Il arrive que les archéologues découvrent parfois des tombes qui témoignent d'un traitement du mort différent de la norme de leur époque. Les raisons de ces traitements peuvent être variées, comme le statut social, le type de mort ou encore des croyances ou superstitions. Alors, lorsque des chercheurs ont découvert une crémation originale dans le sud-ouest de la Turquie, à Sagalassos, ils ont constaté des pratiques différentes et ont envisagé que le traitement du mort jouxtait des pratiques magiques.


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    À Sagalassos, en Turquie, des archéologues ont découvert un traitement funéraire différent des normes de l'Empire romain. Sur le site, des crémations et des inhumations sont à noter, et la personne ayant bénéficié d'un traitement différent interroge. Un cas qui a fait l'objet d'une publication scientifique récente.

    Une crémation inhabituelle et des objets d'accompagnement

    Sur le site se trouvent des crémations et des inhumations individuelles classiques pour cette période de l'Empire romain datée de la première moitié du IIe siècle de notre ère. Or, la personne ayant bénéficié d'un rite différent a été crématisée in situ, autrement dit ses ossements n'ont pas été récupérés d'un bûcher pour être mis en urne. Cela constitue une première nuance. L'individu qui a été brûlé sur le bûcher était un adulte probablement de sexe biologique masculin ne présentant manifestement aucune pathologiepathologie (du moins sur les ossements analysés). Des charbonscharbons de boisbois, plus précisément de pin et du cèdre, ont été retrouvés sur le site ainsi que des fragments de céréalescéréales, de textile, de panier tressé ainsi que de pièces de monnaies proches des fragments issus du crânecrâne.

    Des clous autour de la zone de crémation

    La seconde grande différence avec les autres crémations de cette période et du site est que la zone de crémation de cet individu a été entourée de plusieurs dizaines de clous. Une partie d'entre eux avaient la tête écrasée et étaient pliés à 90°, d'autres étaient pliés et tordus. De plus, la zone de crémation devenant par conséquent une sépulturesépulture a été recouverte de 24 briques placées sur le bûcher encore fumant. De la chauxchaux a ensuite été placée venant sceller définitivement la zone où se trouvaient les restes de crémation. L'étude des clous a révélé qu'ils n'étaient pas fonctionnels et qu'ils n'étaient pas utilisés dans le cadre funéraire en termes pratiques. Par conséquent, le rapprochement avec les sources anciennes évoquant des clous et des actes magiques a été fait.

    De la magie antique ?

    Le clou comme objet pour conjurer les cauchemars ou encore les mauvais sorts se retrouve dans des textes antiques. Mais le cas de Sagalassos reste rare puisque les clous sont pliés et leur tête est écrasée, et à l'heure actuelle, ce type de cas a été très peu documenté, voire pas du tout. Ce qui rend l'étude et l'interprétation difficile pour les archéologues. En effet, la barrière de clous pliés, les briques et la chaux apportant un poids aux restes crématisés n'exclut pas un traitement lié à des croyances particulières. En revanche, l'individu a été traité avec soin comme on peut le voir à la position du corps classique et aux objets d'accompagnement dont une obole à CharonCharon. Dans le cas de tombes atypiques avec une volonté d'empêcher un mort de revenir, les traitements peuvent être bien plus violents par rapport à la dépouille. Ici, on le voit par le scellement de la tombe qui est très marqué, et cette frontière de clous pliés qui n'est pas anodine. Difficile de savoir si par ce traitement, cette éventuelle peur d'un retour s'est caractérisée par la façon de mourir de l'individu ou de son comportement de son vivant.

    Cette étude montre qu'une tombe considérée comme anormale ici dans cet environnement du IIe siècle de notre ère apporte un lot de questions important. D'une part, elle interroge sur ce que l'on considère dans ce contexte comme une sépulture ou une crémation anormale, ensuite, elle interroge sur la notion de magie ou de protection en contexte archéologique. Est-ce que cette pratique ne serait pas normée pour certains groupes d'individus ? Sans autres cas pour comparer, les hypothèses restent encore en suspens puisqu'elles sont avancées en comparant la littérature et le matériel archéologique. La thématique de la magie antique ayant été longtemps taboue dans les cadres de recherche tant l'interprétation peut être influencée par des éléments contemporains du chercheur.

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