5, octobre 2003), l'échéance de 2022 nous paraît optimiste. D'autant plus, que deux vols inhabités de démonstration et de test sont prévus avant le vol habité. Cette première mission habitée verra certainement un équipage de deux ou trois gaganautes (nom donné aux astronautes indiens), avec peut-être une femme, séjourner une petite semaine en orbite autour de la Terre.

    Depuis une dizaine d'années, l'Inde acquiert et maîtrise des technologies critiques pour le vol habité (retour d'orbite, rentrée atmosphérique, bouclier thermique...)). Si l'effort se poursuit, il ne fait guère de doute qu'à l'horizon 2025, elle parviendra à envoyer des gaganautes dans l'espace. 

    Essai réussi de la tour d'extraction du système d'évacuation des équipages (5 juillet 2018). Le but était de démontrer que cette tour pouvait extraire très rapidement une capsule (à l'image un démonstrateur de capsule) d'un lanceur subissant une anomalie. Le démonstrateur s'est ensuite posé à l'aide de parachutes. © Isro
    Essai réussi de la tour d'extraction du système d'évacuation des équipages (5 juillet 2018). Le but était de démontrer que cette tour pouvait extraire très rapidement une capsule (à l'image un démonstrateur de capsule) d'un lanceur subissant une anomalie. Le démonstrateur s'est ensuite posé à l'aide de parachutes. © Isro

    Des étapes franchies avec succès

    En 2007, l'Isro a utilisé avec succès une capsule de rentrée atmosphérique (mission SRE-1) après un séjour de plusieurs jours dans l'espace sur une orbite circulaire puis elliptique de 485 x 639 km. En 2014, elle a lancé un démonstrateur d'une capsule habitée de plus de 3,7 tonnes, mesurant 3,1 mètres de diamètre et 2,7 mètres de hauteur. Baptisée Care, pour Crew module Atmospheric Re-entry Experiment, cette capsule était suffisamment dimensionnée pour un équipage de trois personnes. Début juillet, c'est le système d'évacuation d'urgence de l'équipage qui est testé avec succès lors de l'essai d'extraction d'une capsule en cas de problème sur le pas de tir.

    Enfin, l'Inde a ouvert à Bangalore un centre de formation des gaganautes avec pour but d'en former et préparer au moins quatre afin qu'au moins deux d'entre eux, voire trois, réalisent un vol orbital de plusieurs jours.

    Démonstrateur indien de capsule habitable pour un équipage de trois personnes. © Isro
    Démonstrateur indien de capsule habitable pour un équipage de trois personnes. © Isro

    L'Inde veut des hommes dans l'espace et un lanceur réutilisable

    Article de Rémy Decourt publié le 06/01/2012

    L'Inde, l'autre puissance spatiale émergente d'Asie, veut faire aussi bien que son encombrante voisine, la Chine. Voire mieux. Ses ambitions sont élevées : lancer un vol habité avant la fin de la décennie et créer un système de lancement de satellite réutilisable, bref, une navette inhabitée.

    Si les industriels du secteur spatial et la plupart des agences spatiales s'intéressent de près ou de loin à la réutilisabilité des lanceurs, l'Inde est le seul pays qui fait le pari du tout réutilisable pour accéder à l'espace. Pourtant, elle dispose d'une famille de lanceurs qui répond en grande partie à ses besoins. Actuellement, elle développe un lanceur réutilisable à deux étages de type TSTO (Two Stage To Orbit) qui ressemblera à une navette spatiale. Aucune date de lancement n'a été annoncée mais on suppose qu'un démonstrateurdémonstrateur pourrait être testé en vol dès cette année. Autre projet lié à la réutilisabilité, la capsule de retour d’orbite SRE (Space capsule Recovery Experiment) conçue pour faire voler des expériences (50 kgkg) en impesanteurimpesanteur, puis de les ramener au sol.

    L'Europe, elle, a décidé que le lanceur de nouvelle génération (NGL) qui remplacera l'actuelle famille Ariane, à l'horizon 2025, ne sera pas réutilisable.

    Le tout réutilisable, une fausse bonne idée ?

    Cette idée de la réutilisabilité pourrait rapidement devenir une impasse. Sur le papier, l'utilisation d'un lanceur réutilisable a de quoi séduire d'autant plus que sa fiabilité s'accroît grâce à la correction progressive des défauts rencontrés sur le matériel au fur et à mesure de son utilisation.

    Pour beaucoup, cependant, il est encore trop tôt pour se lancer dans le développement d'étages réutilisableétages réutilisable capables de performances significatives. Les technologies nécessaires pour ce type d'étage ne sont que partiellement assimilées. Quant aux lanceurs d'aujourd'hui, leur conception ne permet pas d'envisager une réutilisation des matériaux. Notamment ceux utilisés pour la protection thermique et la constructionconstruction des étages.

    Projet indien de lanceur réutilisable à deux étages en forme de navette spatiale. © Isro
    Projet indien de lanceur réutilisable à deux étages en forme de navette spatiale. © Isro

    Des Indiens bientôt dans l'espace ?

    La réutilisation d'un étage est un véritable casse-tête logistique et, du coup, un non-sens économique. Entre sa récupération, sur terre ou en haute mer, la remise en état, sa certificationcertification pour le vol et son intégration au lanceur, la réutilisation se révèle plus longue et plus coûteuse qu'un étage consommable construit en une dizaine d'exemplaires chaque année. L'exemple de la navette spatiale est édifiant. Seul système opérationnel partiellement réutilisable (le réservoir ventral et les boosters d'appoint étaient perdus), il nécessitait plusieurs mois de révision entre deux vols alors qu'il devait réaliser des dizaines de vols par an !

    Autre programme d'envergure, l'envoi de gaganautes (nom donné aux astronautes indiens) dans l'espace. Malgré un coup d’arrêt dans son programme spatial, en raison d'échecs survenus en 2010, l'Inde réaffirme qu'elle sera prête à lancer par ses propres moyens deux astronautes d'ici la fin de cette décennie. Ils voleront à bord d'une capsule spatiale maison lancée par un GSLV qualifié pour le vol humain. Dans cette optique, l'Isro a ouvert à Bangalore un centre de formation des astronautes. L'objectif est d'en préparer au moins quatre afin que deux d'entre eux réalisent un vol orbital de plusieurs jours.