La hausse des températures dope l’appétit et la reproduction des insectes nuisibles, selon une nouvelle étude. De quoi engendrer d’importantes pertes dans les récoltes, notamment en France.

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    Le réchauffement climatique va-t-il provoquer une grave crise alimentaire ? Les alertes sont en tout cas en train de se multiplier. Il y a quelques jours à peine, des chercheurs de l'université Harvard (États-Unis) expliquaient que la hausse du CO2 dans l'airair pourrait réduire la qualité nutritive des aliments, menaçant 175 millions de personnes supplémentaires d'une carencecarence en zinczinc et 122 millions d'un déficit en protéinesprotéines.

    En juin, des chercheurs de la London School of Hygiene & Tropical Medicine (LSHTM) avaient calculé que les récoltes de légumes pourraient chuter de 31,5 % d'ici 2100 au rythme actuel du réchauffement climatique. En 2017, une autre étude publiée dans Pnas avait estimé que chaque degré en plus réduit d'environ 6 % le rendement du blé, de 3,2 % celui du riz et de 7,4 % celui du maïsmaïs.

    Des insectes plus nombreux et plus voraces

    Mais voici qu'une nouvelle étude de Science, ce 30 août, vient d'identifier une nouvelle menace : les insectes. Le rendement global des cultures de blé, de maïs et de riz devrait diminuer de 10 % à 25 % pour chaque degré supplémentaire en raison des pertes causées par les insectes, assurent les chercheurs, qui ont examiné 38 espèces de nuisibles. À cela, deux explications. D'une part, la chaleurchaleur augmente le taux métabolique des insectes. « Plus la température est élevée, plus leur appétit augmente, ce qui est dévastateur pour les cultures », constate Scott Merrill, chercheur à l'université du Vermont et coauteur de l'étude.

    Les insectes pourraient causer une chute de 10 % à 25 % des récoltes pour chaque degré supplémentaire. © Martina, Fotolia

    Les insectes pourraient causer une chute de 10 % à 25 % des récoltes pour chaque degré supplémentaire. © Martina, Fotolia

    Deuxièmement, la population de ces insectes va augmenter dans les régions tempérées, grosses productrices de céréales, comme la Chine, les États-Unis et la France. Cette dernière devrait être l'un de pays les plus impactés, car elle est l'un des principaux producteurs mondiaux de maïs et de blé, asserte Scott Merrill. Au niveau global, les pertes additionnelles s'élèveraient à 46 % pour le blé, 31 % pour le maïs, 19 % pour le riz en cas de réchauffement de 2 °C. Des céréales qui représentent à elles trois 42 % des caloriescalories nécessaires à l'humanité ; c'est dire les conséquences que cela pourrait avoir avoir sur la disponibilité alimentaire mondiale.

    Cette inquiétante prévision est peut-être même sous-estimée, pense May Berenbaum, une entomologisteentomologiste de l'university de l'Illinois, qui n'a pas participé à l'étude. « Une hausse du CO2 atmosphérique affaiblit la capacité des plantes à produire des toxinestoxines les protégeant des insectes », explique-t-elle. À l'inverse, d'autres facteurs pourraient venir modérer ce résultat. De nombreux insectes ont, par exemple, besoin de bactéries symbiotiques pour digérer les nutrimentsnutriments qu'ils ingèrent. Or, ces bactériesbactéries sont elles aussi très sensibles aux hausses de température et leur disparition pourrait donc conduire à une diminution des populations d'insectes. La sécheressesécheresse, qui devrait s'accroître en cas de réchauffement, est elle aussi néfaste au développement des insectes.

    La France, grosse productrice de blé et de maïs, figure sur la liste des pays les plus touchés. © Damien Roué, Flickr

    La France, grosse productrice de blé et de maïs, figure sur la liste des pays les plus touchés. © Damien Roué, Flickr

    La biodiversité des insectes menacée

    Enfin, il faut souligner que tous les insectes ne sont pas des nuisibles. La plupart d'entre eux jouent, au contraire, un rôle primordial dans la chaîne alimentairechaîne alimentaire et la pollinisation des plantes. L'Inra estime à 153 milliards d'euros la contribution des pollinisateurs (essentiellement les abeilles) à la production alimentaire mondiale. Or, ces dernières semblent en grand danger. En Europe, le taux de mortalité atteint 80 % dans certaines ruches, notamment en raison de l'utilisation excessive de pesticidespesticides comme les néonicotinoïdes. En 2017, une étude publiée dans la revue Plos One indiquait un déclin de près de 80 % des populations d’insectes sauvages en Allemagne au cours des trois dernières décennies. Un résultat qui peut donc sembler contradictoire, mais l'étude de Science s'est, elle, concentrée sur 38 espèces de nuisibles et sur les effets du réchauffement. 

    Les solutions préconisées par les chercheurs, à savoir l'utilisation accrue de pesticides, une rotation accrue des cultures ou le recours à des graines résistantes aux insectes et à la hausse des températures, risquent ainsi d'avoir des effets secondaires sur la biodiversitébiodiversité. Dans ce cadre, il n'y aura pas de réponse facile.