Le 8 avril dernier, la ville de Wuhan, épicentre de la pandémie de Covid-19, a mis fin à un confinement de plus de deux mois. La Chine reste néanmoins préoccupée par la survenue de nouveaux foyers d’infections, alimentés par des cas importés ou des patients asymptomatiques. Cette crainte d’une résurgence est-elle justifiée ou exagérée ?


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    La Chine semble enfin avoir réussi à endiguer l'épidémie de Covid-19. Après 77 jours de confinement strict, la ville de Wuhan, épicentreépicentre de la pandémie mondiale, a rouvert ses portesportes le 8 avril dernier, les habitants étant à nouveau autorisés à sortir de chez eux et habilités à circuler (sous conditions strictes). Les écoles devraient quant à elles rouvrir fin avril. Depuis le début de l'épidémie, 83.402 cas ont été enregistrés en Chine continentale avec 3.346 décès, auxquels il faut ajouter les 1.450 cas et 10 décès à Hong Kong, Macao. Mardi 14 avril, à peine 46 nouveaux cas ont été enregistrés dans le pays, dont 36 importés de pays étrangers, a indiqué la Commission nationale de la santé. Par comparaison, la France compte 134.582 cas de Covid-19 et 17.188 personnes sont décédées depuis le début de l'épidémie.

    Nombre de cas de Covid-19 en Chine (échelle linéaire). © Worldometers.info
    Nombre de cas de Covid-19 en Chine (échelle linéaire). © Worldometers.info

    78 % des nouveaux cas sont importés

    Mais alors que le déconfinement se profile, la Chine risque-t-elle d'être confrontée à la fameuse « deuxième vague » ? Mardi 15 avril, 46 nouveaux cas de contamination au Covid-19 ont été annoncés, dont 36 « importés ». La province de Heilongjiang, au nord-est du pays, concentre les inquiétudes. Afin de prévenir tout nouveau foyer, la Chine a fermé sa frontière avec la Russie mais conserve un poste de contrôle dans la ville de Suifenhe, où 79 nouveaux cas avaient été enregistrés en une seule journée lundi. Du coup, Suifenhe a imposé un confinement à ses 70.000 habitants, une seule personne par foyer étant désormais autorisée à sortir pour faire des courses tous les trois jours. Les autorités locales ont également transformé un bâtiment administratif en hôpital de campagne, capable d'accueillir 600 patients. La frontière avec la Birmanie, où 62 cas ont été confirmés, fait également l'objet d'une étroite surveillance depuis vendredi dernier. Des policiers et gardes-frontières ont été déployés près du port de Lincang où « plusieurs centaines de personnes » ont tenté de franchir la frontière illégalement, rapporte le Global Times.

    Nombre de cas importés en Chine. © Global Times, Twitter
    Nombre de cas importés en Chine. © Global Times, Twitter

    Les patients asymptomatiques, nouvelle crainte des autorités

    L'autre préoccupation concerne les cas asymptomatiques, c'est-à-dire porteurs du virus mais ne présentant pas les symptômessymptômes du Covid-19 (toux, fièvrefièvre, difficultés respiratoires...). Depuis le 1er avril, la Chine recense le nombre de patients asymptomatiques dépistés et jusqu'ici absents des bilans officiels. Mardi 14 avril, 57 nouveaux cas ont ainsi été comptabilisés, soit la plus forte hausse en deux semaines. Au total, 6.700 cas asymptomatiques auraient ainsi été comptabilisés depuis le 28 janvier, soit 8 % des cas, mais ce chiffre est largement sous-estimé compte tenu du manque de tests. Selon un article paru le 2 avril dans le British Medical Journal, quatre cas de coronavirus sur cinq seraient asymptomatiques en Chine. Des chiffres non certifiés et sujets à caution, mais qui ont conduit les autorités de Wuhan à replacer en confinement 70 quartiers résidentiels sur 7.000, après la découverte de porteurs asymptomatiques. Pour prendre la mesure du phénomène, la Chine a lancé une vaste étude dans neuf régions, a annoncé le journal officiel China Daily.
     

    Des conditions drastiques pour la circulation des personnes

    La Chine marche donc sur des œufs pour son déconfinement. Depuis le 8 avril, 661.000 personnes ont quitté ou gagné la ville de Wuhan, soit plus de 94.000 voyages par jour. Mais sous conditions drastiques. Seuls les voyageurs ayant un test sérologique négatif au virus sont autorisés à prendre un billet de train pour Pékin. À leur arrivée, ils sont soumis à 14 jours de quarantaine supplémentaires. Mais même ces mesures draconiennes n'offrent pas une garantie à 100 %. Mardi, la chaîne de télévision officielle CCTV a ainsi rapporté le cas d'un Chinois de retour des États-Unis ayant développé des symptômes deux jours après son arrivée malgré un test négatif.

