Après la conquête islamique jusqu’à l’Espagne, en passant par le Maghreb aux VIIe et VIIIe siècles, les échanges commerciaux connaissent un développement considérable en Méditerranée. Au Xe siècle, ce carrefour de trois civilisations latine, byzantine et musulmane, est parcouru par de multiples routes maritimes qui lient Occident et Orient. À partir du XIIe siècle, la Méditerranée et les mers septentrionales (mers du Nord et Baltique) vont devenir les deux grands carrefours commerciaux de l’Europe médiévale.


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    Dès la fin du VIIIe siècle, la ville de Bagdad (fondée en 762) représente la plaque tournante du commerce mondial vers laquelle convergent les principaux itinéraires.

    Le commerce au Moyen Âge en Orient 

    Les marchands musulmans utilisent les routes terrestres et maritimes pour sillonner leur immense empire. Ils réussissent à s'aventurer en Extrême-Orient jusqu'aux limites du monde connu (Chine), d'où ils rapportent céramiquescéramiques et soieries. Les califes encouragent l'essor du commerce et les marchands jouissent d'un grand prestige dans la société islamique : ils disposent d'une protection juridique et d'un système bancaire particuliers.

    Ville ronde de Bagdad, capitale abbasside fondée en 762. Auteur anonyme. © Histoire islamique.
    Ville ronde de Bagdad, capitale abbasside fondée en 762. Auteur anonyme. © Histoire islamique.

    Au Xe siècle, Bagdad perd sa position dominante au profit du Caire, lorsque les califes fatimides établissent leur domination sur l'Égypte et la Syrie. Une partie du trafic oriental (qui passait par le golfe Persique) est détournée vers les ports de la mer Rougemer Rouge, acheminée par caravanes jusqu'au Nil puis au Caire. La ville d'Alexandrie devient un port incontournable pour les échanges avec l'Occident chrétien ou musulman.

    Le commerce au Moyen Âge en Méditerranée

    La Méditerranée est le lieu d'un événement majeur du Moyen Âge : les croisades dont la première est prêchée en 1095, aboutissent à la constitution d'États latins en Terre Sainte. L'espace méditerranéen demeure l'aire privilégiée d'échanges commerciaux, de transmission de savoirs culturels et scientifiques. Le développement du grand commerce au Moyen Âge doit peu aux croisades, qui sont avant tout des entreprises militaires initiées par la Chrétienté. Malgré des affrontements presque permanents, les liaisons commerciales entre Orient et Occident ne s'interrompent pas : les emprunts à l'Orient (épices, fruits, papier, astrolabe, cartes nautiques...) sont très nombreux.

    Miniature tirée du<em> Livre des Merveilles,</em> Marco Polo et autres auteurs ; traduction du XIV<sup>e</sup> siècle, exemplaire édité au XV<sup>e</sup> siècle : marchands d'épices arabes. Bibliothèque nationale de France. © gallica.bnf.fr, BnF
    Miniature tirée du Livre des Merveilles, Marco Polo et autres auteurs ; traduction du XIVe siècle, exemplaire édité au XVe siècle : marchands d'épices arabes. Bibliothèque nationale de France. © gallica.bnf.fr, BnF

    La Reconquista (guerres des royaumes chrétiens d'Espagne pour reconquérir les territoires musulmans) favorise l'arrivée des marchands catalans et l'essor du port de Barcelone. La majeure partie du trafic d'Al-Andalus et du Maghreb vers la Syrie et l'Égypte, s'effectue cependant grâce aux navires de quatre républiques maritimes italiennes, Amalfi, Pise, Venise et Gênes, qui développent leur emprise commerciale dans tout l'espace méditerranéen. Elles importent des matières premières (coton, soie, épices) et exportent des textiles, des armes, du verre, demandés dans toute la Méditerranée.

    Les grandes foires internationales

    Les tissus orientaux sont concurrencés par ceux produits dans les grandes villes drapières des Flandres et vendus aux marchands italiens dans les foires de Champagne, plaques tournantes du commerce international à partir du XIIe siècle. Les deux pôles du commerce médiéval étant situés sur l'axe mer du Nord-Méditerranée, les grandes foires tiennent une place déterminante et les négociants y deviennent de véritables hommes d'affaires. Les foires se déroulent dans toute l'Europe : Londres, Reims, Châlons-en-Champagne, Troyes, Cologne, Leipzig, Genève...

    Scène de foire dans <em>Le Chevalier Errant</em> de Thomas de Saluces, vers 1403. Bibliothèque nationale de France, manuscrit français 12559, folio 167. © gallica.bnf.fr, BnF
    Scène de foire dans Le Chevalier Errant de Thomas de Saluces, vers 1403. Bibliothèque nationale de France, manuscrit français 12559, folio 167. © gallica.bnf.fr, BnF

    Elles durent six ou sept semaines selon un calendrier fixé pour qu'elles puissent avoir lieu l'une après l'autre. Les affaires conclues lors de ces foires internationales, encouragent la production artisanale et stimulent les progrès techniques. L'Occident impose son hégémonie économique : sa croissance se traduit par le commerce des surplus agricoles et des produits artisanaux fabriqués en grande quantité : draps de laine et armes, boisbois et fer... En échange, les épices, l'alunalun et la soie brute alimentent les nouveaux marchés d'Italie du Nord et des Flandres.

