L'Amazonie et le Cerrado, les deux plus grands biomes brésiliens, connaissent les taux de déforestation illégale les plus élevés. Une vaste étude révèle que 20 % des importations vers l'Union européenne proviennent de ces terres déboisées. Pointant la responsabilité des marchés étrangers dans ce processus, elle démontre que le Brésil a les moyens d'inverser la situation et de protéger ces régions les plus riches du monde en biodiversité.
Un cinquième des exportations brésiliennes de soja et de viande bovine vers l'Union européenne (UE) provient de terres déboisées illégalement, révèle une étude publiée par la revue américaine Science. Intitulée Les pommes pourries de l'agro-business brésilien, cette étude est rendue publique dans un contexte de fortes réticences en Europe concernant la ratification de l'accord de libre-échange signé entre l'UE et les quatre pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), à cause de l'avancée de la déforestation amazonienne depuis l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro au Brésil.
L'étude a été réalisée par douze chercheurs au Brésil, en Allemagne et aux États-Unis, à l'aide d'un puissant logiciel qui a permis d'analyser 815.000 propriétés rurales et d'identifier des zones de déforestation illégale, surtout en Amazonie et dans le Cerrado, la grande savane du centre du pays.
Le Cerrado, l'autre région sacrifiée sur l'autel de l'agriculture intensive
« Entre 18 et 22 %, possiblement davantage, des exportations annuelles du Brésil vers l'Union européenne sont le fruit de la déforestation illégale », affirme Raoni Rajão, responsable du projet et professeur de l'Université fédérale de Minas Gerais (UFMG). Près de deux millions de tonnes de soja issues de propriétés où il y a eu de la déforestation illégale arriveraient en Europe chaque année, indique l'étude. Les producteurs de soja ont rejeté ces allégations, rappelant un moratoire de 2006 qui interdit l'achat de soja aux agriculteurs qui l'auraient cultivé sur des zones déboisées d'Amazonie.
« Le soja produit dans les zones déboisées illégalement (...) n'entre pas dans la chaîne productive du secteur », et ne peut donc pas être exporté, a assuré dans un communiqué l'Abiove (Association brésilienne des industries des huiles végétales). Pour ce qui est de la viande bovine, les auteurs ont trouvé que sur les 4,1 millions de têtes de bétail abattues par an, au moins 500.000 proviendraient de terres déboisées hors du cadre légal. Les auteurs relèvent cependant que « près de 80 % des agriculteurs brésiliens respectent le code forestier » et que le nouveau logiciel pourrait aider à « prendre des mesures rapides et décisives contre les contrevenants ».
Le manque de la volonté politique fait le jeu de la déforestation
Le Brésil a la capacité pour « devenir une puissance environnementale mondiale qui protège ses écosystèmes, en même temps qu'elle alimente le monde », soulignent les auteurs. Le pays « en a déjà les moyens, il ne manque que la volonté politique », ajoutent-ils.
« Les jungles au Brésil se trouvent à un point de rupture », prévient le professeur Britaldo Soares-Filho, coauteur et également chercheur à l'UFMG. M. Soares attribue cette menace à « l'impact des signaux politiques encourageant la déforestation et le fait d'accaparer les terres », en référence au soutien du président d'extrême droite aux projets qui visent à ouvrir les territoires indigènes et des réserves naturelles protégées aux activités minières ou agricoles -- celles qui favorisent le plus le déboisement.
Selon les chiffres officiels, la déforestation de l'Amazonie brésilienne a atteint un record avec une accélération de 25 % au cours du premier semestre par rapport à la même période de 2019. L'étude « pointe du doigt la responsabilité de tous les marchés étrangers dans ce processus ».
