Depuis plusieurs mois, maintenant, les consignes de tri ont été élargies sur la quasi-totalité du territoire français. Tous les emballages sont désormais à déposer dans nos poubelles jaunes. Mais que deviennent-ils ensuite ? Pour le savoir, nous avons poussé la porte du centre de tri de Damazan, dans le Lot-et-Garonne. Il a été inauguré le 31 janvier dernier et a déjà traité plus de 8 000 tonnes de déchets.
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Au moment de descendre de voiturevoiture, j'ai comme un frisson qui court le long de mon dosdos. Marie qui m'a accompagnée jusqu'ici n'y est pour rien. Elle est chargée de mission par le syndicat ValOrizon qui fédère toutes les communautés de communes du Lot-et-Garonne. Le syndicat qui a investi dans le bâtiment de 2 880 m2 du centre de tri et que les habitués appellent Trivalo 47. Il est posé sur une friche industrielle réhabilitée. Nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir, car on y trouve notamment aussi un village du réemploi.
En attendant, avec Marie, je viens de prendre le temps de discuter tri et recyclage, mais aussi seconde vie et stratégies de réduction de notre production de déchets. Je me sentais plutôt à l'aise sur la question. Mais, à cet instant, celui où j'ai vu de mes propres yeuxyeux toutes ces balles de déchets empilées là, la tête a commencé à me tourner. Moi qui depuis maintenant quelques mois vide consciencieusement mes déchets recyclables dans le conteneur jaune... plusieurs fois par semaine ! Incontournable, me direz-vous ? Vous aurez raison. Mille fois raison. Et pourtant tellement loin d'être suffisant. C'est la réalité qui me saute à la figure avant même de pénétrer dans l'antre de la bête.
Des tonnes de déchets à recycler
Sur le parvisparvis, Jérôme nous attend, le sourire aux lèvres. Il travaille à la maintenance du centre de tri et il a l'airair fier de nous servir de guide. Le groupe Paprec qui l'emploie a investi ici quelque 9 695 000 euros dans les machines de ce centre de tri dimensionné pour traiter 15 000 tonnes de déchets par an. Soit une moyenne de 6 tonnes de déchets par heure. Le tout, 13 heures par jour et 4 jours par semaine. Objectif : trier 12 matièresmatières recyclables différentes. Du PETPET au PE et au PPPP, en passant par le PEHD, les papiers, les cartons, l'acieracier, les ferrailles ou encore l'aluminiumaluminium. Une bien belle bête !
Jérôme nous emmène d'abord vers l'extrémité du bâtiment qui s'ouvre comme une gueule béante. Le hall de réceptionréception, disent les spécialistes. Là, c'est Anthony qui nous raconte comment les camions-bennes par dizaines arrivent ici pour décharger nos déchets. Comment, surtout, lui manœuvre une grosse chargeuse pour nourrir la bête. Pour charger la trémietrémie d'alimentation, techniquement parlant. Avec quelque 280 tonnes de déchets recyclables -- ou supposés tels -- par semaine. Le chiffre me donne le tournis. Même s'il n'est qu'un chiffre de plus.
Pour nos déchets, une grande part de tri automatique
L'uppercut, je le prends au moment où nous entrons enfin dans le cœur du centre de tri. « Rien de tel pour prendre conscience », m'a dit récemment un neuroscientifique, « que d'éprouver les choses par ses sens ». Je n'en doutais pas. Mais désormais, je sais qu'il avait raison. Mes oreilles sont agressées par le bruit assourdissant des machines. Mes yeux ne savent plus où se poser tant il y a d'échelles, de tapis et de déchets qui circulent. À la vitessevitesse impressionnante de 4 mètres par seconde. De gauche à droite, de haut en bas. À l'horizontale ou à l'oblique. Certains tombent même. Il y en a par terre aussi. Des déchets partout. Et l'odeur...
Nous voilà partis pour une heure à percer les secrets de la bête. À passer de crible en crible. Il y a d'abord ceux qui permettent de séparer les gros cartons. Les décartonneurs. Puis des cribles à disques qui laissent passer les papiers et les emballages les plus fins. Alors que les autres rebondissent en surface. Viennent ensuite les séparateurs balistiques. Ils trient les déchets en fonction de leur poids et de leur forme. Les objets creux, les bouteilles ou les canettes, descendent. Alors que les objets plats montent. Et toujours le bruit. Les déchets qui filent. Les odeurs.
