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C'est au Laboratoire de Moulis, plateau technique de la Fédération de recherche en écologieécologie toulousaine (1), que le ministère de la Culture a tout d'abord posé ces questions et qu'il a ensuite confié la surveillance du lieu. Dix ans après avoir formulé ses premières préconisations - maintenir le confinement de la grotte et veiller à son équilibre thermodynamiquethermodynamique (2), l'équipe du laboratoire, associée au bureau d'études GéologieGéologie, environnement, conseil (3), confirme ses choix. Car « une grotte, c'est avant tout une usine chimique très complexe et dynamique, creusée dans le massif calcairecalcaire
», explique Alain Mangin, qui a « depuis trente ans le nez collé à la paroi ».
L'arrière-train dédoublé de ce bison et la multiplication de ses pattes rendent sa course dynamique et créent une fausse perspective de deux animaux côte à côte. Une œuvre que le public n'ira jamais contempler à Chauvet, pour mieux la préserver.
© Ministère de la Culture et de la Communication, Direction régionale des affaires culturelles de Rhône-Alpes, Service régional de l'archéologie
La particularité de ce milieu ? Une impressionnante stabilité des températures, de l'humidité et de la teneur en gaz carboniquegaz carbonique (CO2)). « C'est le cas à Chauvet, où, poursuit le physicienphysicien, l'airair affiche invariablement 12,9 °C, avec toutefois des variations de quelques centièmes de degrés. »
Ce que cela signifie ? Que la moindre variation trahit un déséquilibre du système ! Or, c'est l'état d'équilibre qui garantit l'exceptionnelle conservation des peintures préhistoriques. Ainsi, les chercheurs surveillent de très près les températures de la roche, de l'air, de l'eau - celle qui s'écoule et celle en stagnation -, les taux d'hygrométriehygrométrie (voisin de 100 %), de CO2 (jusqu'à 3 %), de radonradon (4) et la pression atmosphériquepression atmosphérique. Tous ces paramètres, aussi importants les uns que les autres, renseignent sur les échanges de Chauvet, milieu confiné mais pas hermétique, avec l'extérieur.
Les chercheurs ont calculé les perturbations artificielles : la chaleurchaleur d'un visiteur - 55 kilocalories en moyenne émises en une heure - et celle de l'éclairage. Ces données leur ont servi à déterminer le seuil au-delà duquel la grotte n'assimile plus les changements : 109 visiteurs par jour sur une duréedurée de une heure mais 38 seulement si ceux-ci stationnent une heure au même point lors d'une descente de deux heures. Autres éléments de réponse nécessaires à l'aménagement de la grotte : ne pas modifier la couverture végétale extérieure, qui protège contre l'infiltration des eaux. Ensuite, limiter l'agrandissement de la chatièrechatière d'accès à 0,70 m de haut et 0,30 m de large, ce qui laisse la possibilité de passer à quatre pattes tout en maintenant le débitdébit d'air initial à 30 l/s 5.
Bref, l'ensemble reste d'une telle complexité qu'on ne peut le modéliser. Par ailleurs, pour Alain Mangin, « il est illusoire de vouloir traiter une paroi car on ne peut l'isoler du massif rocheux. De même, toute intervention pour modifier le milieu semble dangereuse. »
On a pourtant déjà entrepris de pomper le CO2 en excès à Lascaux. Mais sans connaître l'état naturel de la cavité, cela peut avoir des effets pervers. Au final, tous les indices scientifiques confirment que l'accès du public à ces grottes-patrimoines ne pourra jamais être possible.
Magali Sarazin
1. Laboratoire CNRS / Université Toulouse-III / INP Toulouse / Inra.
2. Par l'étude des échanges entre les diverses formes d'énergieénergie, des états et des propriétés de la matièrematière, des transformations d'état et des phénomènes de transport.
3. Dirigé par François Bourges : Consulter le site web
4. L'uraniumuranium, lors de sa désintégration, produit du radon en quantité constante.
5. L'air est totalement renouvelé en 3 heures.
Contact
Alain Mangin
Fédération de recherche en écologie de Toulouse
[email protected]