Le Cerrado et ses prairies fleuries Au premier plan, cette fleur est la Quaresmeira (Tibouchina granulosa), considérée comme une espèce pionnière. Cette variété est de petite taille mais on trouve l’espèce arbustive très répandue dans l’espace urbain au Brésil. Elle tire son nom de sa période de floraison pendant la période du carême. Ici, on la voit, épanouie, dans le parc national la Chapada dos Veadeiros, dont la flore comprend entre 350 et 400 espèces de plantes vasculaires par hectare et de nombreuses plantes endémiques.À l'arrière-plan, une végétation différente du Cerrado avec une prairie, clairsemée de palmiers burutis (Mauritia flexuosa) ou palmier-bâche. C'est l'un des plus grands palmiers d'Amazonie, pouvant atteindre 35 m de haut, il se rencontre aussi bien dans les zones submergées du Pantanal. Ce palmier est représenté sur le timbre du Brésil émis en 2006 et consacré au Parc national de la Chapada dos Veadeiros.© Marcio Cabral, tous droits réservés
La savane du Cerrado et sa cascade illuminée La région de la Chapada dos Veadeiros, au centre-ouest du Brésil, dans l'État de Goiás, regorge de sources et de cascades. Son parc naturel est classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Il est fréquent que des propriétaires terriens ouvrent leurs portes aux voyageurs qui peuvent profiter des bienfaits naturels des sources et s’y baigner. Comme dans cette ferme illuminée dans les environs de la ville d'Alto Paraiso, qui dispose de plusieurs sources et d’une eau complètement cristalline et potable. La ville est réputée pour avoir érigé le lâcher-prise au fronton du bien-être et pour avoir formé une sorte de communauté où se mêlent spiritualité païenne, ésotérisme et écologie.La plupart des forêts ciliaires du Cerrado referment les sources comme celle-ci. Huit des douze grands bassins hydrographiques du Brésil, dont le Pantanal, la plus grande zone humide au monde, prennent naissance dans cette jungle verdoyante. Mais la déforestation y fait son œuvre, provoquant peu à peu leur assèchement qui risque de provoquer une grave crise de l'eau dans un avenir proche.© Marcio Cabral, tous droits réservés
Les fleurs de la savane du Cerrado Comment ne pas succomber à la beauté de ce coucher de soleil sur ces fleurs sauvages, des Paepalanthus, de la famille des Broméliacées. Nous sommes ici dans le parc national de la Serra dos Pirineus (près de la ville de Pirinópolis) comprenant le plus haut sommet de la région, le Pico dos Pireneus (1.385 mètres) et qui est la ligne de partage des eaux de deux des plus importants bassins hydrographiques du continent, Platina et Tocantins. Une dizaine de ruisseaux naissent ici et les 26 chutes d’eau constituent une attraction touristique courue.Cette autre région du Cerrado du plateau central renferme une grande variété de plantes et d'animaux ainsi qu’une grande beauté paysagère et de formation rocheuse que les orchidées apprécient. Parmi les 18 espèces des Paepalanthus répertoriées dans le Cerrado, 16 sont endémiques, certaines sont classées en danger critique d’extinction, d’autres sont classées vulnérables. © Marcio Cabral, tous droits réservés
Les lagons d'eau douce du désert Des draps de sable froissés, un désert de sable blanc immaculé à perte de vue sous le soleil brûlant, des dunes et des lagons remplis d’eau douce, d’un bleu cristallin… Le paradoxe porté au plus haut, réunissant les quatre éléments, l’eau, la terre, l’air et le feu s’épousent dans une esthétique harmonieuse, des ondulations qui s’étendent sur 150.000 hectares. Ce miracle de la nature se situe dans le parc national des Lençois Maranhenses, situé dans l’État du Maranhão, au nord-est du Brésil. Ce désert, proche du delta du Rio Parnaíba, longe la côte Atlantique au nord-est du Brésil.C'est une succession de dunes sur plus de 100 km de diamètre, comptant plus de 30.000 lacs remplis par les eaux de pluie. Les Lençois Maranenses font partie du biome de Cerrado et ont déjà été recouverts de savane, raison pour laquelle on peut encore voir quelques arbres morts, vestiges de l’ancienne végétation. Il s’agit d’un processus de désertification naturelle et les dunes avancent et régressent en fonction du régime pluviométrique de ces derniers milliers d’années. Il n'y a que deux petites communautés vivant dans ce désert aux abords d’une oasis, à Queimada dos Britos et à Baixa Grande.© Marcio Cabral, tous droits réservés
