L’essor urbain est une caractéristique du XIIIe siècle en Europe : dans les villes se produisent les principaux brassages de population, s’affirment de nouvelles institutions et apparaissent de nouveaux centres économiques et intellectuels. La ville acquiert une « personnalité » qui s’émancipe des structures féodales existantes et du monde rural.
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Pour définir la ville au Moyen Âge, le critère le plus important est celui de la démographie : peu de moyens sont à disposition des chercheurs pour quantifier la population puisque l’état civil n'existe pas encore. Il y a cependant des ancêtres de cadastrecadastre (les « compoix » dans le sud de la France) et des documents fiscaux qui dénombrent les foyers (pas les individus, estimés à quatre ou cinq par famille).
Le grand historienhistorien médiéviste Jacques Le Goff a eu l'idée de comptabiliser les couvents des ordres mendiants (franciscains, dominicains, augustins...)) qui s'installent volontiers dans les villes de plus de cinq mille habitants, pour une question de ressources alimentaires. Ainsi une grande ville (avec une population entre 20.000 et 40.000 habitants) peut compter quatre couvents ; une ville moyenne (10.000 habitants) en compte deux. Dans les petites villes (2.000 à 3.000 habitants), on ne trouve pas de couvent mendiant. Cela permet d'estimer la population de Paris à 250.000 habitants au début du XIVe siècle ; c'est l'exception française et européenne !
L'essor urbain voit la multiplication des villes moyennes et l'élargissement du nombre des grandes villes. Vers 1250, Paris est déjà la plus grande ville d'Occident ; Florence et Venise dépassent les 100.000 habitants, MilanMilan en compte 75.000, Bologne, Gênes, Londres et Gand 60.000, Barcelone 50.000. Ce sont les métropoles d'Europe occidentale au XIIIe siècle.
La croissance urbaine
La ville au Moyen Âge se développe à partir d'un noyau existant, relié à un ou des bourgs extérieurs, à un monastère. On constate, entre le XIe et le XIIIe siècle, une forte augmentation de la population qui favorise l'exode rural vers la ville. Les petites villes ont un rayon d'attraction d'une dizaine de kilomètres, les villes moyennes jusqu'à 30 kilomètres. Paris parvient à rayonner sur plus de 200 kilomètres, ce qui explique sa population exceptionnelle.
La croissance démographique résulte d'une augmentation de la production agricole, liée à l'amélioration des techniques de culture et aux grands défrichements qui se produisent dès le XIe siècle. L'historienne Claude Gauvard souligne que le système seigneurial particulièrement performant à cette période, est en grande partie à l'origine de la hausse de la productivité agricole, et par effet domino, de la croissance démographique et de la croissance urbaine. La reprise de l'essor urbain au XIe siècle, part des campagnes porteuses d'un essor agricole et de surplus commercialisables de plus en plus abondants.
L’autonomie administrative des villes au Moyen Âge
Dès le XIIe siècle, les villes revendiquent une plus grande autonomieautonomie administrative : en échange de contreparties financières versées aux seigneurs, elles obtiennent des privilèges en matière de justice et de défense des biens et se font concéder des chartes de franchises. La bourgeoisie devient une composante caractéristique de la ville : être bourgeois est un privilège urbain acquis selon le lieu, en habitant la ville, en étant propriétaire, en achetant le privilège de bourgeoisie...
A partir du XIIIe siècle, les souverains tentent d'imposer leur autorité sur les villes « privilégiées » : le roi se fait remettre la charte de franchises lorsqu'il entre dans une ville et la concède à nouveau en son nom aux autorités municipales, sous forme de privilège royal. La ville doit alors obéissance au roi et le souverain en profite pour y installer sa propre juridiction, limitant ainsi l'autonomie des bourgeois en matière de justice.
La ville médiévale, lieu d’échanges
Entre ville et campagne, les échanges sont quasi permanents : la campagne a besoin de la ville pour vendre et acheter, pour effectuer des démarches administratives, financières (emprunts) ou judiciaires (règlement de conflits). On peut parler de complémentarité puisque la ville exploite également les ressources (alimentaires) de la campagne. Une grande partie des urbains sont d'anciens ruraux venus chercher du travail en ville mais également une part de liberté dont ils ne disposent pas en étant les manants d'un seigneur.
La ville au Moyen Âge est un lieu essentiel d'échanges commerciaux, que ce soit entre ruraux et urbains mais aussi entre villes d'une même région. L'exemple de la Flandre fait apparaître un réseau de villes qui travaillent ensemble pour développer leurs activités artisanales. En Champagne, dès la fin du XIIe siècle, les grandes foires urbaines s'organisent autour de deux pôles : Provins et Troyes ; ensuite sont instituées les foires de Lagny et de Bar-sur-Aube. Les marchands vont d'une foire à l'autre, suivant un calendrier fixé pour pouvoir être présents à chacune d'elles.
Dans l'Occident médiéval, les réseaux urbains reposent sur trois types de villes :
- un grand nombre de petites villes vivent du marché hebdomadaire, des travaux agricoles et de quelques activités artisanales
- les capitales de province et de diocèse regroupent des marchands et des artisans plus nombreux, mais aussi des agents administratifs du roi ou de l'évêque pour les cités épiscopales
- les grandes métropoles sont capables de proposer une gamme diversifiée d'activités commerciales, artisanales, industrielles et financières à une échelle internationale.
Comment les villes prennent forme
Les grandes villes prospèrent sur des axes commerciaux actifs et au sein de riches terroirs agricoles, comme en France du nord-est et dans les Flandres. Une multitude de facteurs et de processus sont à prendre en compte dans le développement des villes :
- l'ancienne ville gallo-romaine fournit le noyau à partir duquel la ville médiévale s'étoffe ; de nombreuses villes moyennes et grandes sont issues d'un réseau urbain antique (Paris, Toulouse, Avignon, Arles, Poitiers, Besançon...)
- un noyau urbain peut se greffer à une abbaye, une église ou une forteresse ; avec le développement de la féodalité au XIe siècle, apparaissent des châteaux (ou mottes castrales) autour desquels s'installent les populations par souci de protection et d'enrichissement. Au XIIe siècle, les villes castrales sont présentes sur tout le territoire français (toponymie : Châteauneuf, Neuchâtel, Castelnaud...)
- la ville peut surgir ex nihilo comme les bastides du sud-ouest et les « villes neuves » du Bassin Parisien souvent liées aux grands défrichements. Les bastides sont un exemple de première planification urbaine au XIIIe siècle : fondées par les comtes de Toulouse puis les rois de France et d'Angleterre, elles contribuent à l'occupation du territoire, au contrôle de la population et au développement économique. Leur vocation est commerciale et les habitants bénéficient d'exemptions d'impôts et de droits seigneuriaux.
A savoir
Avec une population d'environ seize millions d'habitants au début du XIVe siècle, on estime que le royaume de France compte 32.500 paroisses (communautés de 700 habitants) et que la densité de population est de 40 habitants au km2 ; on dénombre alors 5 % de citadins pour 95 % de ruraux. Paris mise à part, les métropoles du royaume (plus de 30.000 habitants) sont Rouen, Arras, Saint-Omer dans le nord et Toulouse au sud.