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    Un androïde est un robot à apparence humaine capable de percevoir son environnement, de prendre des décisions en fonction de ce qu'il perçoit et se mouvoir à la façon d'un être humain. On parle aussi couramment d'humanoïde ou d'anthropoïde.

    Si les androïdes sont fortement présents dans l'imaginaire collectif, c'est parce que très tôt la science-fiction a fait miroiter l'apparition de créatures surdouées au risque de véhiculer certains a priori tels celui  de l'androïde qui en viendrait en toute logique à se débarrasser des humains.

    Deux formes principales sont apparues :

    • L'androïde de métalmétal, clairement identifiable comme un robot bipède de forme humaine,
    • Le cloneclone de l'homme, doté d'une peau analogue à la notre, et que l'on peine à  distinguer de nous-même.

    Une naissance au théâtre

    De fait, si l'histoire des androïdes est un mélange de fiction et de réalisations concrètes, la fiction a précédé les applicationsapplications de plus d'un demi-siècle.

    C'est à l'écrivain tchèque Karel Capek que revient le mérite d'avoir inventé le terme « robot » au sein d'une pièce de 1917 baptisée R.U.R. (Robots Universels de Rossum). Soucieux de rationaliser la production dans les usines, l'industriel Rossum a l'idée de fabriquer des travailleurs automatisés à l'image de l'homme. Les androïdes construits par Rossum ont une capacité de travail sans commune mesure avec celles des humains.

    Au fil de l'action, ces esclaves de métal en viennent à se révolter contre leurs oppresseurs humains et finissent par les éliminer.

    La Maria de Metropolis

    Si le robot a pris naissance sur une scène de théâtre, il reste à le matérialiser sur grand écran. C'est l'allemand Fritz Lang qui assume la charge de lui donner un  rayonnement à grande échelle dans son film Metropolis (1927).

    Le film fait apparaître une cité futuriste où les travailleurs à la chaîne évoluent de façon ultra-régulée, sur un mode proche de l'esclavage. Un inventeur, Rotwang, crée un androïde à l'image d'une ouvrière, Maria. De par ses danses suggestives, ce robot sexy sème le trouble parmi les ouvriers, qui s'avèrent incapables de percevoir la supercherie.

    Le cinéma des années 30 ne va pas être à la hauteur de Metropolis. De nombreuses séries B font apparaître des androïdes sanguinaires, obsédés par une seule et même idée : ravir à leur créateur sa place dominante et prendre les commandes de la civilisation.

    Affiche du film Metropolis. Le robot Maria est un androïde qui séduit les ouvriers de l'usine d'une cité futuriste en vue de les inciter à la révolte. © Boris Konstantinowitsch Bilinski
    Affiche du film Metropolis. Le robot Maria est un androïde qui séduit les ouvriers de l'usine d'une cité futuriste en vue de les inciter à la révolte. © Boris Konstantinowitsch Bilinski

    Asimov pose que l’androïde doit protéger l’Homme

    Une éclaircie se dessine en 1938. Lassé de voir tant d'histoires de piètre niveau illustrant des androïdes envahisseurs et agressifs, le biologiste d'origine russe Isaac AsimovIsaac Asimov développe une série de nouvelles qui transforment l'image des androïdes. Il organise ses récits autour de trois lois de la robotique :

    1. Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, en demeurant passif, laisser cet être humain exposé au danger.
    2. Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres sont en contradiction avec la 1ère loi.
    3. Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n'est pas en contradiction avec la 1ère ou la 2ème loi.

    En exploitant les ressorts qui découlent de ces lois, Asimov écrit une impressionnante série de fictions. Elles paraissent sous forme de nouvelles tout au long des années 40, avant d'être publiées en librairie en 1950. Leur influence est marquante car Asimov a posé un postulatpostulat : les androïdes seront toujours nos serviteurs pour la bonne raison que l'Homme en aura décidé ainsi.

    Ignorés des industriels

    Si les premiers robots industriels apparaissent au début des années 60, les androïdes se voient ignorés par les grands fabricants du domaine. Pour deux raisons essentielles :

    • Les androïdes se révèlent trop coûteux à développer pour permettre une rentabilité à court terme.
    • Les auteurs de science-fiction ont été trop optimistes à leur égard. Lorsque l'on lit certains romans censés se passer dans les années 90 et mettant en scène des humanoïdes dévoués et agiles, force est de constater qu'il y a loin de la coupe aux lèvres.

