L'utilisation non conforme de certains médicaments, approuvés pour le traitement du diabète de type 2 mais devenus populaires pour perdre du poids, peut entraîner de rares mais graves effets indésirables. Une étude démontre le lien entre médicaments amaigrissants et risques de problèmes gastro-intestinaux tels que la paralysie de l'estomac, la pancréatite et l'occlusion intestinale.
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Des médicaments devenus très populaires pour perdre du poids, comme Ozempic, augmentent le risque de problèmes gastrogastro-intestinaux, ont alerté des chercheurs dans une étude publiée jeudi dans la revue Jama. Ces effets secondaires restent rares, et doivent être comparés aux problèmes de santé liés à l'obésité qui peuvent être évités grâce à une perte de poids. Mais les experts soulignent que ces résultats montrent la nécessité de prescrire ces médicaments à des patients qui en tirent un réel bénéfice, informés des risques, et suivis par des professionnels de santé.
« Avec des millions de personnes prenant ces médicaments dans le monde, cela pourrait conduire des centaines de milliers de personnes à souffrir de ces problèmes », a souligné un communiqué l'Université de la Colombie-Britannique (Canada), dont les chercheurs ont réalisé l'étude. Les chercheurs se sont penchés sur la moléculemolécule semaglutide, utilisée dans les médicaments à succès Ozempic et Wegovy, ainsi que la liraglutide, du médicament Saxenda. Tous sont produits par le laboratoire Novo Nordisk.
Ces nouveaux traitements par injection, devenus populaires car plus efficaces pour perdre du poids que ceux d'ancienne génération, imitent une hormone gastro-intestinale (GLP-1) qui joue un rôle dans la régulation de l'appétit. Les chercheurs ont inclus dans leur analyse environ 5 400 patients obèses sans diabète, et ont comparé ceux prenant semaglutide ou liraglutide, avec ceux prenant un autre traitement contre l'obésité (non GLP-1).
Les effets indésirables de l'usage détourné d'un médicament
Selon leurs résultats, les patients traités avec semaglutide ou liraglutide avaient environ 9 fois plus de risque de développer une pancréatite (inflammation du pancréas), et plus de 4 fois plus de risque de développer une occlusion intestinale. Pour la gastroparésie, trouble digestif limitant le passage de la nourriture et pouvant entraîner nausée, vomissements et douleurs, le risque était plus de 3 fois plus élevé.
Ces médicaments « devraient être utilisés avec précaution, et seulement chez les patients avec le plus haut risque de problèmes de santé ou de complications liés à l'obésité », a commenté la professeure en médecine pharmaceutique Penny Ward, non impliquée dans l'étude.
« Il est vital que les réglementations soient renforcées pour s'assurer que ces médicaments ne soient prescrits que dans les bonnes circonstances », a de son côté estimé le Dr. Simon Cork, de l'université Anglia Ruskin, jugeant les données de l'étude « fiables ».
Aux États-Unis, Ozempic n'est approuvé que contre le diabètediabète, mais après avoir fait fureur sur les réseaux sociaux, il est aussi largement utilisé hors des recommandations, pour ses propriétés amaigrissantes. Saxenda et Wegovy sont eux approuvés par les autorités sanitaires américaines pour la perte de poids, depuis 2020 et 2021 respectivement. Mais les essais cliniquesessais cliniques réalisés pour leur autorisation étaient trop petits et brefs pour détecter ces risques gastro-intestinaux, selon les chercheurs de l'Université de la Colombie-Britannique, qui arguent qu'il s'agit de la première étude d'ampleur sur le sujet.
La dangereuse tendance de l'Ozempic, un médicament détourné de son utilisation pour perdre du poids
Sur TikTokTikTok, un hashtag fait fureur depuis quelques mois : #Ozempic. Que se cache-t-il derrière ce nom et pourquoi ce médicament est-il détourné pour perdre du poids ?
Article de Julie KernJulie Kern, publié le 3 février 2023
Une tendance inquiétante s'empare des réseaux sociauxréseaux sociaux depuis la fin de l'année 2022 : l'utilisation d'un antidiabétiqueantidiabétique pour perdre du poids. Le phénomène touche essentiellement des jeunes femmes qui n'ont pas de problème réel poids mais qui veulent tout de même en perdre pour entrer dans les canons de beauté actuels. L'antidiabétique en question s'appelle l'Ozempic. Comment fonctionne-t-il et pourquoi est-il utilisé comme solution minceur ?
