Si jusqu’à présent on était parvenu à obtenir des cellules souches à partir de cellules différenciées in vitro, des scientifiques espagnols ont tenté l’expérience directement in vivo chez des souris. Et ça fonctionne. Il semble même qu’elles disposent encore de plus de plasticité que celles produites en laboratoire. Mais il reste encore de nombreux problèmes à régler avant d’y songer chez l’Homme…

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    Les cellules souches représentent l'avenir de la médecine. Grâce à leurs propriétés, on espère reconstruire intégralement des organes pour remplacer ceux qui sont défaillants. Si pour l'instant, on était parvenu à induire le retour de cellules adultes en un état indifférencié in vitro, la performance vient désormais d'être réalisée in vivo. Ce qui laisse entrevoir de belles perspectives... © Annie Cavanagh, Wellcome Images, cc by nc nd 2.0

    Les cellules souches représentent l'avenir de la médecine. Grâce à leurs propriétés, on espère reconstruire intégralement des organes pour remplacer ceux qui sont défaillants. Si pour l'instant, on était parvenu à induire le retour de cellules adultes en un état indifférencié in vitro, la performance vient désormais d'être réalisée in vivo. Ce qui laisse entrevoir de belles perspectives... © Annie Cavanagh, Wellcome Images, cc by nc nd 2.0

    En 2006, Shinya Yamanaka réussissait un exploit encore impensable quelques années plus tôt : il a ramené des cellules adultes dans un état immature et indifférencié, les rendant capables de se transformer en (presque) n'importe quel type cellulaire. Ce sont les cellules souches pluripotentes induites (CSPiCSPi), qui lui ont valu un prix Nobel.

    Depuis, de nombreuses réussites in vitroin vitro poussent les scientifiques à les envisager dans des essais cliniques, en remplacement des cellules souches embryonnaires, qui posent des problèmes éthiques. Le Japon est à la pointe dans le domaine et prépare même ses premiers tests sur l’humain dans les mois à venir.

    Sept ans après Shinya Yamanaka, ce sont Manuel Serrano et ses collègues du Centre national espagnol de recherche contre le cancer qui s'illustrent en reproduisant la performance du chercheur japonais... in vivoin vivo. Défi jugé difficile, car beaucoup pensaient que l'organisme faisait tout pour différencier ses cellules. C'est donc une avancée réelle, d'autant plus parce que cette découverte témoigne d'un potentiel de différenciation encore plus puissant que ce que les scientifiques imaginaient. Mais la technique, testée et éprouvée chez la souris, est encore inapplicable à l'Homme. La raison ? Tous les cobayes sont morts à cause des tumeurs ainsi créées...

    Des cellules souches pluripotentes induites plutôt étranges

    In vitro, on obtient un retour à l'état indifférencié par l'induction de quatre gènes particuliers, nommés Oct4Sox2Klf4 et c-Myc. Les auteurs expliquent dans les colonnes de la revue Nature qu'ils ont mis au point un modèle adapté de souris pour leur expérience. Elles étaient ainsi conçues pour que ces quatre gènes s'expriment lorsqu'elles absorbaient de la doxycycline, une moléculemolécule antibiotique diluée dans leurs abreuvoirs.

    Des souris génétiquement modifiées ont joué les cobayes et ont vu leurs cellules adultes revenir à un état immature. © Rama, Wikimédia Commons, cc by sa 2.0

    Des souris génétiquement modifiées ont joué les cobayes et ont vu leurs cellules adultes revenir à un état immature. © Rama, Wikimédia Commons, cc by sa 2.0

    Très vite, les premières souris ont perdu du poids, et elles ont fini par mourir. En réduisant la dose d'antibiotiques, les rongeursrongeurs ont survécu plus longtemps, mais ont souffert de la présence d'imposantes massesmasses tumorales. L'analyse montre que la plupart de leurs organes étaient attaqués par des tératomes, des grosseurs qui se forment à partir de cellules pluripotentes. Ils étaient le plus souvent (71 %) bien différenciés et contenaient surtout les trois feuillets embryonnaires. Ainsi, les chercheurs avaient ramené à l'état de cellule souche les cellules de souris, in vivo.

    En approfondissant leurs recherches, ils ont confirmé leur intuition en détectant, à la surface des cellules de reinrein, d'estomac, d'intestin ou de pancréas le récepteur Nanog, caractéristique des cellules pluripotentes. Mais l'analyse du transcriptometranscriptome (l'ensemble des ARNARN issus de la transcriptiontranscription) révèle que les CSPi in vivo semblent bien plus proches des cellules souches embryonnairescellules souches embryonnaires (99,7 % d'homologiehomologie) que des cellules souches induites in vitro (96,6 %). Un résultat plutôt inattendu.

    Vers une autre approche de la médecine régénérative ?

    L'autre surprise vient du pouvoir de différenciation de ces CSPi. Les analyses montrent leur capacité à se transformer en trophectoderme, un tissu embryonnaire qui aboutit notamment au placenta. Or, ni les cellules souches embryonnaires, ni les CSPi in vivo ne disposent de cette aptitude. La reprogrammation cellulaire in vivo pourrait donc conférer une plus grande plasticitéplasticité, en montrant des signaux caractéristiques de la totipotencetotipotence, capacité que seules quelques cellules dans les premières phases embryonnaires possèdent.

    Cette recherche ouvre donc la voie à une nouvelle approche des thérapies cellulaires. Bien que nous soyons encore très loin d'une éventuelle utilisation chez l'Homme, de par les techniques utilisées et les risques encourus, cette découverte pourrait plonger la médecine régénérative dans une autre dimension. Plus besoin d'attendre qu'un tissu pousse en laboratoire en attendant la greffegreffe, l'objectif serait de le réparer directement in situ. Cela ne relève pour l'heure que du fantasme, mais qu'on pourrait bientôt commencer à toucher du doigt.