    La puissance commerciale de Venise

    Dès le Xe siècle, les marchands vénitiens se sont installés à Constantinople où ils possèdent des quais et un quartier réservé ; ils ont le droit de commercer librement dans tout l'empire byzantin. Les habitants de Venise se construisent un véritable empire colonial en Méditerranée en multipliant les établissements commerciaux. Les Vénitiens se heurtent à la concurrence de Pise et Gênes dont les comptoirs installés sur les rives orientales de la Méditerranée (et jusqu'en mer Noiremer Noire), sont fréquentés par les caravanes venant notamment de Bagdad.

    Carte des relations commerciales de Venise au Moyen Âge. Auteur Aliesin, 2005. © Wikimedia Commons, domaine public
    Carte des relations commerciales de Venise au Moyen Âge. Auteur Aliesin, 2005. © Wikimedia Commons, domaine public

    Au XIIe siècle, afin de limiter la mainmise de Venise sur le commerce byzantin, les empereurs byzantins favorisent Pise et Gênes en exploitant la rivalité entre les cités italiennes. Les relations avec les marchands italiens se dégradent et la population de Constantinople massacre tous les Latins présents dans la ville en 1182. Pour rétablir sa position commerciale, la république de Venise finance la quatrième croisade et obtient en contrepartie que les croisés fassent un détour par Constantinople. Prise en 1204, la ville est saccagée et l'empire byzantin mis au pas. La suprématie économique de Venise sera désormais incontestée : elle perfectionne ses techniques financières (emprunts, lettres de change, assurances...) ; on assiste à la naissance de grandes compagnies bancaires dotées de nombreuses filiales. Les Vénitiens vont imposer leur monnaie (le ducat de Venise créé en 1284) pour tout le commerce de Méditerranée orientale.

    Miniature d'une vue de Venise dans le <em>Livre des Merveilles</em>, de Marco Polo ; exemplaire anglais édité au XV<sup>e</sup> siècle. British Library, Londres. © History, Bridgeman
    Miniature d'une vue de Venise dans le Livre des Merveilles, de Marco Polo ; exemplaire anglais édité au XVe siècle. British Library, Londres. © History, Bridgeman

    L’essor commercial en Europe du Nord

    Dès le XIIe siècle, à l'autre extrémité du monde occidental, en mer du Nord et en mer Baltique, certaines régions connaissent un développement commercial très important. C'est le cas de la Flandre (Bruges, Gand, Arras) et des pays Baltes (Hambourg, Lübeck, Riga, Stockholm) auxquels il faut ajouter Londres qui devient une grande place économique, en se rattachant au réseau des villes de la Hanse au XIIIe siècle.

    La Hanse ou Ligue hanséatique (à l'origine, en Allemagne, les hanses sont de simples associations de marchands d'une même ville) devient une sorte de confédération commerciale composée des villes marchandes les plus riches d'Allemagne du Nord. Fort de soixante-dix villes dominées par Hambourg et Lübeck, le commerce de la Hanse va bénéficier de privilèges d'extraterritorialité octroyés par des souverains européens. Les marchands hanséates prospèrent dans les ports de l'Angleterre et des Pays-Bas, surtout Londres et Bruges. Sur les côtes de Baltique, ils vont chercher du fer, du bois, des poissonspoissons et vendent du sel et des produits manufacturés allemands. La Hanse est active du XIIe au XVIIe siècle, son déclin est total avec la fin de la guerre de Trente Ans en 1648.

    Routes commerciales au Moyen Âge : routes hanséatiques (noir), routes vénitiennes (bleu), routes génoises (rouge), routes vénitiennes et génoises (rose), routes terrestres (pointillés noirs). Auteur Lampman, 2008. © Wikimedia Commons, domaine public
    Routes commerciales au Moyen Âge : routes hanséatiques (noir), routes vénitiennes (bleu), routes génoises (rouge), routes vénitiennes et génoises (rose), routes terrestres (pointillés noirs). Auteur Lampman, 2008. © Wikimedia Commons, domaine public

    Bruges, la Venise du Nord

    L'industrie drapière des Flandres est certainement à l'origine du développement commercial de la ville de Bruges, en mer du Nord. Elle représente un point de rencontre stratégique entre trafic méditerranéen et septentrional, qui lui permet de développer un commerce de transit. Dans le port de Bruges accostent des navires italiens qui amènent les marchandises orientales, notamment les épices redistribuées en Angleterre et sur le continent européen. Dès les années 1280, les premiers voyages réguliers s'organisent par le détroit de Gibraltar entre Méditerranée et mer du Nord. Le trafic maritime de Bruges va profiter du déclin des foires de Champagne dès le début du XIVe siècle.

    Ville de Bruges, marché au vin, dans <em>Calendrier flamand</em>  de Simon Bening, XVI<sup>e</sup> siècle. Bibliothèque de l'État de Bavière, Munich. © BPK Berlin, dist. RMN - Grand Palais, image BPK.
    Ville de Bruges, marché au vin, dans Calendrier flamand  de Simon Bening, XVIe siècle. Bibliothèque de l'État de Bavière, Munich. © BPK Berlin, dist. RMN - Grand Palais, image BPK.

    Le commerce atlantique français au Moyen Âge

    La façade maritime française connaît une activité commerciale spécifique qui n'est pas reliée au trafic marchand italien, comme peut l'être Bruges. Il s'agit d'un négoce de proximité qui relie entre eux les principaux ports atlantiques du royaume (Bayonne, Bordeaux, La Rochelle, Nantes, Brest, Saint-Malo, Saint-Omer, Dunkerque) et certains en particulier Bordeaux, La Rochelle et Nantes, aux ports castillans, anglais et hanséates. Cependant on peut considérer qu'au Moyen Âge, les ports atlantiques français se situent encore en dehors des grands trafics maritimes, sous domination italienne au sud et allemande au nord.