Durant la prochaine décennie, le trafic aérien va fortement augmenter. La gestion des vols au départ et à l'arrivée va — encore — se complexifier. Pour réduire la charge de travail des services de contrôle et des équipages, les échanges d'informations entre le sol et l'avion deviennent de plus en plus denses, imposant les « cockpits connectés ». De l'écran tactile aux HUD, les technologies les plus récentes d'interface commencent à s'adapter à l'aéronautique. C'était le thème d'une conférence entre spécialistes organisée à l'école d'ingénieurs Ipsa.


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    À quoi ressemblera le cockpit des avions du futur ? À nos tablettes et nos smartphones, expliquent les spécialistes de Thales Avionics et de Rockwell Collins. Lors d'une conférence à l'Ipsa, école d'ingénieurs en aéronautique et spatial, sur le thème des « cockpits connectés », ces spécialistes ont présenté les dernières avancées technologiques devant ces étudiants qui les mettront en œuvre ou les utiliseront dans quelques années. Le premier horizon, c'est 2020, expliquent-ils. Pour Thales, ce sera l'aboutissement du programme Avionics 2020, engagé en 2013, et qui aboutit à redéfinir assez puissamment l'interface homme-machine dans le cockpit.

    Dans les projets en train de se finaliser, l'écran tactileécran tactile est roi. « L'idée est d'amener les technologies qui sont aujourd'hui banales dans les smartphones et les tablettes », résume Guillaume Lapeyronnie, responsable marketing pour les cockpits chez Thales Avionics. Arrivent donc des écrans tactiles et de multiples fonctions permises par une connexion au réseau informatiqueréseau informatique de l'avion, voire à InternetInternet. Elles ne sont pas un gadget, loin de là, tant est grande la masse d'informations que doit gérer l'équipage. Elles ne sont pas complètement nouvelles non plus.


    La présentation au Bourget, en 2013, du programme Avionics 2020, de Thales Avionics. Interaction tactile avec les systèmes de bord, cartographie en vol et au sol. © Thales Avionics, YouTube

    Il faut du temps pour faire entrer de nouvelles technologies dans les cockpits

    Depuis longtemps, les capteurscapteurs et l'ordinateurordinateur aident les pilotes. « Avant l'électronique, il fallait gérer chaque paramètre de l'avion, raconte Vincent Gilles, commandant de bord sur Boeing 777. L'ordinateur et les écrans donnent une vision synthétique de l'état des systèmes et modifient les informations affichées selon la situation. Cela permet de se concentrer sur les aspects primordiaux du pilotage. » Après les joysticksjoysticks et les trackballs apparus dans les cockpits depuis une vingtaine d'années, et même la disparition du manche à balai chez Airbus, et avant les HUD (Head-Up Displays), les écrans tactiles s'apprêtent à envahir les cockpits, parce que leur ergonomie est intuitive et parce que la jeune génération qui arrive aux commandes ne connaît que celle-là.

    Les étudiants s'étonnent, d'ailleurs, de la lenteur de cette conversion. Ces technologies sont anciennes et omniprésentes. Alors, pourquoi ne pas les installer directement dans les cockpits ? D'ailleurs, les ULM et les automobilesautomobiles les utilisent depuis longtemps, de même que l'aéronautique militaire. Pour comprendre ce délai, il faut connaître les arcanes de la certificationcertification, grande spécialité du monde aéronautique civil, comme l'expose Philippe Lievin, directeur de la mercatique chez Rockwell Collins. En gros, tout objet destiné à être intégré à un avion de ligne, qu'il soit une pompe à carburant ou une cafetière, doit auparavant être testé et répondre à une série de normes. Ainsi, un iPadiPad ne peut pas être installé dans un cockpit parce que personne n'a vérifié sa tenue au feu ni la manière dont il casse lors d'un choc ou encore les effets de ses émissions radioélectriques sur l'électronique alentour. Les pilotes eux-mêmes ont leur mot à dire. Par exemple, comme le rappelait Vincent Gilles, en cas de turbulences violentes, l'écran tactile devient passablement malcommode.

    Un tableau de bord de nouvelle génération (baptisé Pro Line Fusion, de Rockwell Collins). On remarque la concentration des informations sur les écrans, la cartographie (à droite) et la superposition de la représentation du paysage (à gauche). L’appareil est un Beechcraft, l’aviation d’affaires intégrant plus rapidement les innovations que les avions de ligne. © Rockwell Collins
    Un tableau de bord de nouvelle génération (baptisé Pro Line Fusion, de Rockwell Collins). On remarque la concentration des informations sur les écrans, la cartographie (à droite) et la superposition de la représentation du paysage (à gauche). L’appareil est un Beechcraft, l’aviation d’affaires intégrant plus rapidement les innovations que les avions de ligne. © Rockwell Collins

    Internet dans le cockpit : une réalité, mais beaucoup de contraintes

    La connectivité est l'autre grand chapitre de l'histoire des cockpits à venir. L'informatique de bord est déjà en réseau et l'avion communique avec l'extérieur, avec les organismes de contrôle du trafic (c'est l'ATC,  Air Traffic Control) et avec la compagnie ou le constructeur (AOC, Airspace/Airline Operation Control). Aujourd'hui, la demande de connexion se fait plus forte, pour que les équipages puissent recueillir des informations sur la météométéo en temps réel ou presque, ou bien sur l'état du trafic. Au sol, comme le rappelaient les conférenciers, et contrairement à ce que l'on peut croire, le roulage dans l'écheveau des « taxiways », qui relient les pistes à l'aérogare, n'est pas simple et les pilotes ne disposent pas encore du guidage GPSGPS.

    Dans un proche avenir, des liaisons Internet supplémentaires apparaîtront, explique-t-on. Des connexions 4G4G pourront s'ouvrir automatiquement quand l'avion roulera au sol, par exemple, et, en vol, les flux de données, via les satellites notamment, seront plus denses. Mais les contraintes de sécurité doivent alors être suivies de près, pour que les données transmises ne puissent être corrompues et il faut un isolement efficace du système gérant les parties vitales de l'avion. Conclusion : c'est d'ingénieurs doués en mathématiques et en informatique théorique qu'auront besoin demain les constructeurs d'avions et les fabricants d'équipements, pour gérer les masses de données du Big dataBig data.

    Par ailleurs, l'un des étudiants Ipsa a posé la bonne question de la pérennité des données et des systèmes. Alors que des DC3 volent encore, la 5G5G s'apprête à remplacer la 4G. Qu'adviendra-t-il de l'électronique de ces avions dans 20, 30 ou 40 ans ? Voilà un domaine de plus que devront gérer les ingénieurs du futur...