Des embryons planétaires auteurs de délits de fuite ! C’est ainsi que des astronomes expliquent aujourd’hui comment des planètes de notre Système solaire interne telles que la Terre et Vénus se sont formées dans le même voisinage, mais ont fini très différentes. Un scénario qui a l’avantage d’éclairer aussi la formation de notre Lune.


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    Au début de l'histoire de notre Système solaire, il n'y avait rien d'autre que des particules en suspension dans une nébuleuse protoplanétaire. Rapidement, ces particules se sont entrechoquées, restant collées les unes aux autres. Formant des agrégats de matière de l'ordre du centimètre. Puis toujours plus gros. Les petits blocs formés ont continué à entrer en collision. Des planétésimaux ont vu le jour et accumulé peu à peu de plus en plus de nouveaux matériaux. Jusqu'à former des embryonsembryons de planètes. Des embryons planétaires qui ont eux-mêmes connu de multiples impacts avant de donner ensuite naissance aux planètes rocheusesplanètes rocheuses que nous connaissons. C'est le scénario établi par les astronomesastronomes.

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    Des travaux de chercheurs de l’université de l’Arizona (États-Unis) apportent aujourd'hui des précisions à cette vision. Ils proposent un nouveau scénario qu'ils qualifient de « hit-and-run-return ». Selon cette hypothèse, les embryons de planètes auraient en fait passé une grande partie de leur temps à ricocher les uns sur les autres. Ils ne se seraient agglomérésagglomérés qu'un peu plus tard, après avoir été ralentis par leurs premières collisions.

    Jusqu'alors, les astronomes avaient imaginé les collisions entre embryons planétaires bien plus efficaces que cela. Mais les chercheurs de l'université de l'Arizona notent que la plupart de ces impacts, même ceux qui se produisaient à des vitesses relativement lentes, ne pouvaient être autre chose que des événements de « hit-and-run ». Comprenez, des sortes de collisions avec délit de fuite. Ainsi, soulignent les chercheurs, « la formation de la Lune ne doit pas être vue comme un événement singulier. Il s'est probablement produit deux collisions de suite pour donner à notre Terre son satellite naturel. »

    La Terre comme bouclier

    Dans ce scénario, VénusVénus et la Terre -- bien que voisines dans le Système solaire -- auraient pu connaître des expériences très différentes. Ainsi notre Planète aurait-elle servi justement à ralentir les embryons planétaires qui croisaient par là. Les rendant plus susceptibles de s'accrocher à Vénus. « Nous voyons désormais la Terre un peu comme l'avant-garde de Vénus, une sorte de bouclier », commente Alexandre Emsenhuber, chercheur, dans un communiqué.

    Pour nous aider à comprendre, les astronomes nous donnent l'image d'une balle qui rebondit dans un escalierescalier. Comme les objets qui ont tendance à être attirés vers le Soleil, la balle rebondit toujours vers le bas. Chaque rebond représentant une collision de l'objet avec un autre corps du Système solaire. En cours de route, la balle perd de l'énergie. Les objets qui ont pénétré le Système solaire interne ne peuvent plus en sortir. Et la probabilité pour qu'ils frappent à nouveau Vénus et s'y collent augmente.

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    La Terre, elle, n'a pas de bouclier. D'où une grande différence entre notre Planète et Vénus. Une différence que les théories traditionnelles ne parviennent pas à expliquer. Pour celles-ci, en effet, les accrétionsaccrétions étaient plus le fruit du hasard. Les embryons de planètes entraient aléatoirement en collision et finissaient par fusionner avec l'une ou l'autre des deux planètes, indifféremment. Or, les astronomes constatent finalement que les embryons planétaires finissaient plus souvent sur Vénus que sur notre Terre.

    Selon les travaux des chercheurs de l’université de l’Arizona (États-Unis), notre Lune serait née non pas d’un, mais de deux impacts géants avec un objet de la taille de Mars, à un million d’années d’intervalle. Ici, une simulation de la première collision avec délit de fuite, en 3D, et environ une heure après l’impact. © Alexandre Emsenhuber, Université de Berne, Université de Munich
    Selon les travaux des chercheurs de l’université de l’Arizona (États-Unis), notre Lune serait née non pas d’un, mais de deux impacts géants avec un objet de la taille de Mars, à un million d’années d’intervalle. Ici, une simulation de la première collision avec délit de fuite, en 3D, et environ une heure après l’impact. © Alexandre Emsenhuber, Université de Berne, Université de Munich

    L’apport de l’apprentissage automatique

    Pour suivre toutes les orbitesorbites et les collisions planétaires, et finalement leurs fusionsfusions, les chercheurs ont compté sur l'apprentissage automatique, le machine learningmachine learning. L'intelligence artificielle, en d'autres mots. Ils ont ainsi pu construire des modèles prédictifs à partir de simulations 3D d'impacts géants. Ces données ont ensuite permis de calculer l'évolution orbitaleorbitale et de simuler la formation des planètes rocheuses au cours de 100 millions d'années.

    Ces travaux ont aussi permis aux astronomes de préciser la manière dont la LuneLune s'est formée. Impliquant toujours un objet de la taille de Mars, comme les chercheurs l'imaginent maintenant depuis quelque temps. Mais, dans une histoire à double impact, cette fois. Un premier impact avec la Terre se serait produit alors que l'objet avait une vitesse encore élevée. Puis, il serait revenu vers notre Planète environ un million d'années plus tard, pour cette fois arracher un morceau de la Terre en formation et donner naissance à la Lune. Selon les astronomes, ce scénario pourrait expliquer notamment la similitude isotopique de la Terre et de la Lune.

    Pour la Terre, des collisions plus frontales et plus lentes

    Les astronomes pensent que leurs découvertes pourraient aussi permettre à l'avenir de comprendre comment la Terre s'est retrouvée avec un champ magnétiquechamp magnétique beaucoup plus fort que celui de Vénus. Ou pourquoi Vénus n'a pas de lune. « À notre avis, la Terre aurait accumulé la plupart de ses matériaux à partir de collisions frontales ou bien plus lentes que celles subies par Vénus », commente Erik Asphaug, un autre chercheur qui a pris part à l'étude. « Les collisions avec la Terre qui étaient plus obliques et plus rapides se seraient de préférence terminées sur Vénus. » Cela créerait un biais dans lequel, par exemple, les embryons planétaires en provenance du Système solaire externe, à une vitesse plus élevée, se seraient préférentiellement accrétés sur Vénus au lieu de la Terre. Contrairement à ce qui l'on pourrait naturellement supposer.