Les grandes cités et le commerce mondial grignotent les forêts tropicales. Une étude américaine à grande échelle révèle ce changement des moteurs de la déforestation au 21ème siècle. Les politiques de lutte contre ce phénomène devraient donc s’adapter à cette évolution.

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    L’évolution en étoile de la déforestation, à partir des routes et des centres d’exploitation forestière. Le bois et les produits agricoles sont en majeure partie destinés aux marchés mondiaux. © Nasa / Earth observatory

    L’évolution en étoile de la déforestation, à partir des routes et des centres d’exploitation forestière. Le bois et les produits agricoles sont en majeure partie destinés aux marchés mondiaux. © Nasa / Earth observatory

    La destruction des forêts préoccupe les scientifiques depuis longtemps et ce, de plus en plus, à mesure que les forêts apparaissent comme un moyen efficace de lutter contre l’effet de serre. Le peu de succès des politiques contre cette déforestation, semblerait dû à une erreur de cible... En effet, l'équipe de Ruth DeFries, de l'Earth Institute de l'Université de ColumbiaColumbia vient de démontrer au cours d'une étude à grande échelle que les moteurs de la déforestation ont changé au 21ème siècle. Ses résultats viennent de paraître dans la revue Nature Geoscience. Désormais, expliquent les auteurs, la croissance urbaine et les exportations agricoles à destination d'un marché mondialisé sont directement corrélées à la régression des forêts tropicales.

    Jusqu'au 20ème siècle, le moteur principal de la déforestation était la croissance de la population rurale. Cette croissance s'accompagnait de celle de ses besoins et en conséquence du défrichement de forêts pour acquérir de nouvelles terres arables et construire de nouvelles routes. Les scientifiques supposaient que l'exode rural, en concentrant les populations dans les centres urbains, libérerait des terres et contribuerait à réduire la déforestation. Ils pensaient aussi que la mondialisation de l'agriculture permettrait aux populations de s'alimenter plus efficacement, grâce à l'amélioration agronomique possible et à la possibilité de s'approvisionner là où les produits sont moins coûteux.

    Pourtant, bien qu'en 2009 la population urbaine atteignit pour la première fois 50% de la population mondiale, la déforestation ne s'est pas réduite.

    En Bolivie, la forêt tropicale est grignotée par l’extension continue des cultures. Ces champs ne sont plus à destination des marchés locaux mais destinés aux exportations. © Nasa / <em>Goddard Space Flight Center Scientific Visualization Studio</em>

    En Bolivie, la forêt tropicale est grignotée par l’extension continue des cultures. Ces champs ne sont plus à destination des marchés locaux mais destinés aux exportations. © Nasa / Goddard Space Flight Center Scientific Visualization Studio

    Croissance du niveau de vie, décroissance de la forêt

    De 2000 à 2005, l'équipe de l'Earth Institute a comparé l'évolution de la couverture forestière d'Amérique latine, d'Afrique et d'Asie, à l'aide de photos satellites, aux tendances démographique et économique de 41 pays. De la sorte, la plupart des zones tropicales ont été couvertes par l'étude.

    L'analyse statistique de ces données a révélé que les forts taux de déforestation en zone tropicale sont corrélés avec la croissance des villes et, en Asie particulièrement, la croissance des exportations agricoles. En revanche, il n'y a aucune corrélation avec la croissance de la population rurale. Les moteurs du défrichement ont donc changé...

    Selon les chercheurs, les causes principales actuelles de la déforestation seraient l'accroissement du niveau de vie, et donc des besoins, des populations urbaines par rapport aux populations rurales ainsi que la forte demande internationale en produits agricoles. L'engouement des pays industrialisés pour les biocarburants, par exemple, a multiplié les cultures énergétiques comme le palmier à huile en zone tropicale.

    Or ces deux pressionspressions vont s'accroître dans les années futures. Les projections de l'ONU indiquent en effet qu'en 2050 les deux tiers de la population mondiale seront urbaines, en conjonctionconjonction avec le développement du niveau de vie des pays émergentsémergents. Selon Ruth DeFries, les politiques de lutte contre la déforestation devraient se concentrer sur les réelles causes du défrichement, par exemple en améliorant les rendements agricoles à l'hectare, et ne plus se focaliser sur les petits propriétaires terriens.