L’idée que la vie soit apparue au niveau des sources hydrothermales, au fond des océans primitifs, est de plus en plus privilégiée. Une hypothèse qui est d’ailleurs renforcée par une nouvelle étude portant sur des roches âgées de 3,5 milliards d’années. Des chercheurs y ont en effet découvert des minéraux à la structure particulière, qui auraient pu servir de chaîne d’assemblage aux premières molécules organiques complexes !


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    Si l'on comprend aujourd'hui de mieux en mieux comment la vie a évolué sur notre Planète, la façon dont elle est apparue demeure toujours un mystère. L'une des questions qui intriguent le plus les scientifiques est notamment de savoir comment sont apparues les premières moléculesmolécules porteuses d'une information génétiquegénétique comme l'ARNARN.

    Les sources hydrothermales, berceau privilégié de la vie ?

    De nombreuses hypothèses existent pour tenter d'expliquer la formation de ces premières biomolécules. Parmi elles, l’idée que la vie ait pu apparaître au niveau des sources hydrothermales, dans les profondeurs des océans primitifs terrestres, prend de plus en plus de place. En effet, en plus d'apporter une importante source de chaleurchaleur dans un milieu aqueuxaqueux, deux conditions que l'on suppose être absolument essentielles et nécessaires, les sources hydrothermales rejettent des fluides alcalins riches en éléments précurseurs du vivant, avec des conditions favorisant les réactions chimiques pouvant ainsi donner naissance à des molécules organiques prébiotiquesprébiotiques complexes.  

    L'hypothèse que la vie soit apparue au niveau des sources hydrothermales, au fond de l'océan, est de plus en plus privilégiée. © USGS, domaine public
    L'hypothèse que la vie soit apparue au niveau des sources hydrothermales, au fond de l'océan, est de plus en plus privilégiée. © USGS, domaine public

    Ce milieu réactionnel aurait notamment été favorisé par la présence de minérauxminéraux argileux, dont la surface présente des propriétés catalytiques favorisant la polymérisationpolymérisation de molécules organiques complexes, elles-mêmes capables de produire des molécules d’ARN. Le rôle majeur qu'auraient pu jouer ces minéraux argileux au niveau des sources hydrothermales vient d'être appuyé par une nouvelle étude publiée dans la revue Science Advances.

    Un minéral argileux qui aurait pu servir de « chaîne de montage » pour des biomolécules complexes

    En examinant des échantillons de roches âgées de 3,5 milliards d’années provenant d’Australie (craton de Pilbara), des chercheurs ont en effet découvert un minéral particulièrement intéressant qui pourrait aider à mieux comprendre comment des molécules organiques complexes ont pu apparaître au niveau des sources hydrothermales. Les roches de Pilbara sont en effet parmi les rares témoins à nous être parvenus à représenter ce qu'était la croûte terrestre primitive de l'ArchéenArchéen. Entre les niveaux de jaspe qui les composent, les scientifiques ont en effet identifié de minuscules grains de greenalite, un phyllosilicate apparenté aux argilesargiles. Ce minéral riche en ferfer, silicesilice et oxygène aurait été produit au niveau de sources hydrothermales avant de tomber sur le fond océanique et d'intégrer ainsi la série sédimentaire archéenne.  

    Roche provenant du craton de Pilbara, âgée de 3,49 milliards d'années. Le jaspe est associé à la présence de particules d'hématites dans le jaspe. Les niveaux plus sombres représentent les particules de greenalite. © Birger Rasmussen
    Roche provenant du craton de Pilbara, âgée de 3,49 milliards d'années. Le jaspe est associé à la présence de particules d'hématites dans le jaspe. Les niveaux plus sombres représentent les particules de greenalite. © Birger Rasmussen

    Mais c'est en étudiant la structure des grains de greenalite au niveau nanoscopique que les chercheurs ont eu une véritable surprise. Il apparaît en effet que les bords des grains présentent des rainures parallèles, dont les dimensions sont très similaires à celles des molécules d'ARN ou d'ADNADN ! Ces rainures dans les grains de greenalite seraient liées à un mauvais alignement de la structure cristalline. Ce « défaut » pourrait toutefois avoir représenté un formidable outil permettant d'aligner les composants chimiques des biomolécules, favorisant ainsi leurs liaisons et donc la formation de molécules plus complexes. Un peu comme des chaînes d'assemblage.

    Grain de greenalite vue à l'échelle nanoscopique et présentant une série de rainures parallèles. © Janet Muhling
    Grain de greenalite vue à l'échelle nanoscopique et présentant une série de rainures parallèles. © Janet Muhling

    Une explication à l’omniprésence du phosphore dans les molécules organiques de base

    Pour les chercheurs, il est possible que ces minéraux, produits en massemasse au niveau des sources hydrothermales, aient ainsi pu favoriser la formation de molécules complexes comme l'ARN. L'étude pourrait d'ailleurs apporter une explication au fait que les structures biologiques de base comme l'ADN, les membranes ou les lipideslipides sont souvent construits à partir de phosphorephosphore, un élément que l'on ne retrouve qu'en faibles concentrations dans les océans actuels.

    Les roches de Pilbara contiennent en effet des nanoparticulesnanoparticules de fluorapatite, un minéral composé notamment d'oxygène, de calciumcalcium, de fluorinefluorine et de phosphore. Les chercheurs estiment ainsi qu'il y a 3,5 milliards d'années, les océans auraient pu être 10 à 100 fois plus riches en phosphore qu'actuellement, notamment au niveau des sources hydrothermales. Il paraît donc possible que le phosphore, présent en quantité dans l'environnement, ait été préférentiellement sélectionné lors de la formation des biomolécules complexes.