Quelque 7,3 milliards de repas en moyenne sont servis chaque année en restauration collective d’après le Syndicat national de la restauration collective (SNRC) et les orientations de la loi EGalim ont fixé l’objectif de 20 % de produits bio dans les assiettes. Mais le seuil atteint n’est aujourd’hui que de 4,5 %, notamment en raison du manque de solution pour soutenir les cuisiniers dans cette démarche. D’où l’idée de « nona », un outil qui accompagne les acteurs de la restauration collective.


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    Depuis le 7 novembre 2022, Maïa est devenue Nona. Plus qu'un simple changement de nom, cette évolution correspond à la volonté de la start-up de mettre les petits plats dans les grands pour répondre à l'appétit de la restauration collective qui a soif de changement. Son cofondateur, Louis Sibille, en souligne d'ailleurs les efforts pour améliorer son impact social, économique et environnemental.

    Futura : Pourquoi ce changement de nom ?

    Louis Sibille : Nous cherchions un nom qui nous représente vraiment, et voulions associer notre image à moins de verticalité que ce que peut représenter le nom d'une déesse romaine Maïa. Nona, « grand-mère » en italien, correspond plus aux valeurs de bon sens, de proximité, de simplicité et de convivialité qui caractérisent la vision du bien manger que nous défendons avec notre solution.

    L'équipe Nona. © Nona
    L'équipe Nona. © Nona

    Futura : Justement, qu’est-ce que propose Nona ?

    Louis Sibille : Nona propose à tous les acteurs de la restauration collective un outil pour atteindre les objectifs EGalim. Il est disponible en trois versions, la plus basique se focalisant sur la conception des menus quand la plus approfondie permet de personnaliser ses recettes, gérer ses commandes, effectuer un suivi statistique de son gaspillage et de ses achats ainsi que gérer son plan de maîtrise sanitaire (PMS). L'outil « nona » a été co-construit avec ses utilisateurs, les cuisiniers de la restauration collective, pour qu'il réponde au mieux à leurs besoins. Leur métier a fortement évolué ces dernières décennies, leurs tâches quotidiennes se sont diversifiées. En plus de cuisiner des repas de qualité, ils sont tenus d'appliquer un nombre croissant de réglementations sanitaires et nutritionnelles, de gérer les budgets et les relations fournisseurs, et à cela s'ajoutent les exigences de la loi EGalim. Notre rôle avec nona est d'alléger le suivi administratif pour leur permettre de recentrer leur temps sur leur activité culinaire, tout en répondant aux exigences de la loi EGalim.

    Futura : Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec cette loi, pouvez-vous nous en rappeler les principaux tenants et aboutissants ?

    Louis Sibille : La loi EGalim est issue des États généraux de l'alimentation de 2017. Pour la restauration collective, l'ambition est d'améliorer la qualité des repas, par exemple avec l'objectif d'un taux d'approvisionnement de 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique. Sont aussi prévues des mesures sur la limitation du gaspillage alimentaire et du plastiqueplastique à usage unique, mais aussi sur la diversification des protéinesprotéines avec l'introduction de menus végétariensvégétariens hebdomadaires.

    Les défis de la restauration collective. © Nona
    Les défis de la restauration collective. © Nona

    Futura : Pourquoi votre start-up va changer le monde ?

    Louis Sibille : Malgré cette loi, malgré le fait que 7 enfants sur 10 mangent à la cantine et que plus de 14 millions de repas soient servis quotidiennement en restauration collective, seuls 4,5 % des produits cuisinés sont bio et moins de 1 % de l'approvisionnement est issu de circuits courts. Pourtant, les volumesvolumes de commandes de la restauration collective sont suffisamment importants pour soutenir le développement de filières agricoles plus durables. La commande collective en denrées alimentaires représente un véritable levier pour accompagner la résiliencerésilience alimentaire de nos territoires ainsi que leur transition agricole et alimentaire sur une voie plus écologique. L'enjeu est publiquement reconnu, comme en atteste l'importance accordée aux sujets d'alimentation et d'agricultureagriculture lors de la dernière élection présidentielle. Nona veut donner les moyens nécessaires à la restauration collective de faire évoluer son mode de fonctionnement et l'accompagne pour proposer une offre alimentaire plus durable à tous ces convives.

