Prix et honneurs pleuvent depuis sa découverte avec l'américaine Jennifer Doudna, d'un outil « révolutionnaire » de modification des gènes. À 51 ans, Emmanuelle Charpentier décroche le prix Nobel de chimie, la récompense suprême à laquelle elle a du mal à croire.


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    « Bizarrement, on m'a dit plusieurs fois (que j'allais recevoir le prix) mais maintenant que ça arrive, ça ne semble pas vrai, alors qu'évidemment c'est vrai », a-t-elle confié lors d'une conférence de presse à distance.

    Installée en Allemagne, la Française a découvert en 2011-2012, avec l'Américaine Jennifer Doudna co-récipiendaire du prix Nobel de chimiechimie, une technique d'édition du génome baptisée Crispr-Cas9, apte à éliminer et à ajouter des fractions de matériel génétiquematériel génétique avec une extrême précision.

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    Sorte de ciseaux moléculaires, ce procédé « permet de faire de la chirurgie haute couture du gène », expliquait en 2016 à l'AFP Emmanuelle CharpentierEmmanuelle Charpentier. « Le but ultime » de cette technique « révolutionnaire » est de « corriger des maladies génétiques humaines », ajoutait la scientifique.

    À cette fin, elle a cofondé une société de biotechnologiebiotechnologie, Crispr Therapeutics, alliée au groupe Bayer, qui a permis des avancées notamment dans la lutte contre certaines maladies du sang ou certains cancers.

    En 2019, sa technique a été expérimentée sur une Américaine qui souffrait d'une maladie génétique du sang, la drépanocytose. Des cellules-souches de sa moelle osseuse ont été prélevées, modifiées et réimplantées. Avec la même méthode, une Allemande de 19 ans a été soignée pour une autre maladie du sang, la bêta-thalassémiebêta-thalassémie.

    La technique Crispr-Cas, surnommée le ciseau moléculaire, a révolutionné l'édition génomique. © natali_mis, Adobe Stock
    La technique Crispr-Cas, surnommée le ciseau moléculaire, a révolutionné l'édition génomique. © natali_mis, Adobe Stock

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    Depuis qu'elle a découvert ce « couteau suisse » de la génétique, Emmanuelle Charpentier a accumulé plus d'une trentaine de prix et honneurs. « Je n'imaginais pas que je pourrais faire un jour une telle découverte ».

    Ce qui la rend heureuse, c'est d'obtenir des résultats avec son équipe : « Je fais de la recherche (...) parce que j'ai envie de savoir ».

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    Déjà distinguée par le « Prix pour les femmes et les sciences », c'est aux jeunes filles qu'elle a tout de suite pensé mercredi. Ce prix Nobel partagé par un duo féminin est « un message très fort » pour elles. A-t-elle rencontré des obstacles dans sa carrière parce qu'elle était une femme ? « Mon principal problème était d'être étrangère et de ne pas faire partie de la "famille" dans les différentes institutions pour lesquelles j'ai travaillé », expliquait-elle.

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    Originaire de la région parisienne, Emmanuelle Charpentier est la fille d'un responsable de jardins publics et d'une surveillante en psychiatrie. Après des études de biochimiebiochimie et de microbiologie à l'université Pierre et Marie CurieMarie Curie à Paris, elle obtient son doctorat à l'Institut Pasteur, puis quitte la France à 27 ans pour les États-Unis. Elle s'installe ensuite en Autriche puis en Suède avant de rejoindre l'Allemagne, où elle prend la direction de l'Institut Max PlanckMax Planck de biologie des infections à Berlin. « Le fait d'avoir bougé me donne une liberté (...). Je me suis toujours mise dans une position assez risquée » où il fallait « tout reconsidérer : soi-même, son équipe, ses projets », confiait-elle à l'AFP en 2016. La chercheuse admet « faire partie des gens qui sont un peu workaholics (ndlr : peut être traduit par bourreau de travail) », « qui se mettent à 200 % » car ils « ont besoin d'une certaine mission. »