Un chien a été dressé pour renifler les urines et déterminer celles qui proviennent de patients atteints de cancer de la prostate. L’odeur particulière, indétectable pour l’Homme, serait émise par des molécules volatiles qu’il reste à identifier. Olivier Cussenot, à l’origine de ces travaux, répond aux questions de Futura-Sciences.

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    Olivier Cussenot, urologue/oncologue à l'hôpital Tenon (APHP), est à l'origine d'une découverte qui pourrait modifier les habitudes de dépistage du cancer de la prostate. Associé à l'armée, OlivierOlivier Cussenot a pris le pari de faire former un chienchien à reconnaître des échantillons d'urine provenant de malades du cancer de la prostate, comme certains chiens détecteraient un sac rempli de drogue. Aspirant, le berger malinois en question, a réussi sa mission avec brio. Sur 66 patients, dont 33 malades, Aspirant en a détecté 30, soit 91 % de réussite, selon l'article paru dans la revue European urology. Après Chaser, le chien qui connaît 1.000 mots, Aspirant montre une nouvelle fois que les CanidésCanidés sont particulièrement dignes d'intérêt.

    L'équipe, chien compris, a donc prouvé que les urines renferment un marqueur de ce cancer. Les moléculesmolécules impliquées doivent maintenant être identifiées. Si les recherches aboutissent, le fameux test de la PSA, qui est peu spécifique pour le dépistage du cancer de la prostate, pourrait bien être remplacé par un simple test urinaire.

    Olivier Cussenot, interrogé par Futura-Sciences, revient sur ses recherches.

    Futura-Sciences : Est-ce vous qui avez dressé le chien ?

    Olivier Cussenot : Non ce n'est pas moi, c'est l'armée française. On a proposé cette étude à l'armée française, qui a un service cynophile pour former les chiens dans la détection de différentes choses. Deux maîtres-chiens ont formé ce chien pour cette étude. Ils sélectionnent essentiellement des bergers malinois parce qu'ils ont une expérience avec cette race particulière de chien. Ils sont choisis petits et sont évalués pour déterminer s'ils ont des aptitudes d'apprentissage par le jeu. Les chiens n'apprennent qu'une chose : ils sont parfois formés pour détecter les explosifs, les cadavres ou la drogue.... La formation s'est faite sur deux ans, au cours desquels il a appris la reconnaissance d'échantillons d'urine qui provenaient de patients avec des cancers ou de personnes sans cancer de la prostate.

    Pourquoi chercher un nouveau marqueur du cancer de la prostate ?

    Olivier Cussenot : La PSA (Prostate Specific Antigen) est une protéine, une protéaseprotéase, qui est sécrétée par la prostate et qui sert à liquéfier le spermesperme et dont le taux sanguin s'élève dès qu'il se passe quelque chose au niveau de la prostate. Cela peut être dû à une hypertrophiehypertrophie bénigne, qui est fréquente avec l'âge, à une inflammationinflammation prostatique, à une infection ou aussi au cancer de la prostate. C'est donc un bon marqueur de suivi mais c'est un mauvais marqueur pour le dépistagedépistage. C'est pour cela que le dépistage par la PSA est un peu décrié, mais bien qu'il soit imparfait, il reste aujourd'hui le meilleur élément pour ce dépistage.

    Il y a tout un travail sur la recherche d'autres marqueurs qui eux seraient plus spécifiques du cancer, ce que la PSA n'est pas (il est spécifique des maladies prostatiques en général). Notre but est d'avoir un meilleur indicateur du cancer de la prostate qui pourrait être utilisé en dépistage, c'est-à-dire un test qui soit facile à mettre en œuvre et qui ne soit pas invasifinvasif pour les patients.

    Grâce à ces travaux, des bandelettes urinaires pourraient à terme permettre de détecter facilement et spécifiquement un cancer de la prostate. © Grook Da Oger, Wikimedia, CC by-sa 3.0

    Grâce à ces travaux, des bandelettes urinaires pourraient à terme permettre de détecter facilement et spécifiquement un cancer de la prostate. © Grook Da Oger, Wikimedia, CC by-sa 3.0

    Savez-vous quelle molécule reconnaît le chien dans les urines ?

    Olivier Cussenot : On ne sait toujours pas. En fait, l'intérêt de cette démarche était double. La première étape était de valider le fait qu'il y ait potentiellement des molécules volatiles, odorantes, spécifiques du cancer de la prostate. La recherche sur les marqueurs de cancers étudie l'ADNADN, les ARN messagersARN messagers, les protéines ou les métabolitesmétabolites (qui sont les molécules transformées par des enzymesenzymes éventuellement plus exprimées dans les cancers). Dans ces métabolites, ces molécules peuvent être volatiles et avoir une capacité odorante.

    Parallèlement à cela, à partir du moment où le chien reconnaît à priori ce type de molécules, la seconde étape est d'identifier des métabolites (ce sont des études qui sont en cours) et après de faire des combinaisons (un peu comme un parfum) pour voir s'il reconnaît ces combinaisons comme marqueur du cancer de la prostate. On pourrait alors avoir une méthode d'analyse (neznez électronique ou chromatographie en phase gazeusechromatographie en phase gazeuse) qui permettrait d'avoir un nouveau test pour le dépistage du cancer de la prostate.

    Quelle(s) molécule(s) suspectez-vous ?

    Olivier Cussenot : On suspecte une combinaison de molécules. Dans la biologie du cancer, il y a une hétérogénéité. Quand on fait des études métabolomiques, il y a différents profils de métabolites et il n'y en a jamais un seul qui ressort de façon univoque. D'ailleurs, s'il y avait eu un métabolite majeur, je pense qu'il serait déjà identifié.

    Comment détecterait-on les marqueurs dans les urines ?

    Olivier Cussenot : Comme il est dans les urines, le dépistage pourrait être fait à l'aide d'une bandelette, par simple réaction chimiqueréaction chimique. Mais si c'est vraiment une molécule volatile, il faudrait un système plus complexe et qui serait moins facile à mettre en œuvre (analyse dans un laboratoire).

    Quand peut-on espérer voir ces tests proposés aux patients ?

    Olivier Cussenot : Dans ce genre d'étude, ce sont toujours des horizons de deux à cinq ans, jusqu'à ce qu'il y ait une validation possible pour les patients.