    Le premier humanoïde intelligent, Wabot-1 apparaît en 1973 à l'université de Waseda au Japon. La machine ne présente qu'une ressemblance lointaine avec un humain, mais elle est douée de vision, peut saisir des objets, effectuer un semblant de marche et entamer un brin de conversation en japonais.

    L’androïde de Star Wars

    A défaut de briller dans le réel, les androïdes opèrent une apparition flamboyante avec le film Star Wars (1977).  George Lucas a eu la bonne idée de dépeindre C3-PO comme inoffensif : il agit à la façon d'un maître d'hôtel guindé, aussi poltron qu'il est cultivé (il maîtrise 6 millions de langues).

    Un autre archétypearchétype est peu à peu apporté par le cinéma : celui d'androïdes indissociables des humains. Ash, l'androïde de Alien, le 8e passager (Ridley Scott, 1979) est si proche de nous qu'on ne découvre sa nature robotique que dans le dernier tiers du film. Le même réalisateur récidiverécidive en 1982 avec Blade Runner (1982). Dans ce film devenu culte, Ridley Scott amène le spectateur à compatir pour des « répliquants » sensibles et raffinés, à commencer par la belle androïde incarnée par Daryl Hannah.

    Avec Terminator (1984), James Cameron fait passer un autre message : celui de l'implacable détermination que peut entretenir une machine, qui n'a pas d'autre morale que celle qui lui est programmée. Alors qu'il est sectionné en deux suite à une explosion, le Terminator tente encore d'accomplir la tâche qui lui a été fixée. Seule la destruction complète du moindre de ses circuits peut l'empêcher d'aller jusqu'au bout envers et contre tout.

    Avec C3PO de Star Wars, Lucas met en scène un androïde de métal timoré et donc aisément acceptable pour le grand public. © Wikimedia Commons
    Avec C3PO de Star Wars, Lucas met en scène un androïde de métal timoré et donc aisément acceptable pour le grand public. © Wikimedia Commons

    Cog, androïde sur roulette

    Vers le milieu des années 90, un humanoïde cristallise tous les espoirs. Cog est issu des recherches du professeur Rodney Brooks du M.I.T. (Massachusetts Institute of Technology) de Boston.

    Conçu à partir de 1993, l'androïde Cog est doté de sens fondamentaux tels que vue, toucher et audition et ses yeuxyeux peuvent suivre un mouvementmouvement ou un son. Il est doué d'auto-apprentissage :  Cog peut copier des gestes simples comme hocher la tête et reproduire de nombreux mouvements humains. Pourtant, l'androïde n'est impressionnant que jusqu'à un certain point : il n'a pas de jambes. Il n'est constitué que d'un buste, de bras articulés et d'une tête. Pour ses déplacements, il se contente d'un plateau à roulettes.

    De la difficulté de simuler la marche des bipèdes

    Il se trouve que la simulation de la marche humaine est une quête ultra-complexe. Le centre de gravitégravité du corps est situé au niveau de la ceinture et la surface de contact au sol (les pieds) est restreinte. Les roboticiens peinent à émulerémuler ce mouvement des bipèdes humains.

    Les premiers humanoïdes capables de marcher sur leurs jambes, apparaissent vers la fin des années 90 chez Honda : P3 va évoluer vers l'androïde connu sous le nom de Asimo. Pour faire marcher son robot à forme humaine, Honda a dépensé plus d'une centaine de millions d'euros et fait travailler des dizaines de chercheurs de haut niveau.

    Une version élaborée d'Asimo apparaît à l'automneautomne 2003, et l'accent est mis sur les interactions avec l'homme. Asimo peut courir, sauter, monter les escaliersescaliers, préparer des cocktails... Il est capable d'interpréter les gestes ou attitude de ses interlocuteurs et d'obéir à leurs directives. Si une personne approche, il va la saluer et lui serrer la main si elle propose la sienne. Si on lui demande de nous suivre, il s'exécute. Asimo sait aussi reconnaître un visage et l'associer à son nom.

