Si microscopiques soient-elles, les diatomées, ces algues unicellulaires qui peuplent nos océans, sont d’un grand intérêt scientifique. Elles représentent notamment une piste pour le piégeage du CO2 dans les fonds marins. Dans l’espoir de mieux les apprivoiser et, pourquoi pas, de maîtriser leur reproduction, des chercheurs se sont intéressés à leur vie sexuelle.

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    « Non seulement elles ont des relations sexuelles, mais nous pouvons même les encourager à en avoir. » C'est ainsi que Kimberly Halsey, microbiologiste à l'université de l’Oregon (États-Unis), résume les travaux de recherche menés par son équipe. Les résultats qui viennent d'être publiés montrent en effet que Thalassiosira pseudonana, une diatomée très étudiée, montre une activité sexuelle insoupçonnée chez ce groupe où le mode de reproduction asexuée est le plus courant. Pour ce faire, le très commun ionion ammonium peut lui servir d'aphrodisiaqueaphrodisiaque.

    Les diatomées sont des algues unicellulaires microscopiques. Elles forment l'essentiel du phytoplancton marin. Cependant, on les trouve dans tous les milieux aquatiques, des eaux douces aux eaux salées en passant par les eaux stagnantes ou les eaux courantes. Leur taille peut varier de quelques micromètresmicromètres à plus de 0,5 millimètre. Leur squelette en silice, appelé « frustule », est transparenttransparent et rigide. Il présente une forme et une ornementation particulières à chaque espèce.

    Ce qui rend les diatomées si intéressantes aux yeuxyeux des chercheurs, c'est le potentiel qu'elles représentent en matièrematière de nanotechnologiesnanotechnologies et de protection de notre environnement. Les diatomées, par exemple, assurent à elles seules quelque 20 % de l'activité de photosynthèse recensée sur notre planète. En capturant du dioxyde de carbone (CO2), elles produisent ensuite environ un cinquième de l'oxygène (O2) que nous respirons. De quoi envisager de les exploiter pour lutter contre l'accumulation de CO2 et les changements climatiques qui en résultent.

    <em>Thalassiosira pseudonana</em> est une diatomée centrique marine. Sur cette image, en bas, la flèche blanche pointe des spermatozoïdes (en rouge) de la diatomée. Les flagelles sont quant à eux pointés d’un triangle (en haut et en bas sur l'image) ; ils permettent aux spermatozoïdes de voyager jusqu’à un œuf à fertiliser. © <em>Oregon State University</em>, CC by-sa 2.0

    Thalassiosira pseudonana est une diatomée centrique marine. Sur cette image, en bas, la flèche blanche pointe des spermatozoïdes (en rouge) de la diatomée. Les flagelles sont quant à eux pointés d’un triangle (en haut et en bas sur l'image) ; ils permettent aux spermatozoïdes de voyager jusqu’à un œuf à fertiliser. © Oregon State University, CC by-sa 2.0

    L'ammonium stimule la libido des diatomées

    Pour en revenir plus particulièrement à Thalassiosira pseudonana, notons que le séquençage de son génome avait bien révélé la présence de gènesgènes précurseurs de la méioseméiose, un type de division cellulaire destiné à assurer la reproduction sexuée. Mais la plupart des chercheurs pensaient que cette espèce de diatomée avait simplement perdu la capacité, ou le besoin, d'y avoir recours. « Lorsque j'ai commencé à observer, chez ces organismes unicellulaires, des structures différentes de l'un à l'autre, j'ai d'abord pensé que mes cultures avaient été contaminées, raconte Éric Moore, un étudiant qui a participé à l'étude. Jusqu'à ce que je m'aperçoive que ces morphologiesmorphologies totalement différenciées correspondaient en réalité à des cellules mâles et des cellules femelles ».

    Le saviez-vous ?

    Thalassiosira pseudonana est le premier phytoplancton marin eucaryote dont le génome complet a été séquencé. Pourquoi ? Parce que cette espèce est largement répandue à travers le monde. Elle constitue ainsi un modèle pour les chercheurs qui étudient la physiologie des diatomées. Et, ce qui ne gâche rien, son génome est relativement réduit : il ne compte que 34 millions de paires de bases, soit un centième de ce que représente le génome humain.

    La reproduction des diatomées est pleine de mystères. Ainsi, les diatomées centriques telles que T. pseudonana sont apparues sur Terre il y a quelque 200 millions d’années. Lorsque le fer et la silice abondent et que le soleil brille, les diatomées se reproduisent en se divisant. Lorsqu’elles deviennent trop petites, elles se transforment en gamètes mâle et femelle pour donner naissance à des petites diatomées ayant retrouvé leur taille originelle.

    De tels résultats avaient déjà été mis en évidence sur des diatomées soumises à un stressstress (privation de lumièrelumière, changements de salinitésalinité ou dans la disponibilité des nutrimentsnutriments, etc.) en phase de croissance, mais sans que le phénomène ne puisse être reproduit de manière fiable. Aujourd'hui, les chercheurs de l'université de l'Oregon semblent en capacité de désigner l'ion ammonium comme leur aphrodisiaque ultime (ce composé commun, de formule bruteformule brute NH4+, est présent dans de nombreux produits nettoyants, désinfectantsdésinfectants et produits métaboliques des animaux). Enfin presque, puisqu'il faut tout de même associer sa présence à l'insuffisance d'au moins un autre facteur de croissancefacteur de croissance cellulaire des diatomées (lumière, phosphorephosphore ou silice).

    D'autres études devront venir préciser ces données, mais les chercheurs de l'université de l'Oregon assurent que leurs résultats devraient ouvrir la voie à de nouvelles méthodes de culture et d'élevage des diatomées. Objectif : sélectionner les traits d'utilité pour en optimiser l'exploitation.