    Pour autant, « il n'est pas possible de maintenir un confinement éternellement », explique au Global Times Zhong Nanshan, un des experts conseillant le gouvernement chinois. « Il est normal d'avoir une résurgence après une grande épidémie, car un virus ne peut pas être complètement éliminé en si peu de temps », confirme Yu Kaijiang, chef du groupe d'experts pour le traitement médical du Covid-19 à Suifenhe. Les Chinois semblent d'ailleurs particulièrement méfiants. « Il y a une sorte d'autoconfinement des gens qui attendent de voir comment l'épidémie évolue », témoigne Philippe Klein, médecin français à Wuhan, sur France Info. La deuxième vaguevague n'est pas arrivée en Chine, mais elle est présente dans tous les esprits.


    Coronavirus : comment la Chine anticipe la deuxième vague ?

    Article de Julien Hernandez publié le 11/04/2020

    La Chine a connu des interventions sanitaires fortes pour protéger sa population. Des chercheurs ont publié, dans le journal The Lancet, une évaluation de la transmission et de la sévérité du Covid-19 durant la première vague et informent sur les paramètres à surveiller pour anticiper une probable seconde vague.

    Wuhan vient de sortir du confinement alors que la première vague de l'épidémie a fait des milliers de morts. En abandonnant sporadiquement cette mesure, nécessaire pour l'économie et la santé mentale du pays, la Chine s'expose a une seconde vague épidémique. D'une part, via des cas importés maintenant que l'épidémie est mondiale, d'autre part, par des cas asymptomatiques toujours contagieuxcontagieux sur lesquels on possède encore peu d'informations. Comment la Chine va-t-elle devoir se préparer et que pouvons-nous apprendre de leur situation ? Un article publié dans la revue The Lancet résume la situation.

    Des mesures drastiques utiles 

    Les mesures utilisées par la Chine lors de la première vague d'épidémie à SARS-CoV-2SARS-CoV-2 qu'elle a connue ont été fort utiles pour limiter le nombre de morts. En effet, après que la quarantaine drastique a été mise en place et que son impact agisse, le taux de dissémination du virus (Ro) a chuté en dessous de 1 et les cas graves étaient 5 fois moins nombreux dans plusieurs provinces chinoises.

    Cependant, maintenant que l'heure est au déconfinement et que la pandémie est mondiale, la Chine va devoir faire attention à une possible seconde vague épidémique. En effet, d'autres cas pourront être importés et relancer l'épidémie, étant donné que le confinement et l'absence de vaccinvaccin ont empêché l'immunitéimmunité de groupe de se faire. Les tests massifs doivent aussi se poursuivre pour détecter d'autres cas potentiellement asymptomatiques. Cela donne une image de ce à quoi va ressembler le déconfinement en France. Finalement, pour préparer cette seconde vague probable, la Chine va devoir, comme chaque pays à l'heure du déconfinement, surveiller de très près deux paramètres : le Ro et le taux de cas graves.

    La Chine face à la seconde vague de l'épidémie. © Shintartanya, Adobe Stock
    La Chine face à la seconde vague de l'épidémie. © Shintartanya, Adobe Stock

    Surveiller le R0 et les cas graves

    Ce sont les deux indicateurs primordiaux à bien surveiller afin de pouvoir reprendre des mesures drastiques si nécessaire. Si le Ro dépasse à nouveau 1, l'épidémie va de nouveau se répandre et faire des ravages. Rappelons qu'à l'époque de la grippe espagnole, c'est bien la deuxième vague qui avait fait le plus de mort. Aussi, le taux de cas graves est important : si l'épidémie circule mais que les personnes vulnérables restent confinées (et ne sont donc pas touchées) les hôpitaux seront moins submergés. C'est une donnée décisive à prendre en compte afin d'envisager les stratégies contre une deuxième vague potentielle pour atteindre un équilibre optimal entre la santé et la protection économique. 


    Covid-19 : comment retarder la seconde vague de l'épidémie ?

    Alors qu'en Europe nous ne sommes qu'au début du confinement, la Chine vient de lever les restrictions après deux mois de quarantaine. Se pose alors pour le pays la question sensible du « déconfinement » de la population, comment retrouver une vie normale en évitant le retour précoce de l'épidémie ? Une étude publiée dans The Lancet a testé plusieurs scénarios dont un qui permettrait de gagner deux mois.

    Dans la province de Hubei en Chine, les habitants retrouvent un semblant de vie normale après plus de deux mois de confinement. Les autorités chinoises ont annoncé la levée des restrictions le 25 mars dernier. Les habitants pourront circuler à leur guise s'ils ne présentent aucun signe de Covid-19. Ce sont donc 56 millions d'habitants - soit un peu moins que la population italienne - qui retrouveront leur liberté. Mais à Wuhan, chef-lieu de la province et foyer initial de l'épidémie, les habitants devront encore attendre le 8 avril.