    Pourtant, ce garçon-robot aux allures d'astronauteastronaute est encore loin d'être parfait. Il porteporte un énorme sac à dosdos, au sein duquel sont logées l'électronique de contrôle et les batteries. Il faut par ailleurs deux opérateurs pour le piloter et l'humanoïde ne répond qu'à un nombre limité de commandes.

    Chaque apparition publique d’Asimo soulève son pesant de frénésie, comme s’il servait de bande-annonce au robot de forme humaine comme chacun a pu en rêver. © Wikimedia Commons
    Chaque apparition publique d’Asimo soulève son pesant de frénésie, comme s’il servait de bande-annonce au robot de forme humaine comme chacun a pu en rêver. © Wikimedia Commons

    Fleuron des androïdes, Asimo a fait l'objet de maintes démonstrations live jusqu'en mars 2022. Il a engendré de nombreux androides dans son sillage. Ainsi, Toyota travaille également depuis de longues années sur des robots. Son T-HR3 est capable de mouvoir ses articulationsarticulations de façon élégante et fait preuve d'une belle stabilité verticale. Toutefois, il lui manque un visage digne de ce nom.

    Le HR3 de Toyota est en mesure de mouvoir ses articulations avec dextérité et de mouvoir sa verticalité avec stabilité. © Toyota
    Le HR3 de Toyota est en mesure de mouvoir ses articulations avec dextérité et de mouvoir sa verticalité avec stabilité. © Toyota

    Ayant abrité plusieurs des premiers centres de recherche en matièrematière de robotique, l'Amérique a été distancée par le Japon, mais elle est loin d'être inactive. Avec BeOmni, Beyond Imagination a créé un androïde à usages multiples, destiné à assister les humains. Hélas, il se déplace sur roulettes.

    Beomni a un aspect androïde de science fiction. Seul revers : il se déplace sur des roulettes et non sur des jambes. @ Beyond Imagination
    Beomni a un aspect androïde de science fiction. Seul revers : il se déplace sur des roulettes et non sur des jambes. @ Beyond Imagination

     

    En Europe, sur cette course aux androïdes, l'Allemagne et l'Angleterre mènent le bal. La France avait ses chances au début du millenium.   Créée en 2005, Aldebaran Robotics est à l'origine du robot Nao qui s'est distingué lors de ballets en public avec des déhanchements que n'aurait pas reniés Michael Jackson lui-même... Toutefois, Aldebaran a été racheté par l'allemand United Robotics en 2022. Pour sa part, le britannique Engineered Arts crée des robotos de loisirs et a su concevoir des jambes fonctionnelles sur le robot Byrun.

     

    Une peau, des os, des muscles et de l’émotion…

    Il reste à émuler bien d'autres facteurs qui engendrent ce que l'on appelle l'humanité. Une peau, des yeux vifs, une élégance des mouvements, et pourquoi pas, un "affectaffect"....

    Actroid réalisé par Kokoro Dreams (Japon) en collaboration avec l'université de Osaka participe d'une telle quête. L'objectif recherché de créer une illusion acceptable de personnalité a été atteint !

    L'androïde Actroid, a été développée développé par l'Université d'Osaka et fabriquée par Kokoro Company afin d'assurer des fonctions d'accueil du public. © Jennifer – Wikimedia Commons.
    L'androïde Actroid, a été développée développé par l'Université d'Osaka et fabriquée par Kokoro Company afin d'assurer des fonctions d'accueil du public. © Jennifer – Wikimedia Commons.

    Geminoid F est équipée d'un compresseur à airair électrique pour actionner ses divers mécanismes. Ceux-ci sont contrôlés par des valves, elles-mêmes commandées par ordinateur, afin de synchroniser correctement les 65 expressions du visage avec les paroles du robot.

     Réalisée selon le modèle d’une jeune femme d’une vingtaine d’années par Hiroshi Ishiguro, Geminoid F (F pour Femme) peut adopter 65 expressions du visage. © Osaka University, ATR, and Kokoro
    Réalisée selon le modèle d’une jeune femme d’une vingtaine d’années par Hiroshi Ishiguro, Geminoid F (F pour Femme) peut adopter 65 expressions du visage. © Osaka University, ATR, and Kokoro

    Reconnaissance de la parole

    La parole est un autre point essentiel d'une interaction crédible. Un bipède à visage humain a pour vocation de se comporter comme nous, ce qui implique de soutenir une conversation. Les progrès accomplis dans l’Intelligence Artificielle rendent de plus en plus courant les androïdes capables de faire la causette.

