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Le responsable des sursauts gamma, ces prodigieux flashsflashs célestes, est resté caché aux yeuxyeux des scientifiques pendant de nombreuses décennies. D'où les sursauts gamma tirent-ils leur énergie ? Comment se déroule leur formation ? Pour parvenir à le découvrir, il fallait avant tout résoudre le problème de la distance, mais également étudier les propriétés de ce phénomène afin d'identifier les indices laissés, immanquablement, par l'artificier cosmique.
Comme toujours, les choses se compliquent dès qu'on entre dans les détails... avant de naturellement se simplifier par la suite ! En effet, l'étude du signal émis par un grand nombre de sursauts gamma montre une très grande variété de comportements d'un sursaut à l'autre.
D'où vient l'énergie des sursauts gamma ? © Paulista, Shutterstock
Ces variations sont une première indication que l'astre au sein duquel agit le processus à l'origine de cette bouffée de photons de grande énergie est extrêmement compact. Par contre, cette très grande diversité empêche le classement des sursauts sur la seule base de leur structure temporelle.
Exemple de courbes de lumière (évolution du nombre de photons détectés au cours du temps) observées par l’instrument BATSE, à bord du satellite CGRO. On constate immédiatement une très grande variation dans la forme du signal observé ! (Cliquez en bas à droite pour agrandir l'image.)
Classification des sursauts gamma : sursauts longs et sursauts courts
On y parvient malgré tout en considérant l'intervalle de temps durant lequel 90 % des photons sont détectés, et ce pour l'ensemble des sursauts connus. Dans ce cas, la distribution de ces durées est clairement répartie en deux familles distinctes. Cette propriété, particulièrement étonnante, conduisit à une classification des sursauts en deux catégories :
- Les sursauts longs, pour lesquels la durée d'émissionémission est supérieure à deux secondes, et qui représentent environ les trois quarts des évènements.
- Les sursauts courts, pour lesquels la durée d'émission est inférieure à deux secondes (un quart des évènements).
Il faut avouer que ce résultat a profondément troublé la communauté scientifique lors de sa découverte au cours des années 90. Il n'était pas facile de trouver un mécanisme expliquant une telle distribution bimodale et il devenait alors tentant de faire appel à deux origines distinctes.
Énergie des sursauts gamma
L'enjeu était donc désormais d'identifier la nature exacte de l'astre (le progéniteur), ainsi que la manière dont il a évolué avant d'aboutir au phénomène de sursaut observé. Un élément de réponse fut apporté en étudiant l'énergie émise, qui excède 1043 joulesjoules (J), soit l'équivalent de l'énergie dissipée par une étoileétoile comme notre SoleilSoleil en un milliard d'années.
Le siège de cette activité est par ailleurs extraordinairement compact, comme indiqué par la très grande variabilité du flux de rayonnement sur des échelles de temps aussi courtes que la milliseconde. Le seul astre suffisamment compact pouvant convertir efficacement une importante quantité de matièrematière en rayonnement est... un trou noirtrou noir ! Mais pour former un tel astre, les sursauts courts et longs vont devoir suivre des chemins distincts.
Formation des sursauts gamma courts et jet relativiste
Ainsi, l'hypothèse actuellement favorite pour la formation des sursauts courts est basée sur la fusionfusion, ou coalescencecoalescence, de systèmes binairessystèmes binaires d'objets compacts, naines blanchesnaines blanches ou étoiles à neutronsétoiles à neutrons. Spiralant sans cesse l'un vers l'autre, ces deux objets vont finir par entrer en collision et former un trou noir unique, la massemasse du système alors constitué permettant en effet la formation d'un tel objet.
Une énergie formidable va, à cette occasion, être libérée en un temps extrêmement court sous la forme de deux pinceaux (ou jets) très étroits émis dans deux directions opposées, comme pour la lumièrelumière d'un phare. Ces jets sont composés de matière se propageant à une vitessevitesse proche de celle de la lumière baignant dans un rayonnement électromagnétique particulièrement intense, on parle alors de « jet relativiste ».
Rien n'échappe au trou noir, ni matière, ni même la lumière. L'existence de ces objets célestes compacts est aujourd’hui reconnue par la quasi totalité de la communauté scientifique. Malgré tout, ils restent empreints de mystère. Unisciel et l’université de Lille 1 nous dévoilent, avec le programme Kézako, les surprenant secrets de ces astres. © Unisciel
Formation des sursauts gamma longs et trous noirs stellaires
L'observation de sursauts longs associés à des étoiles en fin de vie, des supernovæ, a permis quant à elle de relier ce phénomène aux stades ultimes et explosifs de l'évolution stellaire des étoiles les plus massives. Ces étoiles, dont la masse dépasse de 20 à 30 fois celle de notre Soleil, achèvent immanquablement leur vie en trou noir.
Ce dernier grossit très rapidement en avalant la matière environnante et en émettant simultanément deux jets relativement étroits, de l'ordre de quelques degrés d'ouverture, dans deux directions opposées. Une fois créé, la difficulté pour le jet va être de sortir de l'enveloppe extrêmement massive de la supernovasupernova afin de créer le sursaut qu'on observe.
Pour y parvenir, une énergie considérable doit être injectée dans ces jets, plus de 1043 J pendant au moins 10 secondes, soit l'équivalent de l'énergie dissipée par notre Soleil durant toute sa vie, en une poignée de secondes !
Dans le cas contraire, le jet n'a pas assez de puissance et le sursaut avortera, conduisant alors à une supernova classique. Il semblerait toutefois que toutes les étoiles massives ne produisent pas de sursaut, mais que, par contre, tous les sursauts produisent une supernova. Les raisons qui conduisent une étoile massive à un sursaut ne sont pas encore clairement comprises et sont le sujet d'une discussion vive et passionnée parmi les spécialistes du domaine.
Schéma de principe de la formation d’un sursaut gamma long. Le progéniteur est un trou noir stellaire fraîchement formé par l’effondrement d’une étoile massive. Les deux jets ainsi formés sont le siège de mécanismes particulièrement violents conduisant notamment à l’émission d’un rayonnement gamma très intense à l’origine du nom du phénomène. © Nicolle Rager Fuller/NS
Une fois le jet créé, soit par la coalescence de deux astres compacts (sursaut court), soit par l'effondrementeffondrement sur elle-même d'une très grosse étoile (sursaut long), des mécanismes extrêmement violents vont s'y produire, ce qui donnera naissance au phénomène que l'on connaît. À partir de ce moment, les sursauts longs et courts vont connaître une histoire très similaire !
La matière dans le jet est en effet répartie dans des coquilles éjectées avec des vitesses différentes, bien que non négligeables, par rapport à celle de la lumière. Lorsqu'une coquille finit par en rattraper une autre, un choc se produit qui conduit à une accélération des électronsélectrons présents dans le pinceau de matière. Ces particules chargées vont alors produire une émission dans un domaine spectral extrêmement large, allant des rayons gammarayons gamma aux rayons Xrayons X et au visible. Plusieurs chocs internes peuvent naturellement avoir lieu, ce qui conduit à la très grande complexité observée dans les courbes de lumière.
Le jet, au cours de son expansion, va également balayer le matériaumatériau environnant l'astre à l'origine du sursaut. Cet environnement peut être, soit le milieu interstellaire, soit la matière précédemment expulsée par l'étoile génitrice (ses couches les plus externes par exemple). Le jet est alors freiné par ce milieu et les électrons vont, là aussi, émettre un rayonnement couvrant un domaine spectral extrêmement large (des rayons X au visible et en radio).