Le détroit de Bransfield, entre les îles Shetland du Sud et la péninsule Antarctique, est actuellement le théâtre d’une activité sismique inhabituelle. Elle serait associée au réveil d’un volcan sous-marin.
au sommaire
Depuis août 2020, l'Antarctique est secoué par une intense activité sismique. Quelque 85.000 tremblements de terretremblements de terre ont en effet été enregistrés dans le détroit de Bransfield, un étroit passage situé entre les îles Shetlands du Sud et la péninsule Antarctique. Cet essaim sismique est le plus important jamais enregistré dans la région. Il pourrait être en lien avec le réveil d'un important volcan sous-marin.
Le détroit de Bransfield, au large de l'Antarctique, n'est pas une zone anodine du point de vue tectonique. Il s'agit d'un bassin de rift où l'on observe actuellement la naissance d'un nouvel océan. Mais cette région a quelques particularités, qui font de cet étroit bassin océanique un cas tectonique unique au monde.
Un bassin extensif en arrière d’une ancienne zone de subduction
Les îles Shetlands du Sud ainsi que la péninsule Antarctique correspondent en effet à un segment d’une ancienne grande zone de subduction, active durant les 200 derniers millions d'années. La plaque de PhoenixPhoenix plongeait alors sous la plaque Shetland, au niveau de la péninsule Antarctique, menant à la formation d'un arc volcaniquearc volcanique : les actuelles îles Shetland du Sud. En parallèle de cette subduction se développe un bassin d'arrière-arcbassin d'arrière-arc, qui est une zone en extension située en arrière de la fosse de subduction. Il n'est en effet pas rare d'observer le développement d’un rift, voire l’ouverture d’un nouvel océan, en arrière d'une zone de subductionzone de subduction, qui est, par définition, une limite de plaques convergentes. Cette situation tectonique qui peut paraître contre-intuitive s'explique par la dynamique de la subduction. La déshydratationdéshydratation de la plaque plongeante (le slabslab) provoque la fusionfusion du manteaumanteau sus-jacent, dont le magmamagma va donner naissance aux volcans de l'arc magmatique. Cette anomalieanomalie thermique va créer une cellule de convectionconvection dans l'asthénosphèreasthénosphère, qui peut induire un amincissement de la lithosphèrelithosphère et la création d'une zone de rift actif. Dans le cas de la subduction de la plaque de Phoenix, le bassin a la particularité de s'être développé au beau milieu de l'arc volcanique, pour former l'actuel détroit de Bransfield.
Il y a 4 millions d'années cependant, la subduction de la plaque de Phoenix s'est brutalement arrêtée. Pourtant, l'extension dans le détroit de Bransfield continue, à la vitessevitesse de l'ordre de 1 à 2 cm/an. Cette extension, qui ne cesse d'amincir la croûtecroûte, serait associée désormais au retrait du slab en profondeur ou à un mouvementmouvement de cisaillement entre les plaques Scotia et Antarctique. La zone est ainsi marquée par une anomalie du flux de chaleurchaleur et par le développement de nouveaux volcans.
Une activité sismique inhabituelle liée au réveil d’un volcan sous-marin
Rien d'étonnant, dans ce genre de contexte, à ce que les scientifiques observent une activité sismique. Cette activité se localise ainsi majoritairement au niveau de la zone de subduction résiduelle sous la forme d'événements compressifs, ainsi qu'au niveau du détroit, en lien avec des mouvements extensifs ou cisaillants le long de faillesfailles. Ces évènements sismiques sont cependant de puissance modérée.
En regard de cette sismicité régionale, l'essaim de séismes enregistré depuis 2020 à la particularité d'être bien plus puissant, avec notamment un pic d'activité en octobre et novembre 2020, où deux séismes de magnitude 5,9 et 6 ont été enregistrés.
L'essaim sismique a de plus été localisé à proximité du volcan sous-marin Orca. Ce volcan, qui s'élève de 900 mètres au-dessus du fond océanique du détroit de Bransfield, était jusque-là considéré comme inactif. Pour les scientifiques ayant analysé les données, cette activité inhabituelle pour la région pourrait être significative d'un réveil du volcan.
Leurs résultats, publiés dans Nature Communications Earth and Environment, suggèrent que cet essaim de séismes serait lié à une intrusion de 0,26 à 0,56 km3 de magma sous le volcan. Pour les scientifiques, il est probable qu'une éruption sous-marineéruption sous-marine soit en cours, même si elle n'a pour l'instant pas été confirmée par des anomalies de température de l'eau en surface.