Plus connu par ses filiales Airbus, Astrium (constructeur de la fusée Ariane) ou Eurocopter (premier fabricant mondial d'hélicoptères civils), EADS (European Aeronautic Defence and Space Company) a aussi beaucoup d'imagination. Au Salon du Bourget, les professionnels ont pu admirer une superbe maquette d'un engin très hypothétique : le Zero Emission High Supersonic Transport, Zehst donc. L'appareil devra être capable de monter très haut, jusque dans la stratosphère, de voler vite - jusqu'à Mach 4 - et brûlera surtout des biocarburants.
Il s'agit en fait d'une étude de faisabilité financée par la DGAC française, c'est-à-dire la Direction générale de l'aviation civile, pour un avion de transport qui répondrait à la feuille de route du rapport Flightpath 2050 de la Commission européenne, lequel propose des préconisations pour les activités aériennes des prochaines décennies. Par rapport à l'an 2000, les émissions de dioxyde de carbone (CO2) devraient être réduites de 75 %, celles des émissions d'oxydes nitriques (NOx) devraient chuter de 90 % et les nuisances sonores diminueraient de 65 %. EADS parie sur un démonstrateur « avant la fin de la décennie ».
Techniquement, le projet Zehst est d'une très grande complexité, contraignant à remettre en cause à peu près toutes les habitudes des ingénieurs de l'aéronautique. Un tel appareil utiliserait successivement trois modes de propulsion. Au décollage et à l'atterrissage, l'avion (qui utiliserait les pistes existantes) ferait appel à des turboréacteurs classiques, si ce n'est qu'ils brûleraient des biocarburants. La question de leur source et de l'impact de leur production fait partie de l'étude. Après le décollage, l'avion monterait jusqu'à 5.000 mètres.
Un peu de fusée Ariane dans un avion
À cette altitude, des fusées prendraient le relais. EADS explique qu'il s'agirait d'abord de deux propulseurs à ergols liquides (oxygène et hydrogène). Puis un moteur inspiré de celui d'Ariane serait allumé. Cette puissance de feu fera grimper le Zehst jusqu'à la stratosphère tout en lui faisant franchir le mur du son, avec une vitesse atteignant Mach 2,5 (un peu plus que la vitesse de croisière du Concorde qui, lui, ne l'atteignait qu'en vol horizontal).
À 23 kilomètres d'altitude (les avions de ligne actuels se contentent de voyager à 10.000 mètres), ces réacteurs seraient éteints pour laisser travailler le troisième mode de propulsion, en l'occurrence deux statoréacteurs, des réacteurs qui ne fonctionnent qu'à haute vitesse. L'avion serait alors poussé jusqu'à Mach 4 (soit, à cette altitude, un peu plus de 4.000 km/h) et stabiliserait sa croisière à 32 kilomètres, une vitesse et une altitude qui optimiseraient la consommation pour cet avion selon EADS.
Parvenu à faible distance de sa destination, ces moteurs... seraient coupés et le Zehst descendrait gentiment en vol plané. Une première dans l'aviation de transport, pannes moteurs mises à part. La trajectoire serait gérée de manière à réduire progressivement la vitesse. À 10.000 mètres, l'avion redevenu subsonique, les turboréacteurs classiques seraient remis en route et l'appareil finirait son voyage à la manière d'un avion normal. Une telle navigation mettrait Tokyo à 2 heures 30 de Paris.
Quelles difficultés faut-il prévoir ? Est-ce faisable ? Quel serait le coût ? Quel impact environnemental faut-il prévoir ? Tout cela est inconnu et fait justement l'objet de ce projet.