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Dans la grotte Chauvet-Pont d'Arc, les hommes, il y a 30.000 ans, ont dessiné l'ours des cavernes, un autre habitant des lieux... © Ministère de la Culture et de la Communication, DRAC Rhône-Alpes, SRA
En Ardèche, la grotte Chauvet-Pont d'Arc ne recèle pas que de superbes œuvres pariétales laissées par des artistes qui ont vécu trente mille ans avant nous. Cet abri naturel avait déjà été utilisé par d'autres grands mammifères, les ours brun. Cette espèce (Ursus spelaeus)), disparue il y a quinze mille ans, est cousine de l'actuel ours brun et apparentée à l'ours blanc. Mais la phylogénèse (l'histoire évolutive) de cette lignée ursine est mal connue.
Pour la première fois, une équipe française a pu la reconstituer grâce aux quelques ossements trouvés dans la grotte Chauvet. Les chercheurs de l'Institut de Biologie et Technologies du CEA de Saclay ont pu extraire de ces restes de l'ADN mitochondrialADN mitochondrial. Cet « ADN mt », de petite taille, est enfermé, non pas dans le noyau de la cellule, mais dans les mitochondriesmitochondries, ces petits organitesorganites servant à la respiration cellulairerespiration cellulaire et se comportant de manière très autonomes (on pense d'ailleurs qu'il s'agit d'une lointaine descendance de bactériesbactéries symbiotiques qui ont choisi de vivre à l'intérieur de grandes cellules).
Le code génétiquecode génétique de ces mitochondries est donc très différent de celui de la cellule. Il intéresse pourtant prodigieusement les spécialistes de l'évolution car il ne se transmet que par les femelles, les spermatozoïdesspermatozoïdes étant dépourvus de mitochondries au contraire des ovulesovules. Il permet ainsi de reconstruire des lignées maternelles et est d'ailleurs utilisé pour des tests génétiques pour des expertises. De plus, avec un taux de mutation régulier et plutôt élevé, l'ADN mt représente une horloge moléculairehorloge moléculaire. C'est le terme consacré pour désigner le moyen de repérer les divergences survenant au sein de lignées d'organismes vivants au cours de leur évolution et produisant de nouvelles espèces. L'ADN mitochondrial se prête particulièrement bien à la phylogénie de lignées récentes. Mais les techniques à mettre en œuvre sont délicates, notamment à cause des précautions opératoires indispensables pour garantir que l'ADN extrait ne vient pas d'une contaminationcontamination.
La délicate opération d'extraction d'un ossement à l'intérieur de la grotte Chauvet-Pontd'Arc. ©M.-A. Garcia
Les gènes racontent l'histoire des espèces
A l'Ecole nationale supérieure (ENS) de Lyon, Catherine Hänni a défriché cette nouvelle spécialité de la paléogénétique. Ses travaux, dont les premiers concernaient justement l'ours des cavernes, servent aujourd'hui de référence. En 2006, son équipe a étudié l'ADN mitochondrial de l'Homme de Néandertal, confirmant qu'il est notre cousin mais pas notre ancêtre. Malgré ces belles réussites, les études de ce type restent rares. On peut citer celles concernant le moa (une espèce d'oiseau éteinte) et la disparition du mammouth.
Les mêmes techniques ont été utilisées sur les ossements de la grotte Chauvet, datés (au carbonecarbone 14), de 32.000 ans, c'est-à-dire, semble-t-il, un peu avant l'occupation humaine. Les biologistes du CEA ont pu extraire suffisamment d'ADN mt pour déterminer intégralement ses 17.000 nucléotidesnucléotides (les « lettres » du code génétique).
Cette longue liste a été comparée avec la séquence de l'ADN mt de l'ours brun actuel. Le taux de mutation connu a permis de déterminer assez précisément l'époque à laquelle vivait le plus récent ancêtre communancêtre commun aux deux espèces. C'était il y a 1,6 million d'années. La divergence, comme disent les biologistes, a produit deux lignées, dont l'ours des cavernes et l'ours brun actuel sont les représentants les plus récents.
Ce travail (qui vient d'être publié dans les Pnas, Proceedings of the National Academy of Sciences) montre bien l'efficacité de l'analyse génomiquegénomique (détermination des gènesgènes d'une grande quantité d'ADN) pour retracer l'évolution d'une espèce. Comme le souligne le CNRS, il illustre aussi comment des physiciensphysiciens, des biologistes et des paléontologuespaléontologues peuvent utilement travailler ensemble.