Le Cnes, qui prépare les lanceurs du futur, l’après Ariane 6 en quelque sorte, ne veut pas faire l’impasse sur le réutilisable si finalement cette technologie était la bonne voie. Pour cela, le Cnes développe, avec les agences spatiales allemande et japonaise, Callisto, un démonstrateur de premier étage réutilisable dont le vol est prévu en 2020. Jean-Marc Astorg, le directeur des lanceurs au Cnes, nous explique ce programme.

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    Si on peut s'étonner que les premières versions d'Ariane 6Ariane 6 ne seront pas réutilisables, il faut garder à l'esprit que la réutilisation d'un étage ou d'un lanceur n'est pas une fin en soi. L'objectif d'ArianeGroup a une seule finalité : conserver une indépendance d'accès à l'espace pour nos propres besoins, stratégiques et commerciaux, avec une réduction du coût du kilogramme en orbite de plus ou moins 50 % par rapport à Ariane 5Ariane 5. Or, l'intérêt économique d'un élément partiellement réutilisable est moins évident qu'il y paraît.

    Cela dit, le Cnes qui prépare les lanceurs du futur surveille la course au lanceur de moins en moins cher et de plus en plus réutilisable qui se joue un peu partout dans le monde. À ce jour, si seul le Falcon 9 de SpaceXSpaceX est partiellement réutilisable, demain le New Glenn de Blue Origin le sera, voire le Vulcan si United Launch Alliance parvient à le financer. 

    Dans ce contexte, le Cnes doit chercher à réduire les coûts de l'accès à l'espace. « Nous ne pouvons pas faire l'impasse en Europe sur la réutilisation, même si aujourd'hui aucun de nos lanceurs en service ou ceux en développement le sont  », nous explique Jean-Marc Astorg, directeur des lanceurs au Cnes. Ajoutons que le Cnes a pour objectif à l'échéance 2030 de diviser de nouveau par deux les coûts de l'accès à l'espace, et ceci alors même que « nous sommes engagés aujourd'hui dans le développement d'Ariane 6 qui permettra de diviser les coûts par deux dès 2020 ». Pour cela, « nous avons deux axes principaux : une nouvelle propulsion oxygène liquideliquide-méthane et la réutilisation ». Ces deux axes de travail se concrétisent par deux démonstrateursdémonstrateurs : PrometheusPrometheus et CallistoCallisto. Prometheus est un nouveau moteur européen dix fois moins cher que le Vulcain et potentiellement réutilisable. Il sera testé en Allemagne en 2020, Callisto, lui, est un démonstrateur de premier étage réutilisable, réalisé en coopération entre le Cnes, le DLRDLR (agence allemande) et la Jaxa (agence japonaise) qui volera au Centre spatial guyanaisCentre spatial guyanais en 2020.

    Après Callisto, Themis

    Le Cnes a tracé une feuille de route dont l'objectif est de disposer des premières briques technologiques nécessaires à la réutilisation afin de préparer les évolutions futures d'Ariane. Il s'est associé au DLR allemand et à l'agence spatiale japonaiseagence spatiale japonaise pour développer le « petit démonstrateur de lanceurdémonstrateur de lanceur réutilisable Callisto qui devrait voler en 2020 », puis Themis qui sera aussi un démonstrateur d'étage réutilisable, mais « beaucoup plus proche d'un étage opérationnel que l'est Callisto ». Prévu en 2025 et 10 fois plus lourd que Callisto, Themis utilisera le moteur Prometheus « dans une configuration à un, voire trois moteurs ». Idéalement, il pourrait être une « première brique technologique pour préparer les évolutions d'Ariane 6 », voire l'étage principal du lanceur Ariane Next à l'horizon 2030.

    Callisto est un étage haut de 13 mètres avec un diamètre de 1,1 mètre et une massemasse au lancement de seulement 3,6 tonnes, à comparer aux quelque 700 tonnes d'Ariane 5. Il sera a priori assemblé au Japon à partir d'éléments fournis par les trois partenaires du programme. Ainsi, le train d'atterrissage, constitué de trois pieds, sera allemand, de même que les gouvernes. Quant aux réservoirs, celui à hydrogènehydrogène sera fourni par la France et l'Allemagne, le Japon fournira le réservoir d'oxygène ainsi que moteur cryogénique.

    L'essai en vol de Callisto est prévu en 2020 depuis le Centre spatial guyanais. Il vise à tester la récupération et le revol d'un premier étage de lanceur et les « conditions dans lesquelles un étage principal de lanceur doit évoluer ». Il atteindra donc un nombre de Machnombre de Mach suffisant (6) pour que les phénomènes/conditions observés soient les mêmes que sur un étage opérationnel. Pour cela, Callisto va décoller et voler jusqu'à 35 kilomètres d'altitude avant de revenir se poser à une centaine de mètres de son point de départ. Son vol respectera le « profil de lancement d'un lanceur, c'est-à-dire que sa trajectoire sera inclinée sur l'horizon avec un déport latéral ». Enfin, Callisto sera « très instrumenté pour nous renseigner sur les phénomènes physiquesphysiques, les flux aérodynamiques et les efforts structuraux de la rentrée et de l'atterrissage ».

    Un étage principal du Falcon 9 de retour de mission, après avoir lancer un satellite. © SpaceX

    Un étage principal du Falcon 9 de retour de mission, après avoir lancer un satellite. © SpaceX

    Callisto retournera se poser comme le Falcon 9

    Des trois modes connus pour retourner se poser, le « Cnes et ses partenaires ont choisi le mode Toss-Back ». C'est ce mode qu'utilise SpaceX pour récupérer l'étage principal du Falcon 9. Cette manœuvre consiste à réaliser un demi-tour, une marche arrière et un rallumage du moteur, « ce qui nous apprendra à rallumer un moteur en vol dans des conditions spécifiques pour assurer le retour du premier étage ». Dans cette configuration, l'étage utilise la propulsion fuséefusée pour fournir les impulsions permettant le retour au sol, le freinage en phase atmosphérique et l'atterrissage à la verticale. Cela dit, par rapport à SpaceX, « Callisto utilisera un moteur cryogénique alors que le Falcon 9 fonctionne au kérosènekérosène ». La différence est importante « car nous pensons que pour les lanceurs du futur le méthane et l'hydrogène ont un potentiel de réutilisation bien plus grand que le kérosène dont la suiesuie encrasse les moteurs par exemple ».

    Que ce soit en France, en Allemagne ou au Japon, jamais un « démonstrateur aussi complet a été réalisé et testé en vol ». Bien que sa constructionconstruction ne soit pas très difficile, il y a tout de même deux sujets critiques : le « bilan masse et la sauvegardesauvegarde en vol ». La masse du lanceur est « un souci de chaque instant », car tout kilogramme ajouté à Callisto « joue sur la performance de l'étage et donc de la mission ». Concernant la sécurité en vol, il faut savoir que c'est la « première fois que sera testé au Centre spatial guyanais un retour d'étage ». Il est donc nécessaire d'adapter « nos règles de sécurité à la mission de Callisto, voire d'en édicter de nouvelles » afin d'éviter tous risques pour les installations de la base et les habitants de cette partie de la Guyane.