Le Cerrado, le château d’eau du Brésil Le parc national de la Chapada dos Veadeiros est traversé par le Rio Preto, la principale rivière de ce parc. De multiples cascades, comme celle de Cariocas (notre photo), émaillent son parcours, formant des piscines d’eau limpides, toutes aussi spectaculaires les unes que les autres. Avec le Parc national Emas, il est l’un des principaux et derniers refuges du Cerrado pour la faune, tous deux classés au patrimoine mondial de l'Unesco, où de nouvelles espèces continuent d’être découvertes par les scientifiques.Dans cette aire protégée se trouvent de grands mammifères menacés d’extinction (le loup à crinière, le tatou, le jaguar, le cerf des pampas, et le fourmilier géant) et une grande variété d'oiseaux (l’ara, le toucan et le nandou, l’oiseau le plus grand d’Amérique du Sud) et de plantes. Ce parc a récemment été étendu pour protéger les zones menacées par l'agriculture.Ici, le photographe a fait le choix d’une pause longue, technique particulièrement indiquée pour figer les chutes d’eau qui apparaissent comme des longs voiles de coton.© Marcio Cabral, tous droits réservés
La nature du Cerrado, un feu d’artifice végétal Cet arbre, au premier plan, est typique du Cerrado, avec son tronc torsadé et ses racines profondes pour capturer l’eau souterraine. Les caractéristiques de cette savane sont bien identifiées, des précipitations saisonnières abondantes, un sol drainé et fertile mais aussi le feu naturel qui est l’un des facteurs structurants du biome du Cerrado. Il participe à la régénération ou à la résilience de certains végétaux.Ainsi, certains écosystèmes de savane se sont « adaptés » au passage du feu, développant une sorte de résistance aux incendies avec des écorces très épaisses, des feuilles coriaces, voire un degré variable de dépendance. Les lumières au loin proviennent de la ville d'Alto Paraiso qui s’endort sous l'arc de la Voie lactée à l'arrière-plan. Un éclairage au flash savamment maîtrisé révèle le paysage tout en rondeurs et toute l'harmonieuse beauté des fleurs sauvages de paepalanthus.© Marcio Cabral, tous droits réservés
L’herbe dorée du Cerrado L'herbe dorée (Syngonanthus nitens), une graminée qui tente de résister à l’invasion agressive de l'herbe rose du Natal (Rhynchelytrum repens), une plante d’Afrique australe, envahissante, et qui s'est adaptée à la savane.Pour cette raison, après la récolte des tiges de l’herbe dorée, les cultivateurs de l’État de Tocantins, la zone de production, ont l’obligation de disperser les graines dans les prairies afin de préserver l’artisanat qui en découle. L’herbe dorée sert à fabriquer nombre d’objets décoratifs et surtout des bijoux.L'arbre, à l'arrière-plan, est l'Embaúba (Cecropia angustifolia). C’est un arbre dont les tiges et des branches sont creuses. Espèce pionnière, il vit en symbiose avec les fourmis azteca qui vivent dans le tronc et le protègent de tout animal herbivore qui s’en approche.© Marcio Cabral, tous droits réservés
Sur les hauts plateaux du Cerrado Ces tours sont des formations de grès. Aux environs de Bahia, ce haut plateau est plus grand que la superficie du Portugal. Mais, en moins de 20 ans, cette zone, très fertile, a été complètement dévastée par l’agriculture et les plantations de soja ; seule, la limite de la montagne, environ 300 mètres, a été préservée. Le parc de Terra Ronca, au centre-ouest brésilien, dans l’État de Goiás est le plus grand complexe de spéléologie d'Amérique latine.À l’intérieur de ces quelque 300 grottes recensées, des sculptures prodigieuses, des rivières souterraines traversantes et des tonnerres d’écume d’eau cristalline se déversant en chutes d’eau impressionnantes. D’autres jaillissent à l’air libre, en provenance de rivières issues des hauts plateaux imperméables de la Serra Geral de Goiás. La plus spectaculaire est la cascade de 169 mètres de haut, nommée « Salto do Itiquira ».© Marcio Cabral, tous droits réservés
