Selon une étude menée sur plus de 3.000 hommes, les formes agressives du cancer de la prostate pourraient être favorisées par une concentration sanguine élevée d’oméga-3. Ces conclusions surprenantes ne remettent toutefois pas en question l’intérêt de la consommation de poisson, source d'oméga-3.

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    Riche en oméga-3, le saumon pourra rester dans nos assiettes. © Pescador, Flickr, CC by-nc-sa 2.0

    Riche en oméga-3, le saumon pourra rester dans nos assiettes. © Pescador, Flickr, CC by-nc-sa 2.0

    La publicité favorable aux oméga-3 serait-elle sur le point de changer ? Des scientifiques du Fred Hutchinson Cancer Research Center à Seattle ont en effet montré que ces moléculesmolécules, pourtant connues pour leur action bénéfique sur la santé cardiovasculaire, seraient nettement moins appréciables pour la prostate !

    Pour parvenir à ces conclusions inattendues, publiées dans la revue American Journal of Epidemiology, la santé prostatique de plus de 3.400 hommes a été étudiée simultanément avec leur concentration sanguine en différents acides gras, réputés bons (oméga-3) ou moins bons (oméga-6 et acides gras trans). Ces hommes, âgés de 55 à 84 ans, ont été suivis pendant sept ans (entre 1994 et 2003), la moitié d'entre eux (1.658) étant atteints par un cancer de la prostate, l'autre moitié (1.803) constituant le groupe contrôle. 

    Le monde à l’envers ?

    Au sein de cette longue étude, aucun acide gras n'a pu être directement lié à une augmentation des risques de développer une forme peu agressive de cancer de la prostate. En revanche, et de façon plutôt surprenante, les hommes qui possédaient les taux les plus élevés d'acide docosahexaénoïque (ou DHADHA) avaient deux fois et demie plus de risques de développer une forme très agressive de cancer de la prostate. Surprise supplémentaire, une forte concentration d'acides gras trans, dont la réputation n'est pas la meilleure, semble à l'inverse protéger contre ces formes agressives de cancer (réduction des risques de 50 %) !

    Le DHA appartient pourtant à la célèbre famille lipidique des oméga-3 (car la première des six doubles liaisons carbonecarbone-carbone est positionnée sur le troisième carbone). Non métabolisé par l'organisme, cet acide gras insaturé doit nécessairement être apporté par le biais de l'alimentation. Le DHA est traditionnellement retrouvé en grandes quantités dans les poissons gras et l'huile de poissonpoisson, une des raisons pour lesquelles la consommation de ces aliments est fortement recommandée.

    L’acide docosahexaénoïque (DHA) est un acide gras insaturé dont la chaîne renferme 22 carbones. C'est sur le troisième carbone (en partant du côté opposé au groupement carboxylique, donc ici à droite) qu'est positionnée la première double liaison carbone-carbone, caractéristique propre aux oméga-3. © Timlev37, Wikimedia, domaine public

    L’acide docosahexaénoïque (DHA) est un acide gras insaturé dont la chaîne renferme 22 carbones. C'est sur le troisième carbone (en partant du côté opposé au groupement carboxylique, donc ici à droite) qu'est positionnée la première double liaison carbone-carbone, caractéristique propre aux oméga-3. © Timlev37, Wikimedia, domaine public

    Inefficacité de l’effet anti-inflammatoire

    Les oméga-3 en général, et donc le DHA, permettent de lutter contre les maladies cardiovasculairesmaladies cardiovasculaires, en réduisant les taux de triglycéridestriglycérides et de cholestérolcholestérol. D'autres études avaient également pu mettre en évidence l'action bénéfique de ces molécules contre les maladies neurodégénérativesmaladies neurodégénératives. Mais les oméga-3 possèdent également des actions anti-inflammatoiresanti-inflammatoires, que les scientifiques supposaient suffisamment efficaces pour réduire les inflammationsinflammations liées à des cancers.

    Cette étude montre qu'il n'en est rien. « Nous étions étonnés de voir ces résultats et nous avons passé beaucoup de temps à s'assurer que les analyses étaient correctes », avoue Theodore Brasky, chercheur associé au Hutchinson Center's Cancer Prevention Program et auteur de l'article. Il est d'ailleurs difficile pour l'heure de comprendre le rôle des oméga-3 dans ce processus, qui mérite déjà que les scientifiques s'y intéressent.

    Il faut continuer à manger du poisson

    « Nos résultats commencent à changer ce que l'on sait - ou plutôt ce que l'on croit savoir - sur l'alimentation, l'inflammation et le développement du cancer de la prostate, et mettent en lumièrelumière la complexité de l'étude de l'association entre la nutrition et les risques de maladies chroniques variées », continue-t-il.

    Malgré l'absence de recommandations officielles, les nutritionnistesnutritionnistes conseillent de consommer des oméga-3 par l'alimentation ou à défaut en compléments alimentaires. Suite à cette étude, faut-il commencer à changer nos habitudes alimentaires ? Les auteurs ne vont pas aussi loin : « dans l'ensemble, les effets bénéfiques de la consommation de poisson pour prévenir les maladies cardiaques l'emportent sur le mal lié au risque de cancer de la prostate ».