La conquête politique et commerciale de l’Inde menée par le gouverneur de la Compagnie française des Indes, Joseph-François Dupleix, entre 1742 et 1754, offre à la France l’opportunité d’acquérir un immense territoire inexploité par les Anglais, lesquels disposent déjà de comptoirs de commerce à Bombay, à Calcutta et à Madras.

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    Dès les années 1720, la Compagnie française des Indes Orientales affiche une activité florissante. Les produits manufacturés en provenance d'Inde et de Chine, notamment les tissus de coton imprimés en vogue, appelés « indiennes » sont très prisés. Sur le marché asiatique, la Compagnie française se trouve en concurrence directe avec sa rivale anglaise, l'East India Company (EIC). La puissante Compagnie des Indes hollandaise (VOC) s'intéresse plus particulièrement à l'Indonésie. Grâce à ses comptoirs de commerce implantés sur la côte Est de l'Inde dès les années 1670, à Chandernagor et à Pondichéry, la France est considérée comme la grande puissance européenne avec laquelle les souverains indiens recherchent des alliances.

    Joseph-François Dupleix (1697-1763) est directeur de la Compagnie des Indes Orientales. Dès sa nomination, en 1742, au poste de gouverneur des cinq comptoirs français (Pondichéry, Chandernagor, Mahé, Yanaon et Karikal), il s'engage dans une ambitieuse politique d'expansion territoriale et commerciale : monopoliser l'immense marché potentiel que représente le sous-continent indien. L’Inde est un ensemble de principautés contrôlées par des souverains moghols, depuis leur conquête du territoire en 1526. Mais au début du XVIIIe siècle, l'Empire moghol entre dans une phase de déclin, miné par des rivalités politiques internes qui seront le prétexte opportun d'une intervention européenne.

    Estampe réalisée vers 1786, après la mort de Dupleix, par Sergent-Marceau. © <em>Wikimedia Commons</em>, DP

    Estampe réalisée vers 1786, après la mort de Dupleix, par Sergent-Marceau. © Wikimedia Commons, DP

    Le temps de la suprématie française

    En 1746, lors de la bataille navale de Negapatam (sud-est de l'Inde), la France et l'Angleterre se disputent le contrôle de la côte de Coromandel où se situent les comptoirs de Pondichéry et Madras. La prise de Madras ouvre le golfe du Bengale aux Français et assure la protection de Pondichéry. C'est un coup très dur pour le commerce anglais en Inde, d'autant plus que Dupleix décide de faire raser la ville de Madras. Pondichéry est bombardée à son tour mais Dupleix repousse les assiégeants. Madras reste aux mains des Français jusqu'à la conclusion du traité de paix d'Aix-la-Chapelle en 1748. Le conflit ébranle les comptes financiers de la Compagnie française des Indes qui est avant tout une puissante société de négoce ; mais son prestige auprès des princes territoriaux indiens est renforcé.

    <sup><br /></sup>Zone d'influence française en Inde entre 1741 et 1754 (comptoirs, territoires) sous la gouvernance de Dupleix. © Wikimedia Commons, DP

    Zone d'influence française en Inde entre 1741 et 1754 (comptoirs, territoires) sous la gouvernance de Dupleix. © Wikimedia Commons, DP

    Dès 1750, le gouverneur Dupleix contrôle le Deccan grâce à sa fine connaissance des sociétés indiennes et grâce au soutien des jésuites qui interviennent dans des missions diplomatiques auprès des princes moghols. Il se retrouve à la tête d'un véritable empire, ni accrédité par la monarchie française ni par la Compagnie des Indes, car ce développement de la présence française implique des investissements extraordinaires qu'elles ne peuvent consentir. La Compagnie des Indes investit déjà la moitié de son budget colonial dans ses comptoirs de commerce, surtout à Pondichéry et à Chandernagor.

    Plan de Pondichéry dédié à la mémoire de Dupleix, fin XVIII<sup>e</sup> siècle. Iconographie Bibliothèque nationale de France. © BnF, DP

    Plan de Pondichéry dédié à la mémoire de Dupleix, fin XVIIIe siècle. Iconographie Bibliothèque nationale de France. © BnF, DP

    Le rêve indien de Dupleix est réalisé par l’Angleterre

    Louis XV destitue Dupleix de son poste de gouverneur en août 1754 : il est rappelé à Paris et intente un procès à la Compagnie française des Indes, afin de réclamer l'argentargent dépensé pour elle. La France et l'Angleterre signent à Madras un accord stipulant qu'elles renoncent à des acquisitions territoriales à l'intérieur de l'Inde. En fait, l'Angleterre va s'empresser de reprendre la stratégie d'alliances avec les princes indiens locaux et mettre en place une politique de conquête strictement copiée sur celle de Dupleix. En mars 1760, les Anglais engagent le siège de Pondichéry par terre et par mer ; ils jalousent la puissance commerciale de la ville qui est, de nouveau, complètement détruite en janvier 1761. À la signature du traité de Paris en 1763, la France conserve cinq comptoirs aux Indes : Chandernagor, Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon.