Le continent africain n’a pas connu de véritable colonisation européenne avant les années 1850 : les Portugais installent des comptoirs de commerce le long de ses côtes ouest et est, entre 1440 et 1498 ; du XVIe au XVIIIe siècle, l’Afrique intègre les circuits coloniaux mondiaux avec la traite des esclaves mais ce territoire immense reste inconnu des Européens, malgré de très nombreuses tentatives de cartographie.  


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    Dès l'Antiquité gréco-romaine, on voit apparaître chez Eratosthène et Pline, la description d'un vaste continent limité au nord par la Méditerranée et à l'est par la mer Rougemer Rouge. On émet l'hypothèse d'une jonction des mers occidentale et orientale à son extrémité sud. Le terme  « Africa » est réservé à la partie nord de l’Afrique, les territoires sub-sahariens sont nommés « Aethiopia ». La province romaine d'Afrique s'étend sur les côtes de Libye, Tunisie et Algérie actuelles. Au IIe siècle de notre ère, Ptolémée fixe un modèle qui va dominer la géographie occidentale et arabe pendant tout le Moyen Âge : l'Afrique s'étend bien au-delà du Sahara et le sud du désertdésert est bordé par un océan ; le continent se prolonge plus vers l'est que vers le sud. À l'intérieur des terres, sont mentionnées la Lybie au nord et l'Éthiopie au sud ; figure également le tracé du Nil.

    Représentation du monde, carte datée de 1482, d'après le traité « <em>Geographia</em> » ou « <em>Cosmographia</em> » de Ptolémée rédigé vers 150. On aperçoit le continent africain à gauche du planisphère en brun clair. © Wikimedia Commons, domaine public
    Représentation du monde, carte datée de 1482, d'après le traité « Geographia » ou « Cosmographia » de Ptolémée rédigé vers 150. On aperçoit le continent africain à gauche du planisphère en brun clair. © Wikimedia Commons, domaine public

    Jusqu'au IVe siècle, des expéditions romaines ont lieu en Afrique sub-saharienne, en direction du lac Tchad et de l'Afrique de l'ouest (peut-être jusqu'au fleuve Sénégal). Ces expéditions sont menées par des groupes de militaires et de marchands dont la principale motivation est de sécuriser la route de l'or et des épices. Des objets romains ont été trouvés dans le Sahara, le long des routes caravanières occidentales : céramiquescéramiques, verreries, bijoux et monnaies datant du IIe au IVe siècle.

    Incursions chinoises en Afrique

    Plus d'un siècle avant le passage du Cap de Bonne-Espérance par Bartolomeu Dias en 1488, ce sont les navigateursnavigateurs chinois qui abordent les premiers les côtes de l'Afrique australe. La plus ancienne représentation cartographique connue de l'Afrique est le Da Ming Hun Yi Tu, « carte du grand empire Ming », gigantesque planisphère daté de 1389. Un navigateur chinois Zheng He nommé amiral des mers de l'Ouest par l'empereur, organise la première expédition impériale en 1405, avec plus de 300 vaisseaux et 30.000 hommes. La flotte sillonne les côtes de l'Asie (Vietnam, Indonésie, Sri Lanka, Inde, Yémen) et parvient jusqu'en Somalie et au Kenya. Les Chinois ont laissé très peu de témoignages de leur passage en Afrique : des poteries du XIIIe siècle et des inscriptions en caractères chinois ont été retrouvées en Afrique du Sud.

    Carte du monde dessinée en Corée en 1402, s'inspirant du « <em>Da Ming Hun Yi Tu</em> » chinois de 1389. On aperçoit l'Afrique complètement à gauche (sous l'Europe), la Chine au milieu de la carte et le Japon à droite. © Wikimedia Commons, domaine public
    Carte du monde dessinée en Corée en 1402, s'inspirant du « Da Ming Hun Yi Tu » chinois de 1389. On aperçoit l'Afrique complètement à gauche (sous l'Europe), la Chine au milieu de la carte et le Japon à droite. © Wikimedia Commons, domaine public

    La vision médiévale de l'Afrique

    Le continent africain apparaît entièrement dans des cosmographies arabes et sur des mappemondes européennes du Moyen Âge. En fait, il s'agit de formes abstraites dont le tracé s'inspire de textes antiques et de récits de voyageurs. Les images que possèdent alors Européens et Arabes de l'Afrique demeurent très floues jusqu'au XVe siècle, par manque de connaissances géographiques du continent. Au Moyen Âge, ce qu'on appelle « Afrique » tient une importance plus grande dans l'imaginaire européen que dans la pensée arabe ; dans la culture latine, on pense le monde en trois parties : l'Europe, l'Asie et l'Afrique. En Orient, on divise le monde en climatsclimats donc l'Afrique n'est pas représentée comme un continent à part entière. Elle est séparée en deux, avec une prédominance donnée au nord et une tendance à étendre la côte est-africaine vers l’Inde.

