Il semble possible de créer des cellules souches sans partir de tissu embryonnaire. Deux équipes viennent, indépendamment, d’y parvenir, laissant espérer l'essor d'une médecine régénératrice. Après cette découverte, le débat éthique sur l’utilisation d’embryons humains serait dépassé.

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    En reprogrammant des cellules de peau humaine, deux équipes, l'une américaine et l'autre japonaise, sont parvenues à les transformer en cellules souches. Si elle est confirmée, cette double réussite est d'une importance capitale, ouvrant la voie à de nouvelles méthodes thérapeutiques. On pourrait ainsi fabriquer du muscle à partir d'un prélèvement de peau... La nouvelle n'a pas de quoi surprendre les scientifiques - ni les lecteurs assidus de Futura-Sciences -  car la première phase de ces travaux avaient fait l'objet de publications au printemps dernier.

    Indifférenciées, les cellules souches sont en effet capables de devenir n'importe quel type cellulaire, parmi les 220 que compte un organisme humain, et sont pour cette raison qualifiées de totipotentes. Elles font l'objet de nombreux travaux, dont l'un d'eux vient d'être récompensé par le prix Nobel de médecine 2007. On espère beaucoup d'elles, notamment pour réparer des lésions après un accident ou une maladie. C'est ce que l'on appelle la médecine régénératrice. Il n'est pas utopique, par exemple, d'imaginer reconstituer une section de moelle épinière. Elles pourraient aussi être utilisées pour tester des moléculesmolécules à effet thérapeutique, plutôt que sur le patient lui-même.

    Le joli sourire de Junying Yu, du <em>Primate Research Center</em> de l’université de Wisconsin-Madison, se retrouve aujourd’hui dans de nombreux journaux du monde entier, témoignage du retentissement médiatique des recherches auxquelles elle a collaboré. © Bryce Richter

    Le joli sourire de Junying Yu, du Primate Research Center de l’université de Wisconsin-Madison, se retrouve aujourd’hui dans de nombreux journaux du monde entier, témoignage du retentissement médiatique des recherches auxquelles elle a collaboré. © Bryce Richter

    Mais ces cellules sont extrêmement difficiles à obtenir. On les trouve principalement dans les embryons à des stades très précoces. Il en existe également chez l'adulte mais en très faibles quantités, comme par exemple dans le tissu adipeux. La solution apportée par les deux équipes est bien plus simple : il suffirait de prélever un peu de peau.

    Des cellules reprogrammées

    A l'université de Wisconsin-Madison, James Thomson, Junying Yu et leur équipe se sont intéressés à certains facteurs de transcription, ces protéinesprotéines capables de réguler, et même d'empêcher complètement, la lecture d'un gènegène et sa copie en ARNARN (ce que l'on appelle la transcription). De précédents travaux avaient déjà montré chez l'embryon de souris que certains de ces facteurs pouvaient en quelque sorte inverser le déroulement de l'embryogenèseembryogenèse. Des cellules déjà devenues des fibroblastesfibroblastes (formant le tissu conjonctif) pouvaient ainsi retrouver leur état indifférencié. Plutôt que de « cellules souches », on parle dans ce cas de cellules souches totipotentes induites, ou iPS (induced Pluripotent Stem).

    L'équipe américaine a isolé quatre gènes à l'origine de ces protéines (OCT4, NANOG, SOX2 et LIN28) et les a introduits, à l'aide d'un rétrovirusrétrovirus, dans des cellules de peau humaine (des fibroblastes), provenant de fœtusfœtus et de nouveaux-nés. Les lignées qui en sont issues se révélées indifférenciées : elles étaient devenues des cellules iPS. Ces résultats viennent d'être publiés dans la revue Science.

    De l'autre côté du Pacifique, l'équipe japonaise, conduite par Shinya Yamanaka de l'université de Kyoto, a utilisé elle aussi ces facteurs de transcription sur des cellules de peau humaine, prélevées chez deux adultes. Le rendement est faible : il a fallu 5.000 cellules pour obtenir une seule lignée de cellules iPS. Mais le succès est déjà remarquable. Il fait l'objet d'une publication dans la revue Cell (sa version PDF est téléchargeable ici).

    James Thomson, responsable de l’équipe américaine, avait isolé les premières cellules souches embryonnaires en 1998. © Jeff Miller

    James Thomson, responsable de l’équipe américaine, avait isolé les premières cellules souches embryonnaires en 1998. © Jeff Miller

    Selon les deux équipes, les caractéristiques de ces lignées correspondent en tout point à celles de véritables cellules souches. Cette avancée doit maintenant être confirmée par d'autres expériences mais le fait que deux équipes aient abouti à des résultats similaires rend l'annonce assez solidesolide.

    La nouvelle est importante au niveau scientifique mais aussi sur le plan éthique, tant le débat sur l'utilisation d'embryons humains continue de faire ragerage. En France, les expériences sont autorisées « à titre exceptionnel » et à des fins purement scientifiques dans des conditions précisément définies. Aux Etats-Unis, le travail sur l'embryon est interdit. La Maison-Blanche et plusieurs membres du parti conservateur se sont déjà félicités de ces découvertes, qui rendraient inutiles les recherches sur les cellules souches embryonnairescellules souches embryonnaires.

    Il reste encore du travail à faire pour confirmer les résultats et surtout pour en faire une méthode applicable en clinique. Le recours à des rétrovirus, en particulier, a une fâcheuse tendance à générer des tumeurstumeurs.