Le Cerrado, les termitières luminescentes Au début de la saison des pluies, entre septembre et octobre, les termitières du Cerrado se transforment en sapins de Noël bioluminescents. C’est ce moment qu’attendent les larves de coléoptères, tapies dans les murs épais de la termitière. Ces larves de lucioles sont des prédateurs se nourrissant, à la nuit tombée, d'insectes, notamment des termites ailés, ceux qui ont mué en insectes volants, chargés de fonder une nouvelle termitière, phénomène appelé essaimage. Des millions d’insectes ailés sont alors irrésistiblement attirés et happés par cette funeste lumière avant d'être engloutis par les coléoptères affamés.Le parc national d'Emas est le lieu où se produit ce phénomène incroyable, deux semaines par an. Il existe des milliers de termitières bioluminescentes qui ressemblent à une ville la nuit. Il n’est guère étonnant que les premiers colons découvrant cet endroit aient cru voir des fantômes. Outre les tumulus des termites, le parc Emas compte des rivières et des forêts siliceuses avec une grande variété d'oiseaux et de grands mammifères tels que le tapir, le cerf et le grand jaguar, le plus grand félin des Amériques.© Marcio Cabral, tous droits réservés
L'apparente sérénité du Cerrado Cette vue magique sur le jardin Maiteyra, est l’une des plus célèbres du Parc de la Chapada dos Veadeiros. D’ici, se découvre un horizon de grandes prairies et de palmiers burutis, de forêts qui indiquent la présence de sources d’eau. La composition de son sol permet à la végétation de développer un système racinaire très profond, permettant un ruissellement et une infiltration qui alimentent les nappes phréatiques importantes. Le Cerrado, berceau des eaux du Brésil, irrigue 8 des 12 régions hydrographiques du Brésil. Les bassins des quatre grands fleuves (Paraguay, Paraná, Tocantins-Araguaia, São Francisco) sont alimentés en majorité par les sources du Cerrado.La sérénité de ce paysage n’est qu’apparente : la consommation excessive d’eau, utilisée par les exploitations agricoles intensives, et la déforestation alarmante déstabilisent cette nature. Sur les quelque 11.000 espèces végétales que compte le Cerrado, près de la moitié ne se trouvent que sur ce territoire, nombre d'entre elles sont utilisées pour la nourriture, la médecine et l'artisanat.© Marcio Cabral, tous droits réservés
Le Cerrado et son champ de diamant végétal Ces paepalanthus qui étirent leurs filaments à l’aube naissante réfléchissent la lumière du soleil pour donner l'impression que ces plantes sauvages s’illuminent. À l'arrivée du printemps, c'est l'explosion et la renaissance de la vie végétale. Il existe 485 variétés de paepalanthus. Endémique au Brésil, elle s’épanouit dans d’immenses prairies dans le parc national de la Chapada dos Veadeiros. Ces champs de « diamant végétal » sont hautement menacés par l’agriculture intensive du soja qui constitue la plus grande menace sur ce territoire avec le pâturage et ses 200 millions de bovins recensés au Brésil. La déforestation est alarmante, atteignant 3 millions d'hectares par an, selon les estimations les plus prudentes. Cette photo a été primée lors de l'International Garden Photographer of the Year 2018.© Marcio Cabral, tous droits réservés
La rivière Prata au coucher du soleil Dans l’État de Goiás, le territoire de Kalunga se situe dans le parc national de la Chapada dos Veadeiros, au cœur du plateau central. C'est le point de départ de la plupart des rivières du Brésil. Ici aussi vivent les communautés autochtones Quilombolas et Kalunga, d’environ 7.000 habitants, gardiens de savoir-faire agricoles ancestraux et d’une connaissance des plantes médicinales.Les Kalunga sont une communauté vivant en quasi-autarcie depuis plus de deux siècles, ils sont des descendants d’esclaves fugitifs exploités dans les mines d’or du Brésil colonial au début du XVIIIe siècle. Ils s'en sont échappés et se sont réfugiés dans les montagnes, les grottes et à l'abri des cascades. Ils sont restés presque un siècle sans aucun contact avec la société moderne, ignorant que l'esclavage était terminé. Ce n'est que dans les années 1970-1980 que ces personnes ont été découvertes. Là encore, le photographe a exploité ici la technique de la pause longue particulièrement indiquée pour figer le tumulte du fil de l'eau.© Marcio Cabral, tous droits réservés
La mer de sable irréelle du Cerrado On peine à y croire... S'agit-il d'un mirage ? D'un miracle ? De jour, il n'y a que deux couleurs éblouissantes : le blanc étincelant du sable, le bleu du ciel et de l'eau. À l'aube et au crépuscule, les éléments se fondent en or et s'unissent dans un flamboiement céleste ! Au nord du Cerrado, dans le Nordeste, le parc des Lençois Maranhense s'étend le long de la côte atlantique. D'un côté, le rivage de la mer, de l'autre, 1.500 km2 de dunes froissées par le vent et de lacs turquoise remplis d'eau douce et limpide, les eaux de pluie qui s'abattent entre novembre et avril. Le vent et la marée de l'océan ont façonné ce paysage au fil des millénaires.© Marcio Cabral, tous droits réservés