Non, il ne s’agit pas de l’été indien, cette période ensoleillée à l’automne lorsque la forêt se pare de rouge et d’or. Ces taches rouges sur tapis vert sont les conséquences de la sécheresse. De plus en plus de sapins des Vosges se meurent sur pied, la chaleur accélérant leur mort à grande vitesse. Tout un patrimoine forestier est en péril, appelant la mise en œuvre de mesures d'urgence.
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Vert est la couleurcouleur qui domine sur les hauteurs de Masevaux dans le Haut-Rhin. D'habitude, et tout au long de l'année. Aujourd'hui, nul besoin d'aller très loin dans le bois pour découvrir des sapins aux épines couleur rouillerouille, certains avec des pans d'écorce à terre. Ces arbres meurent de soif, victimes de la sécheresse de 2018. La canicule précoce et le déficit hydrique de ce début d'été ne font qu'accélérer le mécanisme. Ce constat augure du pire pour le printemps 2020 à venir, explique Cédric Ficht, directeur de l'agence de Mulhouse de l'Office national des forêts (ONF).
« On pense qu'on est au début du phénomène plutôt qu'au milieu », avec une fréquence accentuée de sécheresses importantes comme signe clair du réchauffement climatique, avertit le forestier. L'arbre peut mourir en quelques semaines dès que la cime commence à rougir, puis les sapinières affaiblies font la joie des parasitesparasites. «Je n'ai jamais vu la forêt comme ça », s'inquiète le maire de Masevaux, Laurent Lerch. Pour le natif de la commune, c'est un crève-cœur, un patrimoine qui disparaît.
“On pense qu'on est au début du phénomène plutôt qu'au milieu”
En six mois, 100.000 m3 de sapinssapins ont séché sur la moitié sud du Haut-Rhin. En Suisse, dans l'Ajoie, les hêtreshêtres ont déjà dépéri ou sont en passe de l'être sur une surface identique, a prévenu le canton du Jura que le gouvernement helvète décrit officiellement comme « catastrophe forestière » et qui parle d'un phénomène « grave et inédit ». La cause étant due à cette année 2018, la plus chaude de l'histoire ; cela ne manque pas d'inquiéter nos voisins et spécialistes suisses que l'extrême rapiditérapidité du dépérissement surprend et qui dépasse leurs projections.
Cette tempête silencieuse est un crève-cœur
Ces morts d'arbres disséminésdisséminés sont « comme une tempêtetempête silencieuse » s'abattantabattant sur la forêt, alerte Cédric Ficht. Le vrombissement des tronçonneuses, suivi du bruit sourd de la chute, brise le calme de la nature. Cime nue et épines rougies, le sapin abattu était presque centenaire. Il aurait dû rester debout encore une cinquantaine d'années.
Les deux bûcherons en ont scié une vingtaine en une matinée. Et la rengaine se répète chaque jour, dans une course contre la montre pour tenter de tirer quelque chose de ces arbres morts avant qu'ils ne puissent finir en bois de chauffage ou en palettes. La commune de Masevaux (4.000 habitants) dégage environ 100.000 euros d'excédent de l'exploitation de sa forêt. Cette année, le maire espère au mieux équilibrer ses comptes : « Nos capacités de sciage ont été dépassées, le marché ne peut pas absorber ça », souligne Cédric Ficht. Ce semestre a compté l'équivalent de deux ans de coupe. Face à un marché saturé, une partie du bois est embarquée sur le Rhin, direction la Chine, et des aides de l'État sont espérées pour en transporter vers l'ouest de la France, en manque de bois de charpentecharpente.
L'invasion continentale des scolytes à l'attaque
Résineux très présents dans les Vosges -- mais encore plus en Allemagne, Autriche ou République tchèque --, les épicéas sont affaiblis par le manque d'eau ; dès lors, ils sont colonisés par les scolytes, des coléoptèrescoléoptères qui creusent des galeries sous l'écorce, avec pour conséquence d'empêcher la sève de circuler. Déjà 1,2 million de m3 en France ont été touchés en 2018, un volumevolume qui pourrait tripler en 2019. « On n'a jamais connu une crise de cette ampleur-là », explique Sacha Jung, délégué général de Fibois Grand Est, la fédération interprofessionnelle du bois. L'invasion est continentale : 60 à 80 millions de m3 d'épicéas en Europe ont déjà été infestés. Les acteurs de la filière bois se mobilisent pour que les bois malades soient coupés en priorité, transportés rapidement en scierie, et que des essences adaptées soient replantées afin d'éviter les friches.
La filière Bois se mobilise
Avec des arbres mettant 100 ans à grandir, la forêt doit déjà être adaptée aux conséquences du réchauffement climatique au siècle prochain. Épicéas et sapins se limiteront aux altitudes élevées, d'autres essences prendront le relais plus bas. Dans la Meuse, des essais sont réalisés avec des hêtres poussant actuellement à la latitudelatitude d'Aix-en-Provence. À Masevaux, des tests sont prévus avec l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Nancy pour définir les essences les plus adéquates. « On pense au cèdre, indique Laurent Lerch, le maire de Masevaux. Mais on ne va quand même pas aller jusqu'à l'olivier ! », plaisante l'Alsacien.