    Futura : Comment a grandi le projet ?

    Louis Sibille : Après avoir travaillé pour un investisseur qui m'a donné le goût de l'entrepreneuriat, j'ai pris conscience de l'importance des enjeux liés à l'alimentation lors d'une expérience professionnelle dans une start-up américaine du secteur des biotechnologies. En analysant le marché européen, je me suis aperçu que 50 % des denrées alimentaires sont jetées, qu'il y a une forte hausse de maladies liées aux pratiques alimentaires - comme le diabète - et que nos sociétés européennes font aussi face à d'importants enjeux de justice sociale en matièrematière d'accès à l'alimentation de qualité. J'ai alors participé à un projet de recherche sur l'accompagnement au bien manger pour toutes et tous, ce qui m'a permis de réaliser que la restauration collective pouvait être un vrai levier pour la transition alimentaire. Avec mon camarade de master Arthur Dion, nous avons décidé de fonder Nona, qui a ensuite été incubée par Makesense. Nous avons vraiment tenu à concevoir l'outil nona en co-constructionconstruction avec les professionnels de la restauration collective. Nous étions en effet conscients de la limite de nos connaissances, et convaincus que l'expertise des acteurs de terrain était la meilleure source d'information afin de développer une solution qui réponde au mieux aux besoins du secteur.

    Futura : Quelle est la suite de l’histoire ?

    Louis Sibille : Nous avons développé l'outil et l'équipe, qui compte désormais 18 personnes. Nous allons donc pouvoir aborder notre phase d'extension, sur le marché des cantines scolaires pour lequel nous avons actuellement 250 clients, mais aussi celui des collèges et lycées et celui des maisons de retraite. Concernant les Ehpad, nous sommes convaincus que l'alimentation est un enjeu majeur à la fois pour la santé physiquephysique et la santé mentale des résidents. Nous souhaitons également collaborer activement avec les Projets alimentaires territoriaux qui soutiennent l'installation d'agriculteurs, les circuits courts ou encore l'introduction de produits locaux dans les cantines. Nous nous sommes par exemple associés avec une coopérative de producteurs, Réseau Manger Bio, et l'antenne départementale de la Fédération nationale des agriculteurs biologiques de l'Isère pour proposer un accompagnement transversal aux établissements de la restauration collective et les reconnecter avec le secteur agricole local.

    Futura : Si vous étiez Premier ministre, quelle mesure phare mettriez-vous en place ?

    Louis Sibille : Pour rester sur le thème de l'alimentation, j'essaierai d'œuvrer en faveur d'une réforme de la Politique agricole communePolitique agricole commune (PAC) de l'Union européenne, qui représente environ un tiers du budget de l'UE. À mon avis, la PAC actuelle est trop orientée vers les grandes exploitations. Si on allouait ne serait-ce que 1 % de son montant à la restauration collective, cela donnerait les moyens aux cuisines collectives de choisir des sources d'approvisionnement plus locales, durables et bio. Le bénéfice est double : proposer une alimentation plus saine et équilibrée aux convives et soutenir le développement d'un modèle agricole plus durable.

    Futura : À quoi va ressembler le monde en 2050 ?

    Louis Sibille : Le monde sera probablement bien différent en 2050 et si nous faisons actuellement face à d'importantes crises, j'ai confiance en notre génération, consciente des enjeux de notre monde, et qui s'engage activement pour faire émerger des solutions en faveur de sociétés plus heureuses.

    Futura : Quel sujet d'actualité de Futura vous a passionné ?

    Louis Sibille : « Être seul ou malheureux nous fait vieillir plus vite que la cigarette » nous montre une fois de plus que nous sommes avant tout un animal social. Il est primordial de réfléchir à la place de la tech dans nos sociétés, redéfinir la notion de progrès et surtout continuer d'investir dans nos relations sociales !