L'astronaute néerlandais de l'ESA André Kuipers vient de passer à bord de la Station spatiale Internationale (ISS) une semaine très chargée avec plus de 40 heures dédiées à des expériences scientifiques.

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    Ce médecin de formation en a également profité pour surveiller son cœur, grâce à deux expériences menées conjointement aux Pays-Bas et en France.
    Lorsqu'un être humain effectue un séjour en micropesanteur, les fluides à l'intérieur de son corps se répartissent différemment. Le sang est moins concentré dans ses jambes et à tendance à refluer vers le haut du corps. Comme le rapportait un astronaute : « la micropesanteur nous donne des mollets de coq et un visage rougeaud ! »

    Ces modifications physiologiques ne sont pas sans conséquence au niveau cardiovasculaire et circulatoire. Une meilleure compréhension de ces phénomènes est nécessaire pour préparer des missions de longue durée mais aussi pour améliorer la vie des malades sur Terre.

    Deux expériences sur ce thème, menées par les Facultés de Médecine de Lyon (C. Gharib) et d'Angers (M. A. Custaud) avec l'Université d'Amsterdam (J. Karemaker), figuraient au programme de la mission DELTADELTA, qui s'est déroulée à bord de l'ISSISS du 21 au 29 avril : Circa, en coopération avec le CHU de Louvain (A. Aubert), en Belgique, et Heart, avec le CHU de Tours (P. Arbeille).

    Suivi des cycles artériels


    L'expérience Circa avait pour objectif l'étude de l'influence du vol spatial (et principalement de la micropesanteur) sur les cycles de pression artériellepression artérielle.

    « Sur Terre, ces cycles se reproduisent sur une période de 24 heures, avec généralement une baisse de pression pendant la nuit, mais ils peuvent être affectés par des phénomènes extérieurs, comme le stressstress », explique le professeur Claude Gharib, du Laboratoire de Physiologie de l'Environnement à la Faculté de Médecine de Lyon, responsable de la contribution française aux expériences Circa et Heart.

    En effet, les modifications induites dans le système cardiovasculaire par la micropesanteur deviennent significatives dès les premiers jours de vol. D'une part, le cœur n'a plus à faire remonter le sang du bas du corps pour irriguer les parties hautes et d'autre part, l'organisme, n'ayant plus à fournir d'effort majeur, demande moins d'afflux sanguin pour irriguer les muscles. Il en résulte une diminution du volume sanguin et une atrophieatrophie musculaire affectant également le muscle cardiaquemuscle cardiaque. Cette adaptation commence dès 1 ou 2 jours de micropesanteur.

    « Les expériences de 'Bedrest' ont montré qu'une atrophie cardiaque non négligeable pouvait apparaître en moins de 15 jours » relève le professeur Gharib.

    Durant la mission DELTA, André Kuipers a donc porté un boîtier et un manchon gonflable qui mesuraient sa pression artérielle tous les quarts d'heure.


    Le boitier Portapress, crédits: ESA

    Des mesures de référence ont été faites trois semaines avant le vol et d'autres sont prévues 4 puis 10 jours après son retour. Ce boîtier a déjà volé lors de la mission Marco Polo de Roberto Vittori (25 avril au 5 mai 2002) afin de valider la faisabilité de l'expérience. Il a également été mis en œuvre lors de la mission Cervantes de Pedro Duque (18 au 28 octobre 2003).

    « Il nous faudra des mesures sur plusieurs astronautes pour pouvoir commencer à tirer quelques conclusions » reconnaît le professeur Gharib.

    Objectif : tenir debout au retour sur Terre


    L'expérience Heart est venu compléter ces recherches avec une tentative de prédiction de l'intolérance orthostatique, c'est-à-dire l'incapacité à tenir debout, qui se manifeste chez les astronautes ayant passé une longue période en micropesanteur, mais également chez toute personne ayant subi une longue période d'alitement. Cette intolérance orthostatique est gênante pour les astronautes à leur retour sur Terre après un vol de longue durée, mais elle représentera un véritable défi pour les futurs équipages des missions martiennesmissions martiennes qui devront affronter une pesanteur, même réduite, après un voyage spatial de plusieurs mois.

    Pour effectuer ces prédictions la collecte de nombreux paramètres est nécessaire. Outre les mesures de pression artérielles effectuées avec l'équipement de l'expérience Circa, André Kuipers s'est ainsi soumis à des électrocardiogrammesélectrocardiogrammes et a utilisé un équipement d'échographieéchographie par ultrasons pour mesurer le flux sanguin irriguant son cerveaucerveau ainsi que les expansions et les contractions de sa cavité thoraciquecavité thoracique

    « Nous avons également introduit des stimulationsstimulations du système cardiovasculaire en soumettant l'astronaute à des 'stress mentaux', par exemple au travers d'exercices de calcul » ajoute le professeur Gharib. « Il est important de savoir comment le système nerveux végétatifsystème nerveux végétatif, qui régule différentes fonctions automatiques de l'organisme, réagit en micropesanteur ».

    Ces mesures compléteront celles effectuées sur Frank De Winne lors de la mission Odissea (30 octobre au 10 novembre 2002), ainsi que sur Pedro Duque.

    Ces paramètres viennent « nourrir » un modèle informatique de la circulation de l'astronaute établi à partir d'examens au sol effectués avant et après le vol sur une table basculante qui permet de soumettre celui-ci à divers déséquilibres. Le modèle doit servir à prédire les réactions de l'astronaute à des tests qui se dérouleront après le vol et où André Kuipers devra se tenir debout contre un murmur, détendu, pendant 10 minutes.

    André Kuipers est un médecin, cela en fait un expérimentateur privilégié pour ces expériences sur la physiologie humaine » rappelle Marc Heppener, le responsable scientifique de la mission DELTA à l'ESA.


    André Kuipers à bord de Soyouz TMA-4, crédits: ESA

    « Les résultats de ces expériences permettront d'étendre nos connaissances sur les mécanismes qui régissent les rythmes cardiaques et de développer des contre-mesures efficaces pour préserver la santé cardiaque des équipages de vols spatiaux de longue durée » estime-t-il. Mais outre une meilleure évaluation de l'influence de la micropesanteur sur l'homme, ces expériences nous promettent une meilleure compréhension des mécanismes régissant le système circulatoire qui permettra de faire également progresser le traitement des affections qui lui sont liées pour les malades sur Terre.