    Cette décision intervient alors que l'épidémie connaît un sérieux coup de frein en Chine. En cinq jours, seuls un nouveau cas local et sept décès ont été recensés à Wuhan. Les autres cas ne concernent que des personnes infectées revenant de l'étranger.

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    Pourquoi il est important de rester confiné chez soi ?

    La Chine est désormais confrontée à une situation tout aussi délicate que l'instauration de mesures barrière à l'aubeaube de l'épidémie : le « déconfinement » de millions de personnes. Si les mesures instaurées sont suspendues du jour au lendemain, une seconde vague épidémique pourrait déferler sur le pays.

    Une étude parue dans The Lancet a simulé les effets de la levée brutale ou progressive du confinement sur la temporalité et l'ampleur de cette seconde vague. Selon elle, maintenir les mesures un mois de plus retarderait l'arrivée du second pic épidémique de deux mois.

    Les mesures de restrictions testées dans la simulation. Aucune mesure, les mesures minimales (violet), des mesures strictes et un assouplissement en mars (rouge) et enfin, des mesures strictes et un assouplissement en avril (bleu). © Kiesha Prem et al., <em>The Lancet</em>
    Les mesures de restrictions testées dans la simulation. Aucune mesure, les mesures minimales (violet), des mesures strictes et un assouplissement en mars (rouge) et enfin, des mesures strictes et un assouplissement en avril (bleu). © Kiesha Prem et al., The Lancet

    Préparer le « déconfinement » après le pic épidémique

    C'est une simulation informatiquesimulation informatique qui a fourni ces prévisions. Elle est basée sur un modèle compartimental épidémiologique appelé « susceptible-exposed-infectious-removed », ou SEIR, qui est utilisé couramment pour estimer le nombre d'infectés. Pour chaque mesure de distanciation sociale, comme la fermeture d'entreprise et des écoles, la simulation a prédit le nombre d'infectés en fonction du temps.

    Les résultats suggèrent que, si ces mesures de confinement sont levées en mars, une seconde vague épidémique peut arriver dès la fin du mois d'août. A contrario, maintenir ces mesures jusqu'en avril retarderait le second pic épidémique de deux mois. La seconde vague n'arriverait qu'en octobre, laissant le temps aux infrastructures de santé de souffler et de se préparer.

    Alléger les restrictions graduellement pourrait retarder et réduire le second pic

    « Les mesures sans précédent prises à Wuhan pour réduire les contacts sociaux dans les écoles et sur le lieu de travail ont participé au contrôle de l'épidémie, explique Kiesha Prem, du London School of Hygiene & Tropical Medicine, qui a mené cette étude. Néanmoins, la ville doit désormais être très prudente pour éviter de lever les mesures de distanciation sociale prématurément, car elle pourrait conduire à un second pic précoce. Mais s'ils allègent les restrictions graduellement, cela pourrait retarder et réduire le pic. »

    Les effets des différentes mesures de distanciation physique sur l'incidence cumulative (A) de l'épidémie, les nouveaux cas quotidiens (B), sur l'incidence spécifique à l'âge (C à G) de la fin 2019 à la fin 2020. La courbe indique en violet : aucune intervention théorique, en bleu : vacances scolaires et Nouvel an chinois, en orange : effet d'une levée des restrictions en mars, en jaune : effet d'une levée des restrictions en avril. © Kiesha Prem et al., <em>The Lancet</em>
    Les effets des différentes mesures de distanciation physique sur l'incidence cumulative (A) de l'épidémie, les nouveaux cas quotidiens (B), sur l'incidence spécifique à l'âge (C à G) de la fin 2019 à la fin 2020. La courbe indique en violet : aucune intervention théorique, en bleu : vacances scolaires et Nouvel an chinois, en orange : effet d'une levée des restrictions en mars, en jaune : effet d'une levée des restrictions en avril. © Kiesha Prem et al., The Lancet

    Une étude limitée mais un aperçu intéressant

    Comme toutes les simulations, celle-ci possède ses limites. Les scientifiques ont volontairement considéré que les enfants étaient aussi contagieux que les adultes pour simplifier les calculs. De plus, le même taux de reproduction de base (R0) a été appliqué pour tous les cas comptabilisés. Ainsi, les « super-spreader » capables d'infecter beaucoup plus de personnes que le R0 moyen n'ont pas été prises en compte. Elle n'est pas forcément transposable à tous les pays puisqu'elle est basée sur les données disponibles pour la ville de Wuhan.

    Malgré cela, elle offre une perspective intéressante sur les moyens pour limiter la seconde vague épidémique. Elle peut permettre aux gouvernements et aux autorités de prendre des décisions sur la gestion d'après-crise.

    « Étant donné que de nombreux pays où l'épidémie augmente sont potentiellement confrontés à la première phase de confinement, des moyens sûrs de sortir de la situation doivent être identifiés... », suggère Tim Colbourne, un scientifique à l'University College de Londres, indépendant de cette étude dans un commentaire.

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