Il y a aussi l'« overband ». Un nom compliqué pour désigner un aimantaimant qui extrait du flux les déchets métalliques. Les boîtes de conserve, par exemple. Mais les emballages en aluminium, eux, sont captés par un champ magnétiquechamp magnétique. Les papiers, cartons et autres plastiquesplastiques sont dirigés vers des trieurs optiques. Ils sont capables de différencier les matériaux -- pas seulement le papier du plastique, mais aussi le plastique PET de nos bouteilles du plastique PP des emballages de beurre -- et même la couleurcouleur des déchets. Et de les séparer grâce à un jet d'air. C'est ainsi automatiquement que se réalise 90 % du tri de nos déchets.
La prévention au cœur de la gestion des déchets
Soudain, un nouveau bruit. Une alarme et tout s'arrête. Jérôme n'est pas surpris. En moyenne, les chaînes se retrouvent arrêtées une quarantaine de minutes par jour. « Parfois, il y a même des explosions », me raconte Anthony. En cause, des bouteilles de CO2 de type SodaStream, par exemple. Elles ne devraient pas être jetées dans les poubelles jaunes. Le long -- très long -- filet de plastique qui a provoqué l'indigestion de la bête cette fois non plus. Pourtant... « Il y a régulièrement des arrêts de chaîne, m'explique Marie. Surtout au démarrage d'un centre sur un nouveau territoire. À nous de mettre en place les mesures de prévention qui aideront les gens à faire le meilleur choix au moment de jeter quelque chose à la poubelle ».
Parce qu'il y a aussi ceux que les professionnels appellent les refus de tri. Ils ne sont pas dangereux. Et ne causent même pas forcément des arrêts de chaîne. Mais ils comptent pour près de 30 % des déchets qui passent sur les tapis du centre. Une chaussure, une peluche, une brosse à dents. Ou des emballages complexes comme les paquetspaquets de chips. Ils finissent tout de même en balle. Pourtant, aucun espoir de recyclage pour eux. Ils seront rachetés par des industriels gourmands en énergieénergie. Ils les valoriseront en CombustiblesCombustibles solidessolides de récupération (CSR).
Un objectif : toujours plus de déchets triés et recyclés
Pendant ce temps, la chaîne est repartie et nous sommes arrivés dans la cabine de sur-tri. C'est là que sont réalisés les 10 % de tri restant. Grâce à Sandrine et Nahel, entre autres. Postés devant leur tapis qui débitent les déchets à grande vitesse, ces valeureux valoristes mobilisent toute leur concentration et toute leur dextérité pour éliminer les derniers déchets indésirables des flux.
Mon regard est attiré par un voyant vert, au-dessus d'un tapis. Elle indique à Nahel qu'il doit trier les déchets qui seront orientés vers un énigmatique « flux dév ». Une affichette accrochée au murmur en précise la nature : emballages en PET coloré -- les bouteilles d’eau vertes, par exemple -- et opaque -- comme certaines bouteilles d'huile alimentaire --, les barquettes en PET -- celles que l'on distribue volontiers au rayon traiteur des supermarchés ou celles qui entourent nos tranches de jambon -- ou encore le PS -- le polystyrènepolystyrène des pots de yaourtyaourt. Et « flux dév », ça veut dire « flux développement ». Il est récupéré par Citeo -- l'entreprise créée par les industries du secteur de la grande distribution avec dans l'idée de réduire l'impact de ses emballages -- pour alimenter des filières de recyclage dites en développement. Environ 15 % des emballages en plastique qu'il faut collecter en plus grand nombre pour que leur recyclage devienne économiquement viable. Des emballages pour lesquels il faut encore trouver de vrais débouchés et parfois, résoudre quelques problèmes de recyclabilité.
Une fois bien séparés, plastiques, cartons ou métauxmétaux patientent dans des conteneurs de stockage. Jusqu'à être recrachés par la bête. Conditionnés par la presse à balle, dans la réalité. De retour sur le parvis, c'est Jean-Brice qui prend le relais avec son chariot élévateur. Pour empiler les balles en fonction de leur nature. La plupart des plastiques seront ensuite dirigés vers des usines de recyclage du groupe Paprec. Le reste attendra d'être racheté par un recycleur. Et cette boucle-là... sera bouclée !