    Carte de l'Afrique inspirée de Ptolémée, par Sebastian Münster en 1554. © Wikimedia Commons, domaine public
    Carte de l'Afrique inspirée de Ptolémée, par Sebastian Münster en 1554. © Wikimedia Commons, domaine public

    En dépit de son importance symbolique, l'Afrique est encore tronquée sur les cartes européennes : au XVe siècle, l'évolution scientifique qui précède les expéditions, métamorphosemétamorphose les représentations du monde. La géographie de PtoléméePtolémée a permis de faire avancer la thèse d'une réunion des océans Atlantique et Indien au sud de l'Afrique. En 1459, l'Italien Fra Mauro inspiré par les textes de voyageurs, donne un nouveau visage au monde tel qu'on le dessine à l'époque : l’océan Indien sert de limite à l'Afrique, à l'est et au sud.

    Mappemonde de Fra Mauro en 1459 ; inversée par rapport à l'originale qui place le sud en haut de la carte. Bibliothèque nationale San Marco, Venise. © Wikimedia Commons, domaine public
    Mappemonde de Fra Mauro en 1459 ; inversée par rapport à l'originale qui place le sud en haut de la carte. Bibliothèque nationale San Marco, Venise. © Wikimedia Commons, domaine public

    La navigation portugaise le long des côtes ouest de l'Afrique à partir du XVe siècle, se traduit par un renouveau de la cartographie de ces régions : des cartes marines sur parchemin ou portulans, sont de plus en plus précises sur le tracé des côtes mais restent encore influencées par Ptolémée. Les Portugais s'installent sur la côte de Guinée au XVe siècle puis franchissent le cap de Bonne-Espérance et remontent vers la côte est avant 1498 (arrivée de Vasco de Gama à Goa en Inde).

    Cartographie hypothétique d'un continent inconnu

    La production portugaise du XVIe siècle sert de base aux représentations de l'Afrique jusqu'à la fin du XVIIe siècle. En parallèle, les cartographes de Venise enrichissent leurs publications d'informations sur l'Afrique intérieure : noms de peuples, toponymes... Vers 1600, les géographes parviennent à un accord global sur le tracé des côtes africaines mais l'immense territoire reste largement inconnu.

    Les nouvelles explorations menées par les Européens en Afrique au XVIIe siècle sont très rares et la production cartographique, dominée par les géographes hollandais, évolue peu. La famille Blaeu réalise des cartes de l'Afrique centrale et australe : celle dessinée par Willem Blaeu en 1638, la « Nova descriptio Africae », est abondamment copiée.

    Carte de l'Afrique dessinée par Willem Blaeu, édition colorisée de 1644. Exemplaire de 1638 à la Bibliothèque nationale de France. © Wikimedia Commons, domaine public
    Carte de l'Afrique dessinée par Willem Blaeu, édition colorisée de 1644. Exemplaire de 1638 à la Bibliothèque nationale de France. © Wikimedia Commons, domaine public

    Au XVIIIe siècle, l'esprit scientifique des Lumières incite les cartographes à retirer les données hypothétiques, ce qui fait réapparaître de vastes zones blanches au cœur de l'Afrique. En 1749, Jean-Baptiste Bourguignon d'Anville publie une carte du continent africain au tracé épuré, œuvre qui fera référence pendant près d'un siècle.

    Carte de l'Afrique réalisée par Jean-Baptiste Bourguignon d'Anville en 1749. Bibliothèque nationale de France. © gallica.bnf.fr, BnF
    Carte de l'Afrique réalisée par Jean-Baptiste Bourguignon d'Anville en 1749. Bibliothèque nationale de France. © gallica.bnf.fr, BnF

    Les visées impérialistes des puissances européennes au XIXe siècle vont multiplier les explorations vers les terres intérieures de l'Afrique. L'expédition de Bonaparte dès 1798, permet aux Français de cartographier l’Egypte et le Levant (Proche-Orient). La question des sources du Nil intriguent les géographes depuis l'Antiquité et va pousser de nombreux voyageurs à explorer le continent africain : David Livingstone, Henry Stanley...  Soutenus par les sociétés savantes européennes, ces explorateurs accélèrent la connaissance de l'Afrique intérieure. L'expédition de Stanley en 1874-1877 résout la plupart des questions cartographiques sur le Haut-Nil et le Congo. 

    « <em>Carte générale de l'Afrique d'après les dernières découvertes</em> », dessinée par Georges Andriveau Goujon en 1880. Bibliothèque de l'université de Princeton, département des cartes. © Wikimedia Commons, domaine public
    « Carte générale de l'Afrique d'après les dernières découvertes », dessinée par Georges Andriveau Goujon en 1880. Bibliothèque de l'université de Princeton, département des cartes. © Wikimedia Commons, domaine public

    La remise à plat des cartes européennes de l'Afrique culmine avec la conférence de Berlin de 1884 et son découpage des frontières africaines, c'est la victoire de l'impérialisme européen : l'Afrique doit être explorée pour être occupée. La géographie de la fin du XIXe siècle s'en ressent : l'intérêt se porteporte vers les questions de frontières et d'exploitation des territoires. La fabrication des cartes entre dans le domaine des états : c'est le bureau de cartographie de l'armée française qui publie la première carte générale détaillée du continent africain en 1888.

    À noter

    Les Africains se sont représenté leur territoire et ses limites mais les cartes ont été tracées sur des supports non pérennes ; ces représentations africaines de l'espace ont existé sous une forme dont on n'a plus de trace aujourd'hui.