De récentes expériences en culture de cellules et chez l'animal apportent de l'espoir quant à l'utilisation potentielle de l'outil de génie génétique CRISPR-Cas9 pour traiter certains cancers. Pour comprendre, nous avons interviewé Anna Gutkin, doctorante en nanomédecine, thérapeutique via l'ARN, administration des médicaments et coautrice de la récente étude parue dans Sciences


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    Selon l'Institut national du cancer (Inca), chaque année 328.000 personnes se voient diagnostiquer un cancer en France. Parmi ces personnes, près de la moitié vont mourir des suites de la maladie. Le cancer est une maladie complexe. Ou plutôt faudrait-il parler des cancers. En effet, la compréhension de ce type de pathologie se précise et on se rend compte depuis quelques années que chaque cancer est différent, notamment au sein des modifications cellulaires et protéiques qu'il induit dans l'organisme.

    Les traitements contre les cancers sont donc généralement lourds et longs. La recherche est très active afin de trouver des traitements plus efficaces et moins délétères pour l'organisme du patient. En effet, même si la balance bénéfice-risque des traitements autorisés pour combattre ces maladies est positive, les traitements restent lourds à supporter. Aussi, des progrès sont continuellement réalisés grâce à l'immunothérapie. 

    Une biotechnologiebiotechnologie pourrait aussi aider à combattre les cancers : CRISPR-Cas9. Cet outil d'édition génétique pourrait, en théorie, permettre de remodeler le génome des cellules cancéreuses pour, in fine, les conduire vers la mort cellulaire (on parle d'apoptoseapoptose). Pour autant, les expériences réalisées reflètent surtout la difficulté à développer des technologies pour que Cas-9 façonne le génome comme on le souhaite. C'est la prouesse technique qu'ont réalisée des chercheurs israéliens dans une récente étude parue dans Science.

    L'outil d'édition génétique CRISPR-Cas9 pourrait aider à combattre les cancers. © Rido, Fotolia
    L'outil d'édition génétique CRISPR-Cas9 pourrait aider à combattre les cancers. © Rido, Fotolia

    Une étude avec des résultats prometteurs 

    Comme souligné précédemment, exploiter la biotechnologie CRISPR-Cas9 dans le cadre de thérapiesthérapies contre le cancer a été entravé par une faible efficience du potentiel de modélisationmodélisation génétique sur les tumeurstumeurs et la potentielle toxicitétoxicité associée. Les scientifiques à l'origine de cette étude, du laboratoire de précision et de nanomédecine en Israël, ont créé une matrice lipidique nanoparticulaire afin de délivrer Cas-9 en toute sécurité dans l'organisme. Pour mieux comprendre, nous avons interviewé Anna Gutkin, doctorante en nanomédecine, thérapeutique via l'ARNARN, administration des médicaments et coautrice de l'étude. 

    Futura : Depuis combien de temps travaillez-vous avec votre équipe sur ce projet de développement de « navette lipidique » pour répondre au défi de l'augmentation de l'édition géniquegénique via CRISPRCRISPR-Cas-9 et de la diminution des effets secondaires ? Et comment l'hypothèse est-elle née ? 

    Anna Gutkin : Nous travaillons sur ce projet depuis environ cinq ans. L'hypothèse est née du fait que l'encapsulation de l'ARNmARNm Cas9 avec le sgRNA était un défi majeur dans le monde de la recherche en raison de la grande taille de l'ARNm. Pour surmonter cela, nous avons développé une nouvelle classe de lipideslipides ionisables biodégradablesbiodégradables (LIB) capables d'encapsuler à la fois l'ARNm et l'ARNsg. Ces lipides présentent une efficacité de transfectiontransfection très élevée avec une très faible toxicité (Ramishetti S et al. Adv. Mater. 2020). De plus, nos LIB sont décorés d'anticorpsanticorps de ciblage qui améliorent la spécificité cellulaire et réduisent l'édition des spectateurs normaux. Les anticorps de ciblage sont conjugués aux LIB en utilisant le système de liaison ASSET qui a été développé dans notre laboratoire. Ce système de liaison nous permet de changer facilement l'anticorps de ciblage et de fournir une grande polyvalence des cellules cibles.

    Futura : Avez-vous rencontré des difficultés, des obstacles lors de vos recherches ? Si oui, lesquels ?

    Anna Gutkin : Le plus grand défi de cette étude était de développer un vecteur de livraison efficace et spécifique pour les ARNm Cas9 et sgRNA dans un seul véhicule. La taille relativement grande de Cas9 pose un grand défi pour la livraison dans les systèmes de livraison viraux et non viraux. Nous avons dû développer de nouveaux lipides pour permettre cette délivrance efficace. 

    Futura : Le chemin vers l'applicationapplication clinique de vos résultats est encore long. Selon vous, combien de temps cela prendra-t-il ? 

    Anna Gutkin : Il reste encore un long chemin à parcourir avant que cela puisse être utilisé dans la clinique. Cependant, nous pensons qu'avec le développement de vaccinsvaccins à ARNm par Moderna et PfizerPfizer, le chemin vers la clinique se raccourcit.