Une nouvelle étude l'affirme : certaines plantes auraient le pouvoir d’augmenter l’activité sexuelle chez les primates, mais également l’agressivité...

au sommaire


    Les hormoneshormones guident notre comportement. L'œstradiol et le cortisolcortisol en particulier sont deux hormones stéroïdesstéroïdes influençant l'activité sexuelle et le stress chez les primates, y compris l'Homme. Mais certaines plantes produisent naturellement des phytoestrogènesphytoestrogènes, des composés non stéroïdaux, qui ont une structure similaire à l'œstradiol. Ces végétaux sont largement présents dans l'alimentation humaine, le sojasoja en est un exemple.

    Ainsi, si manger certains végétaux fournit des nutrimentsnutriments clés, cela pourrait bien influencer le niveau d'hormones et donc le comportement. Une équipe de l'université de Berkeley a récemment mis en évidence la connexion entre les plantes qui produisent des phytoestrogènes et le comportement de singes sauvages. Il semblerait que plus les animaux mangent les feuilles de la Millettia dura, une plante tropicale à fort taux de phytoestrogènes, plus leurs taux d'œstradiol et de cortisol grimpent. Un changement de comportement semble lié à ces augmentations. 

    Dopés aux stéroïdes, les singes deviendraient plus agressifs, augmenteraient la fréquence de leurs actes sexuels et passeraient moins de temps au toilettage, pourtant primordial pour eux. L'équipe de Berkeley a obtenu ces résultats en étudiant les singes colobes rouges d'Ouganda. Durant 11 mois, les chercheurs ont étudié leur alimentation et leur comportement dans le Parc national de Kibale, en Ouganda.

    Les colobes rouges du Parc national de Kibale, en Ouganda, sont friands d'eucalyptus, arbres à fort taux d'œstrogènes. Une grande consommation d'œstrogènes influe sur leur comportement. © Duncan, Wikipédia, cc by sa 2.0

    Les colobes rouges du Parc national de Kibale, en Ouganda, sont friands d'eucalyptus, arbres à fort taux d'œstrogènes. Une grande consommation d'œstrogènes influe sur leur comportement. © Duncan, Wikipédia, cc by sa 2.0

    Des singes plus agressifs sous œstradiol et cortisol

    Publiée dans la revue Hormones and Behavior, cette étude pionnière fait le lien entre l'alimentation et le comportement chez les primates. « C'est l'une des premières études effectuées dans un cadre naturel fournissant la preuve que les produits chimiques de plantes peuvent directement affecter la physiologie d'un primate sauvage et son comportement en agissant sur le système endocriniensystème endocrinien », explique Michael Wasserman, premier auteur de la publication. 

    L'équipe de recherche a centré ses observations comportementales sur la fréquence d'agression, indiquée par le nombre de poursuites et de combats, la fréquence de l'accouplement et le temps passé au toilettage. Pour étudier les variations d'hormones associées, l'équipe a récolté les échantillons de matièresmatières fécales sur 10 primates adultes mâles. Au total, 407 échantillons ont été analysés. 

    L'étude révèle une variation saisonnière dans la consommation de plantes œstrogéniques : d'une semaine à l'autre, la part de ces plantes dans l'alimentation des primates peut varier de 0,7 à 32,4 %. Clairement, chez les colobes rouges, des consommations plus importantes d'œstrogènesœstrogènes correspondent à des taux plus importants d'œstradiol et de cortisol.

    Le soja augmente-t-il l'activité sexuelle chez l'Homme ? 

    Les chercheurs montrent en outre que l'occurrence de certains comportements peut être affectée par des interactions complexes entre des hormones endogènes et les phytoestrogènes, en plus de facteurs tels que la quantité et la qualité de la nourriture ou la compétition pour les ressources. Ainsi l'interaction entre les phytoestrogènes et le comportement du colobe rouge est évidente, mais n'est pas linéaire. On peut se demander si l'impact sur l'Homme est le même. « Compte tenu du taux en phytoestrogènes que les produits à base de soja apportent à l'Homme, il est très utile d'en savoir plus sur l'exposition à ces composés chez les primates vivants et, par analogie, les ancêtres de l'Homme », ajoute Katharine Milton, coauteure de l'étude.

    Des recherches antérieures ont révélé que manger des plantes œstrogéniques peut également perturber la fertilité et affecter le comportement d’animaux comme les rongeurs, les singes et les moutons (plus d'agressivité, moins de contact corporel, plus d'isolement, plus d'anxiété et de troubles de la reproduction). L'équipe de Michael Wasserman s'intéresse maintenant aux chimpanzés, les primates les plus proches de nous. « Si les phytoestrogènes constituent une proportion importante du régime alimentaire des primates frugivoresfrugivores, et que la consommation a les mêmes effets physiologiques et comportementaux que ceux observés chez le colobe rouge, alors les plantes œstrogéniques ont probablement joué un rôle important dans l'évolution humaine. »

    Qu'en est-il pour les êtres humains ? D'après Michael Wasserman, on le saura prochainement. « Après avoir étudié les effets des phytoestrogènes chez les singes et les primates frugivores, on peut alors avoir une meilleure idée de la façon dont ces composés œstrogéniques peuvent influer sur la santé humaine et le comportement. »