    Lors du salon CES de novembre 2022, le robot Ameca du britannique Engineered Arts a fait sensation : il est capable de s'exprimer intelligemment et de manifester des expressions du visage réalistes, incluant des rides sur le front, mais aussi aux coins des lèvres.

    L’androïde Ameca de Engineered Arts est capable de tenir des conversations intelligentes et de manifester des expressions très humaines. © Engineered Arts
    L’androïde Ameca de Engineered Arts est capable de tenir des conversations intelligentes et de manifester des expressions très humaines. © Engineered Arts

    Autre axe de recherche : la perception de l'affectif. Pour qu'un robot puisse manifester des émotions à bon escient, il faudrait qu'il puisse identifier les états d'âme de son entourage. Ainsi,  l'androïde Sophia de Hanson Robotics, qui brille par la finesse de sa peau est capable de tenir une conversation et ses expressions faciales sont pour le moins troublantes de réalismeréalisme.

    L’androide féminin Sophia surprend par la qualité de sa peau et ses mimiques du visage. © Hanson Robotics
    L’androide féminin Sophia surprend par la qualité de sa peau et ses mimiques du visage. © Hanson Robotics

    Au RIKEN Guardian Robot Project du Japon, les chercheurs ont développé Nikola, un enfant androïde capable d'exprimer 6 émotions avec une étonnante fluidité des mouvements du visage, dûe à l'usage d'actionneurs pneumatiquespneumatiques pour gérer les muscles.

     

    L’indépendance énergétique

    L'ultime problème à résoudre concerne l'autonomie des robots. Les robots androïdes doivent être programmés de façon à aller se recharger toutes les nuits sur l'une des prises de la maison. Les robots pilotant des voitures ou des tracteurs pourraient pomper quelques wattswatts sur les stations de recharge des véhicules électriques.

    Le nec plus ultra de la robotique

    Au Japon, certains s'accordent pour penser que l'androïde pourrait être le marché du siècle.

    « A l'avenir, tout le monde au Japon aura un androïde » prédit Hiroshi Ishiguro, spécialiste mondial des androïdes, qui dirige le Laboratoire de Robotique Intelligente à l'Université d'Osaka, au Japon et qui a créé une version robotique de lui-même dès 2008.

    Hiroshi Ishiguro  avec le clone qu’il a créé à son image © Hiroshi Ishiguro Laboratories, ATR
    Hiroshi Ishiguro  avec le clone qu’il a créé à son image © Hiroshi Ishiguro Laboratories, ATR

    De fait, si sur le marché de la robotique, la plupart des modèles en usage sont des bras articulés qui procèdent à des montages ou appliquent de la peinture sur les automobilesautomobiles, des ersatz d'animaux domestiques ou des appareils ménagers, dès lors que l'on évoque ce qu'est un robot, à la plupart des gens, l'image d'un androïde  surgit spontanément.

    Pourquoi le robot androïde devrait-il s'imposer alors que les modèles de robots en vogue depuis l'an 2000 ont avant tout été des objets fonctionnels ? Parce que, du tournevis jusqu'à l'automobile, tous les outils que nous utilisons ont été conçus pour la morphologiemorphologie humaine. Or, un robot dont la forme et le fonctionnement sont calqués sur celui de notre corps peut donc faire fonctionner les divers appareils qui nous environnent.

    Il existe d'autres avantages à suivre une démarche anthropomorphique. Durant des décennies, des chercheurs se sont penchés sur les problèmes d'interface. En clair : comment développer des objets dont l'utilisation est immédiate. Or, chaque humain sait parler avec son semblable et quand bien même, il ne parlerait pas la même langue, un langage implicite existe au niveau des mimiques et des signes. L'androïde apparaît donc bel et bien comme la forme idéale pour un robot.

    Champ lexical : anthropoïde | humanoïde | robot humanoïde