Les virus sont présents tout autour de nous et interagissent entre eux. Ces interactions, encore mal connues, s'avèrent parfois négatives. C'est le cas pour le virus du rhume et le SARS-CoV-2 : la présence du premier inhibe la réplication du second.


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    Les muqueuses respiratoires humaines sont le terrain de jeu de nombreux virus. Coronavirus, virus de la grippe ou encore rhinovirus sont tous responsables de l'inflammation de la muqueuse des voies respiratoires supérieures bénigne, comme le rhume, ou plus sérieuse comme la grippe ou la Covid-19. Plusieurs de ces virus, qui circulent abondamment en hiverhiver, peuvent être présents au même moment dans notre organisme. Ils ont tous le même objectif : infecter les cellules de l'épithéliumépithélium respiratoire. Mais la présence des uns peut contrecarrer le plan des autres.

    C'est ce qu'il se passe quand le SARS-CoV-2SARS-CoV-2 se retrouve en compétition avec le rhinovirus humain 16 (HRV-16). Ce sont les virologistes de l'université de Glasgow qui ont étudié les interactions entre ses deux virus. Leur publication dans Journal of Infectious Diseases démontre que le SARS-CoV-2 n'arrive plus à se répliquer lorsque le virus du rhume est présent.

    Le virus du rhume bloque le SARS-CoV-2

    Le choix du HRV-16 n'est pas anodin. En effet, une étude également menée à Glasgow indique que les rhinovirus interfèrent avec les virus influenzainfluenza A, au point de pouvoir retarder l'épidémieépidémie de grippe, comme cela a été observé en 2009 en France. Comme pour les virus de la grippe Agrippe A, les scientifiques ont voulu connaître la nature des interactions entre le SARS-CoV-2 et le rhinovirus.

    Pour cela, des cellules épithéliales humaines en culture ont été infectées par la même quantité de SARS-CoV-2 et d'HRV-16. Comme les virus infectent rarement au même moment l'organisme, les scientifiques ont testé deux conditions : le SARS-CoV-2 infecte en premier les cellules, suivi du HRV-16 24 heures plus tard, et inversement.

    Lorsque le coronavirus est le premier à infecter les cellules épithéliales, il commence son cycle normalement. Mais, 24 heures après l'ajout du HRV-16, la quantité de virionsvirions de SARS-CoV-2 ne fait que diminuer. A contrario, le nombre de virions d'HRV-16 augmente de façon exponentielle jusqu'au troisième jour, avant de diminuer progressivement.

    Dans le cas inverse, c'est le HRV-16 qui est présent en premier. Lorsque le SARS-CoV-2 est ajouté à l'expérience, ce dernier ne parvient pas à se répliquer, et le nombre de virions atteint le seuil de détection seulement 24 heures après son inoculation. Ces expériences démontrent que la présence du HRV-16 altère la réplicationréplication du SARS-CoV-2, mais que le SARS-CoV-2 n'a aucun effet sur la réplication du rhinovirus.

    A. Le suivi du titre viral du SARS-CoV-2 seul (trait rouge) et en présence du HRV (trait rouge pointillé). B. Le suivi du titre viral du HRV seul (trait bleu) et en présence du SARS-CoV-2 (trait bleu pointillé). C. Le suivi des titres viraux du SARS-CoV-2 et du HRV-16 lorsque le SARS-CoV-2 est présent en premier. D. Le suivi des titres viraux du HRV-16 et du SARS-CoV-2 lorsque le HRV-16 est présent en premier. © Dee, K et<em> al., Journal of Infectious Diseases</em>
    A. Le suivi du titre viral du SARS-CoV-2 seul (trait rouge) et en présence du HRV (trait rouge pointillé). B. Le suivi du titre viral du HRV seul (trait bleu) et en présence du SARS-CoV-2 (trait bleu pointillé). C. Le suivi des titres viraux du SARS-CoV-2 et du HRV-16 lorsque le SARS-CoV-2 est présent en premier. D. Le suivi des titres viraux du HRV-16 et du SARS-CoV-2 lorsque le HRV-16 est présent en premier. © Dee, K et al., Journal of Infectious Diseases

    Le rhume utilise les interférons contre le SARS-CoV-2

    Quel est le mécanisme qui sous-tend ces observations ? L'HRV-16 ne semble pas masquer le récepteur ACE2, empêchant ainsi le SARS-CoV-2 à entrer dans les cellules. La nature de l'interaction négative entre ses deux virus est plus indirecte. La présence du HRV-16 fait réagir les cellules, qui produisent alors une grande quantité d'interféronsinterférons pour combattre l'infection. Cette réponse défensive est plus intense et rapide que celle provoquée par le SARS-CoV-2. Face à ces observations, les scientifiques pensent que les interférons induits par le HRV-16 empêchent le SARS-CoV-2 de s'établir dans les cellules respiratoires.

    Pour conforter cette hypothèse, les mêmes co-infections ont été réalisées, mais en présence d'une moléculemolécule inhibitrice des interférons. Dans ce contexte-là, le SARS-CoV-2 peut à nouveau se répliquer en présence du HRV-16. Ces interactions ont été observées in vitroin vitro, dans l'intimité d'une boîte de culture, et ne sont peut-être pas similaires dans l'environnement plus complexe des voies respiratoires d'une souris ou de l'être humain.

    Malgré tout, les scientifiques ont réalisé une simulation mathématique pour observer l'effet d'une fraction de personnes réfractaires au Covid-19Covid-19, à cause d'une infection au HRV-16, sur la croissance de l'épidémie. Dans ce modèle, l'épidémie de SARS-CoV-2 laisse peu à peu sa place à celle d'HRV-16. Est-ce là une solution pour venir à bout du Covid-19 ? Sûrement pas, mais plutôt un bel exemple de la complexité des interactions virus-virus et de la manière dont elles peuvent façonner le devenir d'une épidémie.