C'est devenu un véritable casse-tête pour les géologues : les plaques tectoniques bougent-elles à cause des mouvements dans le manteau terrestre ou le manteau est-il entraîné par le déplacement des plaques ? Au lieu de tourner en rond avec une question insoluble depuis des lustres, une équipe de scientifiques a reconsidéré le schéma et d’après leurs simulations, c’est majoritairement la surface qui impose son style au manteau, et ce, même si le rapport de force évolue au rythme des supercontinents.

 


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    Quelles forces font bouger les plaques tectoniques ? Cette question reste ouverte depuis l'avènement de la théorie de la tectonique des plaques, il y a 50 ans. Les extrémités froides des plaques qui coulent lentement dans le manteau terrestre au niveau des zones de subductionzones de subduction sont-elles à l'origine des mouvementsmouvements observés à la surface de la Terre ? Ou bien le manteaumanteau agité de courants de convectionconvection entraîne-t-il les plaques ? Ce problème est devenu pour les géologues l'équivalent de l'histoire de la poule et de l'œuf : le manteau ferait bouger les plaques qui elles-mêmes entraîneraient le manteau...

    1,5 milliard d'années d'évolution de la planète reproduites dans un supercalculateur 

    Pour révéler les forces à l'œuvre, des scientifiques du Laboratoire de géologie de l'École normale supérieure (CNRS/ENS - PSL), de l'Institut des sciences de la Terre (CNRS/universités Grenoble Alpes et Savoie Mont Blanc/IRD/Ifsttar) et de l'Université de Rome 3 ont traité la Terre solidesolide comme un seul et unique système indivisible et réalisé la modélisation la plus complète à ce jour de l'évolution d'une planète fictive très semblable à la Terre. Les résultats de leur étude sont publiés dans Science Advances, aujourd'hui.

    Il leur a fallu s'armer de patience pour trouver les paramètres adaptés, puis résoudre un système d'équations pendant 9 mois sur un supercalculateur, reproduisant 1,5 milliard d'années d'évolution de la Planète.

    Rupture d'un supercontinent dans un modèle numérique de la dynamique de la Terre. 1 seconde = 10 million d'années. À gauche, la planète fictive modélisée ressemble beaucoup à la Terre : sa surface et son manteau se mettent en mouvement spontanément, à des vitesses proches de celles observées sur Terre. Le découpage des « plaques » est également similaire, ainsi que la topographie : les tons rouges représentent les zones peu profondes des océans (les dorsales) et le bleu indique les fonds marins profonds. Les parties bleues les plus sombres correspondent aux fosses de subduction (où une plaque plonge dans le manteau). Les continents sont en blanc translucide (et apparaissent donc en gris-violet). À droite, des courants chauds provenant du fond du manteau. © Nicolas Coltice

    Une mine d'informations qu'il va falloir exploiter

    Grâce à ce modèle, l'équipe a montré que les deux tiers de la surface de la Terre se déplacent plus vite que le manteau sous-jacent, autrement dit que la surface tire l'intérieur, et que les rôles sont inversés sur le tiers restant. Ce rapport de force évolue au cours de l'histoire géologique, en particulier pour les continents. Ceux-ci sont principalement poussés par les mouvements profonds du manteau lors des phases de constructionconstruction d'un supercontinent, à l'image de la collision actuelle entre l’Inde et l'Asie : dans ces cas-là, les mouvements observés en surface peuvent donc nous renseigner sur la dynamique du manteau profond.

    Au contraire, lorsqu'un supercontinent se disloque, le mouvement est plutôt dicté par celui des plaques qui plongent dans le manteau.

    Ce calcul représente une mine d'informations encore largement inexploitée. Les données obtenues pourraient aider à comprendre comment les dorsales naissent et disparaissent, comment s'initie une subduction, ou encore ce qui détermine la localisation des panaches à l'origine des grands épanchements volcaniques.