Cheveux qui repoussent, meilleure vision nocturne, cœur en meilleure santé… La médecine régénérative montre de très sérieuses promesses chez des souris. Cela entrouvre la voie à de nouvelles thérapies chez l’Homme, capables de régénérer des tissus ou organes défaillants et de restaurer leurs fonctions. Il faut juste patienter encore un peu…

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    Tout le monde connaît la faculté qu'ont les lézards à faire repousser leur queue. On ignore plus souvent que les tritonstritons peuvent reconstituer leurs membres amputés grâce à leurs cellules souches totipotentes. Plus fort encore : des vers plats, du groupe des plathelminthesplathelminthes, sont même capables de se dévorer en partie en cas de disette et de régénérer toutes les parties manquantes lorsque la nourriture se fait plus abondante.

    La nature offre cependant beaucoup moins de possibilités de ce genre aux vertébrésvertébrés supérieurs que sont les mammifèresmammifères. Alors les Hommes tentent depuis quelques années de comprendre les mécanismes pour appliquer le principe en médecine. Et les progrès scientifiques de ces dernières années permettent de toucher du bout du doigt ce rêve. Trois nouvelles études, indépendantes, ont montré qu'on parvenait, chez des souris, à remplacer les cellules malades par des saines en restaurant les fonctions des organes. Prochaine étape : réussir la prouesse dans un modèle humain !

    Des cellules souches garantissent la repousse des cheveux !

    Dans un premier travail, publié dans Nature Communication, des chercheurs de l'université des sciences de Tokyo sont parvenus à faire pousser différents types de cheveux sur la tête de souris dépourvues de poils. À terme, bien sûr, les auteurs souhaitent mettre au point un traitement contre la calvitie.

    Après avoir extrait des cellules souches de rongeursrongeurs et des cellules prélevées sur le cuir chevelu d'hommes chauves, ils les ont placées dans des folliculesfollicules pileux modifiés. Le tout a été injecté à l'arrière du crâne de souris complètement dégarnies et en quelques semaines, des cheveux ont poussé. À l'aide d'une gaine de nylonnylon, ils ont pu guider le cheveu à travers la peau et lui permettre d'éclore  dans 94 % des greffons. En utilisant des cellules souches particulières, les scientifiques sont même parvenus à contrôler la couleurcouleur de la chevelure.

    Ces souris sans poils présentent malgré tout quelques cheveux sur le sommet du crâne. Grâce à des cellules souches humaines, on pourrait peut-être rendre leur chevelure à des personnes chauves ! © <em>Tokyo University of Science </em>/ T. Tsiuji

    Ces souris sans poils présentent malgré tout quelques cheveux sur le sommet du crâne. Grâce à des cellules souches humaines, on pourrait peut-être rendre leur chevelure à des personnes chauves ! © Tokyo University of Science / T. Tsiuji

    Tous les poils ainsi formés se tiennent comme il faut. Les follicules s'engagent dans des cycles de croissance normaux et ont également établi des connexions avec les muscles et les nerfs que l'on retrouve sous la peau.

    C'est une première du genre, mais la méthode devra être améliorée pour être utilisée chez l'Homme, car il faudra composer avec beaucoup plus de follicules pileux. Et peut-être encore quelques difficultés à surpasser.

    Transplantation de cellules de bâtonnets : et la lumière fut !

    Une deuxième recherche, parue dans Nature, a cette fois aidé des souris atteintes de cécité nocturnenocturne congénitale stationnaire à recouvrer une partie de leur vision dans le noir. Ces rongeurs sont nés avec une maladie de la rétinerétine, la région de l'œilœil responsable de la vision, défaillante lorsque la lumièrelumière est absente. De nombreuses autres pathologies de la vision impliquent la rétine, comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge.

    Les scientifiques de l'University College de Londres ont tenté de transplanter 200.000 cellules en bâtonnetsbâtonnets, permettant de voir dans le noir, dans chaque œil de leurs souris malades. La greffegreffe a pris pour seulement 10 à 15 % d'entre elles (26.000 en moyenne). C'est peu, mais suffisant pour améliorer l'acuité visuelleacuité visuelle des rongeurs.

    En testant la sensibilité des animaux à différents contrastescontrastes lumineux, les souris transplantées ont montré de meilleures aptitudes. Une seconde épreuve atteste de l'efficacité du traitement. Une piscine contient une plateforme située juste sous la surface de l'eau, sur laquelle les rongeurs cherchent à prendre pied. De jour, toutes les souris établissent les mêmes performances et finissent par la trouver assez rapidement. Mais dans la pénombrepénombre, les souris malades nagent en cercle sans trouver la fameuse plateforme. Les animaux ayant bénéficié de la thérapiethérapie s'en sortent beaucoup mieux.

    Un principe similaire est déjà en cours d'essai cliniqueessai clinique chez l'Homme. Pour le moment, tout se passe bien : pas de rejet du greffon, pas d'effet secondaire délétère, et une vision semble-t-il légèrement accrue. La piste doit donc être suivie !

    Les cellules en bâtonnets transplantées (en vert) ont pu redonner la vue à des souris atteintes de cécité nocturne congénitale stationnaire. Environ 26.000 d'entre elles ont pu être injectées dans chaque œil, un nombre négligeable à côté des quelques millions contenues dans l'organe de la vision. © <em>University College</em> de Londres

    Les cellules en bâtonnets transplantées (en vert) ont pu redonner la vue à des souris atteintes de cécité nocturne congénitale stationnaire. Environ 26.000 d'entre elles ont pu être injectées dans chaque œil, un nombre négligeable à côté des quelques millions contenues dans l'organe de la vision. © University College de Londres

    Des souris qui ne manquent pas de cœur

    Enfin, un troisième travail, là encore publié dans Nature, montre comment les chercheurs de l'université de Californie de San Francisco (UCSF) sont parvenus à reprogrammer des fibroblastesfibroblastes du cœur en cardiomyocytescardiomyocytes. L'intérêt d'une telle performance consiste à éviter les dangers liés à l'utilisation de cellules souches, qui peuvent dans certains cas causer des tumeurs.

    Les fibroblastes composent 50 % des cellules cardiaques chez les mammifères. Un rétrovirusrétrovirus a été injecté in vivoin vivo chez des souris et a délivré trois facteurs de transcriptionstranscriptions (appelés Gata4, Mef2c et Tbx5) qui ont permis en régulant différemment les gènesgènes de transformer ces cellules en cardiomyocytes, les cellules musculairescellules musculaires du cœur qui disparaissent définitivement après une attaque cardiaque.

    Ces cardiomyocytes artificiellement créés ont présenté toutes les caractéristiques normales, notamment au niveau de l'expression génétiquegénétique, et la fonction cardiaque des souris a été améliorée. De quoi faire naître l'espoir d'une thérapie pour toutes les personnes à risque de déclencher des problèmes de cœur.

    La médecine régénérative emprunte donc de nombreuses voies, et l'applicationapplication in vivo des principes théoriques révèle l'immensité des possibilités qui nous attendent. Mais il faudra encore de nombreuses années avant que l'Homme en bénéficie vraiment, et encore, nous ne sommes pas à l'abri de découvrir quelques limites à ces thérapies. En attendant, rien ne nous interdit d'espérer.