Une équipe de recherche internationale a mis au jour un nouveau gène dans le génome du coronavirus. Ce gène, caché dans un autre gène, code pour une protéine encore insaisissable.


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    Le génome du SARS-CoV-2 est relativement simple. La séquence de référence, disponible dans les banques génétiques, provient d'un échantillon de Wuhan. Elle contient 29.881 nucléotides pour 11 gènes principaux codés. Mais d'autres gènes se cachent dans ce génome.

    Ces derniers ne sont pas compris dans le cadre de lecture principale du génome puisqu'ils partagent une partie de leur séquence avec un autre gène, ce sont des gènes chevauchants. Déjà 4 gènes chevauchants sont connus dans le génome du SARS-CoV-2. Ils sont partagés avec d'autres coronaviruscoronavirus, humains ou animaux, de la famille des Betacoronavirus.

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    Une équipe de chercheurs de Taiwan, des États-Unis et d'Allemagne a mis au jour un gène chevauchant supplémentaire, ORF3d, dans le génome du SARS-CoV-2. Contrairement aux autres gènes chevauchants, celui-ci n'est pas conservé dans la famille des Betacoronavirus. Seuls, le SARS-CoV-2 et un coronavirus isolé chez le pangolinpangolin, qui n'est pas le plus proche génétiquement, le possèdent.

    Les gènes chevauchants : un gène dans un gène

    Pour se figurer ce que sont les gènes chevauchants, on peut s'imaginer une boîte dans une boîte ou un gène dans un gène. La séquence d'ORF3d, qui comporte 58 codonscodons, est comprise dans la séquence d'ORF3a (une viroporine), un des 11 onze gènes principaux du SARS-CoV-2.

    Pour que la protéineprotéine codée par ORF3d soit traduite, il faut qu'il y ait un décalage du cadre de lecture. Lors de la traduction, le ribosomeribosome lit les nucléotides trois par trois, ce sont les codons. Chaque codon correspond à un acide aminéacide aminé selon le tableau du code génétiquecode génétique. Si le ribosome déraille (à cause d'une délétiondélétion ou de la structure tertiaire de l'ARNmARNm, par exemple) et lit un codon différemment, la nature de la protéine traduite change. C'est ainsi qu'ORF3d peut être exprimée. Mais, à quoi ressemble cette nouvelle protéine ?

    En haut, les gènes portés par le génome du SARS-CoV-2. Le 3d indique l'ORF3d, le nouveau gène chevauchant identifié. En bas : l'alignement génétique de différents coronavirus de la famille des <em>Betacoronavirus</em>. Seules deux séquences alignées possèdent ORF3d. © Chase W Nelson et al. <em>eLife</em>
    En haut, les gènes portés par le génome du SARS-CoV-2. Le 3d indique l'ORF3d, le nouveau gène chevauchant identifié. En bas : l'alignement génétique de différents coronavirus de la famille des Betacoronavirus. Seules deux séquences alignées possèdent ORF3d. © Chase W Nelson et al. eLife

    Un gène mais une protéine insaisissable

    En se basant sur sa séquence nucélotidique, ORF3d devrait ressembler à la viroporine codée par ORF3a : des hélices alpha connectées entre elles. Malheureusement, les chercheurs n'ont pas réussi à identifier cette protéine par spectrométrie de massespectrométrie de masse dans cette étude. Ils évoquent plusieurs raisons à cela, notamment sa petite taille et son faible niveau d'expression. ORF3d reste donc pour le moment une protéine putative.

    Grâce à la séquence théorique de cette dernière, les chercheurs ont tout de même pu avoir quelques indices sur son rôle dans la réplicationréplication du coronavirus. ORF3d semble être une championne de la dissimulation. En effet, de toutes les protéines codées par le coronavirus, elle est l'une de celles qui présentent le moins d'épitopesépitopes. Les épitopes sont des motifs reconnus par les paratopes, situés sur les anticorpsanticorps, et donc leur cible privilégiée pour neutraliser le coronavirus. Elle échapperait donc au système immunitairesystème immunitaire. L'échappement au système immunitaire est un moyen de défense des virusvirus. En n'étant pas neutralisée par le système immunitaire, la protéine ORF3d continuerait de jouer son rôle, encore inconnu, laissant un petit sursis au coronavirus.