Aujourd’hui, L’extrême en vidéo s’intéresse au cas extraordinaire du Kawah Ijen, volcan qui n’a pas son pareil dans le monde. Perdue sur l’île de Java, cette montagne semble cracher de la lave… bleue ! Les images sont tellement troublantes que certains auront du mal à croire que ce volcan est bien sur Terre.

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    Le bleu a remplacé le rouge : on se croirait sur une autre planète. En 2008, le photographe Olivier Grunewald avait vaguement entendu parler de lave bleue coulant d'un volcan indonésien. L'histoire l'ayant intrigué, il s'est rendu sur cette montagne. Avec Régis Étienne, il y aura même passé près de 30 nuits. Le résultat est stupéfiant. L'histoire est vraie : ce volcan a du sang bleu, et de nuit, on ne voit que cela... Les deux grands voyageurs, passionnés par les volcans, dévoilent dans un reportage vidéo d'étonnantes images de ce phénomène si surprenant, et pourtant bien réel. En voici la preuve.


    Un extrait du documentaire réalisé par Olivier Grunewald et Régis Étienne. On y découvre un volcan des plus originaux, qui crache du bleu. © grunewaldvolcans, YouTube

    La vidéo décryptée : le disulfure s’enflamme

    Olivier GrunewaldOlivier Grunewald et Régis Étienne parcourent le monde à l'assaut des volcans, mais celui-ci aura peut-être plus marqué leur mémoire. D'abord car de jour comme de nuit, l'odeur d'œuf pourri est si forte qu'elle ne peut être oubliée. Ensuite parce qu'un tel ballet de bleu, dégoulinant du cratère du volcan, est époustouflant. Cette montagne, le Kawah Ijen, est située dans l'est de l'île de Java et est toujours en activité. Le volcan émet en permanence, outre de la vapeur d'eau, des gaz toxiques en son sommet, notamment du dioxyde de soufre, du sulfure d'hydrogènesulfure d'hydrogène et de l'acide chlorhydriqueacide chlorhydrique. Au centre du cratère, le lac le plus acide au monde s'est peu à peu formé. Les gaz volcaniques se dissolvent dans l'eau de pluie, et lui procurent un pH de 0,2 !

    Kawah Ijen signifie « cratère vert » en javanais. Le volcan doit ce caractère verdâtre à la présence d'une solfatare, c'est-à-dire de fumerolles émettant de grandes quantités de soufresoufre. Émis à l'état gazeuxétat gazeux à la surface du volcan, à une température de 200 °C, le soufre se refroidit et devient liquide. Il se cristallise peu à peu, donnant au cratère ses couleurscouleurs jaune-orange. Le fluide bleu que l'on observe dans la vidéo provient de la combustioncombustion du soufre liquide, et plus particulièrement de la combustion du disulfure. Toutefois, pour qu'elle se produise spontanément, le fluide doit être à plus de 700 °C, ce qui n'est pas le cas à la surface du volcan. Comment ces flammes bleues apparaissent-elles ?

    Cet homme porte de grandes quantités de minerais de soufre extraites du solfatare. Derrière, on peut observer le lac du cratère, considéré comme le plus acide au monde. © Jean-Marie Hullot, Wikipédia, cc by sa 2.0

    Cet homme porte de grandes quantités de minerais de soufre extraites du solfatare. Derrière, on peut observer le lac du cratère, considéré comme le plus acide au monde. © Jean-Marie Hullot, Wikipédia, cc by sa 2.0

    C'est à l'Homme que l'on doit la combustion du soufre. Le minerai cristallisé est extrait du cratère, depuis quelques décennies, par les locaux. Chaque jour, les mineurs grimpent jusqu'au sommet du Kawah Ijen munis de paniers qu'ils remplissent de soufre solidesolide, pour le vendre pour une bouchée de pain au village. Le travail est pénible, car outre l'odeur et la toxicité des gaz émis par le volcan, en saisonsaison sèche, le cratère devient un véritable four. Aussi, les mineurs ont peu à peu développé un système d'extraction, qu'ils emploient de nuit, lorsque la température de l'airair est plus propice au travail. Ils optimisent la formation du minerai grâce à un système de tuyaux métalliques qui, placé au niveau des fumerolles, canalise les vapeurs de soufre, les refroidit et favorise leur passage à l'état liquideétat liquide. Les mineurs, munis de leurs torches, n'ont plus qu'à enflammer le fluide pour travailler malgré l'obscurité de la nuit.

    L’après-vidéo : un paysage superbe, mais mortel

    La vidéo est un teaser du documentaire dont la dernière diffusiondiffusion en France a eu lieu le 15 mars 2014. On y voit seulement les réalisateurs Olivier Grunewald et Régis Étienne, tous deux munis de masques à gazmasques à gaz, pour résister aux vapeurs toxiques qui émanent abondement des fumerolles. Mais à la fin de l'extrait, on observe au loin les torches des mineurs, dont la plupart ne portent pas de masque. Des heures durant, ces hommes respirent en continu un air chargé en acide sulfurique et en acide chlorhydrique. Ajoutons à cela que le volcan culmine à plus de 2.300 m d'altitude. Si ce n'est pas l'Everest, grimper, paniers chargés, à cette hauteur oblige à ventiler bien plus qu'au repos. L'espérance de vieespérance de vie des mineurs en est considérablement réduite.

    Baignant dans les vapeurs toxiques des fumerolles, ces mineurs peuvent récolter jusqu'à 100 kgkg de soufre solide par jour et les transporter sur plus de 20 km. Par ailleurs, alors que le volcan est actuellement plutôt calme, un accroissement de son activité peut être très dangereux pour les mineurs, mais aussi les villages environnants. Des explosions phréatiquesphréatiques peuvent se produire, et propulser l'eau acide du lac en périphérie. S'il devient très actif, le volcan peut provoquer une vidange immédiate du lac, soit un déversement de 36 millions de mètres cubes d'eau acide. Superbe, ce cortège de bleu n'est donc pas sans danger.

    Chronique : l'extrême en vidéo

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    Publiée toutes les deux semaines sur Futura-Sciences, la chronique L’extrême en vidéo décrypte des phénomènes naturels ou des exploits humains à couper le souffle. La nature déchaînée, mystérieuse ou étonnante, et les Hommes qui risquent leur vie pour l'explorer seront les thèmes de ces séquences spectaculaires que nous analyserons avec l'œil du scientifique.