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Pendant près de 100 000 ans, il a régné sur l'Europe entière. Il savait chasser, fabriquer des outils et enterrer ses morts. C'était un humain, mais ce n'est pas nous… Dermoplastie d'Elizabeth Daynes. Crédit : Ph. Plailly
L'une a séquencé 65 250 de paires de bases et l'autre un million. C'est un tour de force qu'ont réussi deux équipes en parvenant à décrypter une partie de l'ADNADN récupéré dans des ossements fossilesfossiles de néandertaliens. Jusqu'ici, les paléontologistes n'étaient parvenus à étudier que l'ADN contenu dans les mitochondriesmitochondries. Ces organitesorganites cellulaires possèdent un petit génomegénome de 16 000 paires de bases (les « lettres » du code génétiquecode génétique), complètement différent de celui de l'organisme. Ces mitochondries ne se transmettant que par la mère, les analyses de cet ADN permettaient donc de retracer des lignées. Elles ont démontré que Homme de Neandertal est notre cousin, et pas notre ancêtre, mais ne permettent pas de remonter à ses caractéristiques génétiques.
Svante Pääbo dirige le département d'anthropologie évolutionnaire à l'Institut Max PlanckMax Planck (Leipzig). Avec une équipe croate et l'aide d'une société américaine spécialisée dans le séquençageséquençage, 454 Life Sciences, il s'est lancé dans l'étude de l'ADN prélevé sur des restes fossiles vieux de 38 000 ans. Tous les fragments d'ADN récoltés ont été amplifiés (c'est-à-dire recopiés en de nombreux exemplaires) puis analysés par la technique du pyroséquençage, la méthode la plus rapide de toutes, capable de lire en même temps des milliers de bases. C'est un million de paires de bases que l'équipe a pu déterminer, réussissant une vraie prouesse technique. Mais c'est encore peu par rapport aux 3,2 milliards présentes chez l'être humain, une valeur sans doute peu différente chez notre cousin néandertalien.
Edward Rubin, responsable du Joint Genome Institute, en Californie, avait, deux ans auparavant, contacté Svante Pääbo pour tenter lui aussi de récupérer de l'ADN non mitochondrial dans ces mêmes restes fossiles. Son équipe a procédé un peu différemment en utilisant des bactériesbactéries vivantes pour multiplier les gènesgènes à étudier.
De l'ADN non mitochondrial a pu être extrait d'un fossile d'Homme de Neandertal, vieux de 38 000 ans, découvert dans la grotte de Vindija, en Croatie. Credit : MPI-EVA
Mais, sur des restes fossilisés, il ne suffit pas de déterminer la succession des bases de tous les fragments d'ADN trouvés. Il faut surtout les distinguer de l'ADN laissé sur place par les innombrables microbesmicrobes qui sont un jour passés par là. Plutôt que de trier les échantillons, les chercheurs ont tout analysé, aveuglément, puis fait le tri à l'aide d'un logiciellogiciel informatique, qui ne retenait que les séquences suffisamment proches de celles des êtres humains.
Quatre cent mille ans nous séparent
D'importantes conclusions ont pu être tirées de ces deux travaux, qui viennent d'être publiés simultanément dans Nature et dans Science. Comme on s'y attendait, le génome de l'Homme de Neandertal ne diffèrerait du nôtre que de moins de 0,5 %, un écart à peu près deux fois plus faible de celui qui nous sépare des chimpanzéschimpanzés. Mais il va dans le même sens que plusieurs études récentes : Homo sapiensHomo sapiens et Homo neandertalensisHomo neandertalensis (ou neanderthalensis) sont bel et bien génétiquement différents. Sur la question du métissage, la réponse la plus communément admise désormais est qu'il y a peu de chance qu'il ait eu lieu et que, s'il a existé, il est resté insignifiant dans l'histoire de ces deux lignées d'humains.
Sur le moment où les deux espècesespèces ont divergé, les deux équipes ne trouvent pas la même réponse mais sont d'accord pour la repousser loin dans le passé. D'après l'équipe de Leipzig, ce moment devrait se situer entre 465 000 et 569 000 ans. Rubin et ses collaborateurs, eux, annoncent 700 000 ans pour le dernier ancêtre communancêtre commun entre) mais pensent que les deux lignées ont génétiquement divergé à partir de 370 000 ans.
Ces résultats méritent d'être approfondis et, surtout, il faudra poursuivre le séquençage, qui ne concerne pour l'instant que 0,03 % du génome du toujours énigmatique Homme de Neandertal. Svante Pääbo espère bien, après le succès de ces deux travaux, trouver des subsides pour terminer le séquençage de nos cousins dans deux ans.