Un traitement contre le diabète de type 2…
L'Ozempic est l'un des noms commerciaux du sémaglutide, une molécule découverte par Novo Nordisk, la société pharmaceutique qui vend aussi l'Ozempic. Il est autorisé pour le traitement du diabète de type 2. La première occurrence de l'Ozempic (ou celle du sémaglutide) dans la littérature scientifique date d'il y a dix ans à peu près. Ce traitement est efficace pour traiter l'hyperglycémie chronique chez les patients pour lesquels la perte de poids et les adaptations du mode de vie ne sont plus suffisants pour réguler la glycémieglycémie.
Le sémaglutide se fixe sur les récepteurs du glucagonglucagon (GLP-1), une hormone hyperglycémiante synthétisée par le pancréas qui a des effets antagonistes à ceux de l'insulineinsuline ; l'insuline diminue la glycémie, le glucagon l'augmente. Ces deux hormones agissent en synergiesynergie dans l'organisme pour maintenir la glycémie dans les valeurs normales (entre 0,70 et 1,1 gramme par litre à jeun). En France, l'Ozempic est disponible sous ordonnance sous la forme d'un stylo contenant plusieurs doses injectables. Les patients sous traitement s'injectent l'Ozempic une fois par semaine (toujours le même jour) à travers la peau du bras, des cuisses ou de l'abdomenabdomen.
S'il régule la glycémie chez les personnes atteintes du diabète de type 2 (il est inefficace pour le diabète de type 1), cela ne va pas sans certains effets secondaires, dont des nausées et des vomissements chez plus d'un patient sur dix ; il réduit aussi l'appétit, provoque des constipationsconstipations. En clair, il détraque le système digestif. Outre son utilisation antidiabétique, l'Ozempic a montré des effets minceurs impressionnants chez les obèses.
... utilisé comme médicament minceur
Dans un essai clinique mené par le NHS et financé par Novo Nordisk en 2021, 2 000 personnes obèses venant de 16 pays différents ont pris de l'Ozempic (dosé à 2,4 mg) une fois par semaine pendant 68 semaines pour tester son potentiel minceur.
Les résultats montrent une « avancée majeure dans l'amélioration de la santé des patients obèses » selon le professeur Rachel Batterham, l'une des scientifiques ayant mis en place l'essai clinique. En effet, 75 % des patients traités avec l'Ozempic ont perdu plus de 10 % de leur poids de corps, jusqu'à 20 % pour un tiers d'entre eux. Aucun médicament n'avait montré des résultats si impressionnants auparavant.
Le participant moyen à cette étude a perdu environ 15,3 kgkg, mais des pertes de poids plus importantes ont été observées : une participante a perdu 22,6 kg soit 22 % de son poids pendant l'essai clinique. Mais Jan raconte aussi que « maintenant qu'[elle] ne prend plus le médicament, [s]on poids est malheureusement retourné à ce qu'il était avant. [Elle] ne faisait aucun effort pour perdre du poids pendant l'essai clinique mais désormais, cela ressemble à nouveau à une bataille constante avec la nourriture ».
Malgré l'effet yoyo, les scientifiques du NHS ont de bons espoirs de voir l'Ozempic être approuvé comme traitement contre l'obésité dans le futur. En attendant, toute utilisation ou prescription de celui-ci hors du traitement du diabète de type 2 constitue un mésusage médicamenteux potentiellement dangereux pour la santé.
Un phénomène TikTok inquiétant
Cela n'a pas empêché les dérives. Sur TikTok, des vidéos postées par des jeunes femmes qui ne sont pas obèses vantent les mérites de cet antidiabétique sur leur poids et montrent comment l'utiliser. Le hashtag #Ozempic compte plus de 470 millions de vues sur le réseau social où la moitié des utilisateurs sont des femmes âgées de 13 à 24 ans.
L'engouement est tel que Novo Nordik a communiqué début janvier sur la diminution des stocks d'Ozempic face à la demande importante au point que certains diabétiquesdiabétiques n'ont pas pu avoir accès à leur traitement. En France, il est difficile de mesurer l'ampleur de ce phénomène, mais le mésusage des médicaments expose à des risques de santé sérieux.